Le "grand jeu" de Recep Tayyip Erdoğan
Malgré une situation économique au bord du gouffre et la chute brutale de la livre turque, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a su trouver une place diplomatique et géopolitique à l’occasion du conflit russo-ukrainien.
Comme nous l’explique Ahmet Insel, journaliste, écrivain et universitaire, le président turc sait se positionner dans la crise que subissent l’Union européenne, l’Ukraine et la Russie. Si Recep Tayyip Erdoğan a su se montrer rude avec certains états membres de l’UE, voire menaçant avec d’autres, Grèce et République de Chypre, il n’en a pas moins su investir dans des accords économiques et militaires avec l’Ukraine, et trouver une certaine "entente" avec Vladimir Poutine, tout en prenant des positions adverses avec le président russe, par exemple lors du conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie.
Une certaine idée de la diplomatie ottomane
Notre invité, Ahmet Insel, nous a permis de comprendre la stratégie de Recep Tayyip Erdoğan par rapport au conflit entre la Russie et l’Ukraine. Ainsi, le président turc s’est replacé dans l’actualité mondiale en faisant valoir son appartenance à l’Otan, donc s’opposant à la Russie, mais sans pratiquer les sanctions prévues par l’UE et les États-Unis contre Moscou.
D’autre part, l’avancée des troupes russes sur la côte ukrainienne de la mer Noire fait craindre à Recep Tayyip Erdoğan – si jamais la Russie s’emparait de cette côte – un face à face inévitable avec la Russie, la Turquie représentant l’Otan dans cette zone, où ni la Géorgie, la Bulgarie ou la Roumanie pourraient difficilement apporter un équilibre géopolitique.
Mais si Vladimir Poutine est un joueur d’échecs, Recep Tayyip Erdoğan est lui, un joueur de tavla. Le jeu de tavla, backgammon ou jacquet en Occident, consiste à faire effectuer à tous ses pions le tour du damier et à les sortir le premier face à son adversaire, mais à chaque lancer de dés, on risque de recomposer son jeu à chaque fois, bon ou mauvais, et donc de reprendre, modifier ou imaginer une stratégie différente. Comme quoi les jeux de société ancestraux, comme aussi le jeu de Go, sont aussi des méthodes de géopolitiques souvent méconnues.
Et comme le rappelle Ahmet Insel, Recep Tayyip Erdoğan sait jouer sur différents tableaux, ayant déjà préservé ses "œufs dans différents paniers" ukrainien, russe, otanien. C’est ainsi que Recep Tayyip Erdoğan apparaît comme possible médiateur dans une supposée résolution du conflit russo-ukrainien, aux côtés d’Israël.
Ici, Recep Tayyip Erdoğan apporte des gages de "bonne volonté" à ses alliés de l’Otan, malgré le fait qu’il ne soit guère apprécié par le président Biden, œuvrant pour la paix en Ukraine, et espérant en retour que ses alliés le laisseront agir à sa guise en Turquie – non-respect des droits de l’Homme – occupation en Syrie et à Chypre nord, prétentions sur la mer Egée.
Comment sauver l’économie turque ?
Comme nous le souligne Ahmet Insel, si le président turc n’applique pas les sanctions à l’encontre de la Russie, faisant ciller les Européens et les Américains, il faut y voir, pour lui, de profiter de l’exil des fortunes et de jeunes diplômés russes, comme on le voit en Géorgie et en Finlande. Mais pour Recep Tayyip Erdoğan, il s’agit aussi de parier sur l’arrivée des entreprises européennes sur le sol turc, quittant la Russie, ce qui serait une bouffée d’oxygène pour l’économie turque.
Ainsi Recep Tayyip Erdoğan sait se trouver une place dans la diplomatie internationale en tentant de redorer le blason de son pouvoir à une année des élections législatives et présidentielles turques, et surtout à l’aube du centenaire de la fondation de la république turque, 2023.
Semblablement, si l’Europe a vu en 1919 la chute des empires, russe, austro-hongrois, ottoman, allemand, un siècle plus tard, l’UE verrait-elle la naissance de nouveaux empires, russe, chinois et turc, tous sur le même continent ? Apportant ainsi une réponse à la question de Paul Valéry, "L’Europe, un petit cap du continent asiatique ?", en voyant se réaliser le rêve eurasiatique de Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdoğan ?. Quant à "l’allié" américain de l’UE, il sera toujours séparé d’elle par un océan, c’est-à-dire, le grand large…
À regarder
-
Cancer : des patientes de plus en plus jeunes
-
Cessez-le-feu à Gaza : un premier pas vers la paix
-
Quand t'as cours au milieu des arbres
-
Il gravit la tour Eiffel en VTT et en 12 min
-
Pourquoi on parle de Robert Badinter aujourd'hui ?
-
Robert Badinter : une vie de combats
-
La tombe de Robert Badinter profanée à Bagneux
-
Accord Hamas-Israël, la joie et l’espoir
-
"Qu’on rende universelle l'abolition de la peine de mort !"
-
Guerre à Gaza : Donald Trump annonce qu'Israël et le Hamas ont accepté la première phase de son plan
-
Les "MedBeds, ces lits médicalisés qui affolent les complotistes
-
Front en Ukraine : des robots au secours des blessés
-
Taylor Swift : la chanteuse de tous les records
-
Robert Badinter : le discours qui a changé leur vie
-
Nouveau Premier ministre, retraites : les temps forts de l'interview de Sébastien Lecornu
-
Lennart Monterlos, détenu en Iran depuis juin, a été libéré
-
Charlie Dalin : sa course pour la vie
-
La mère de Cédric Jubillar se dit rongée par la culpabilité
-
Le convoi du président de l'Équateur attaqué par des manifestants
-
Le discours de Robert Badinter pour l’abolition de la peine de mort en 1981
-
Pourquoi les frais bancaires sont de plus en plus chers ?
-
Oui, en trois ans, le coût de la vie a bien augmenté !
-
Pas de Pronote dans ce collège
-
Robert Badinter : une vie de combats
-
Disparition dans l'Orne : la petite fille retrouvée saine et sauve
-
"L’antisémitisme est devenu une mode", déplore Delphine Horvilleur
-
"Une pensée de l'espoir" nécessaire pour Delphine Horvilleur
-
Ils ont le droit à l’IA en classe
-
"Il y a un monde politique qui est devenu dingue. Il est temps que ça s’arrête. Ça va rendre fou tout le monde"
-
Pouvoir d'achat : les conséquences d'une France sans budget
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter