Hébergement, nom de domaine, messagerie... pourquoi, dans le monde numérique, les professionnels ne doivent pas s'équiper chez les amateurs

Un avocat s'est vu privé de l'accès à sa messagerie professionnelle et à l'ensemble de ses dossiers numérisés par son hébergeur Google. La Cour d'appel de Paris a validé cette application stricte des conditions générales d'utilisation de ces services numériques.

Article rédigé par Nicolas Arpagian
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Les professionnels doivent maîtriser les noms de domaines qui se rapportent à leurs activités. (JEAN-FRANCOIS FREY / MAXPPP)
Les professionnels doivent maîtriser les noms de domaines qui se rapportent à leurs activités. (JEAN-FRANCOIS FREY / MAXPPP)

Contacter un commerçant ou un fournisseur par mail, visiter son site Internet pour connaître ses offres et ses tarifs, voilà des démarches aujourd’hui très banales. Or, souvent le commerçant, le consultant indépendant, l’avocat ou le médecin qui se met à son compte va au plus vite, et à l’économie, pour se doter de ces équipements numériques.

Ils optent alors pour les versions grand public – gratuites ou bon marché – pour héberger leurs activités en ligne et leurs messageries. On voit ainsi des artisans afficher sur leurs publicités ou leurs camionnettes des adresses en @gmail.com ou @yahoo.fr pour les contacter. Et des laboratoires d'analyses médicales ou des pharmaciens utilisent très souvent ces mêmes services sans frais pour leurs correspondances.

Éviter les solutions grand public ou gratuites

Dès lors que l’espace numérique est une prolongation de l’activité du professionnel, il convient de prendre des précautions puisque si les technologies sont les mêmes, la maîtrise que l’on a des actifs numérisés dépend largement du cadre contractuel. C’est ce que vient de confirmer la Cour d’appel de Paris dans un contentieux qui opposait un avocat à la société Google. L’entreprise californienne a pris l’initiative de supprimer le compte Gmail ainsi que tous ses fichiers professionnels hébergés sur la plateforme Google Drive.

L’empêchant de fait de continuer son activité, faute de pouvoir accéder à ses dossiers. Dans un arrêt du 24 janvier 2025 la 11e chambre de la Cour d’appel de Paris a donné raison à Google.

Lors d'une affaire pénale qu’il plaidait, l’avocat stockait dans ses serveurs hébergés chez Google, 77 images pédopornographiques. Or, dans le cadre de la lutte contre la pédocriminalité, Google active de manière aléatoire un balayage automatisé piloté par des algorithmes des fichiers stockés dans les espaces loués par ses clients.

La détection des clichés en question a déclenché les mesures prévues par les conditions générales d’utilisation acceptées par les utilisateurs du service Google Drive. Soit la fermeture immédiate des comptes de messagerie, la clôture et la destruction des fichiers associés.

Malgré le soutien de l'Ordre des avocats

Dans cette affaire, l’avocat a obtenu le soutien de l’Ordre des avocats de Paris qui appuyait le caractère légitime de la détention des images litigieuses dans ce contexte précis. Pourtant la Cour d’appel a considéré qu’il serait disproportionné de faire peser sur l’hébergeur – ici Google – l’obligation de rechercher les motifs légitimes de la présence de ces séries de photographies.

Confirmant donc que le prestataire technique est fondé à supprimer le compte et les dossiers qui lui sont liés sur un simple soupçon d’illicéité des données stockées sur ses serveurs.

Cet arrêt doit être entendu comme un signal pour tous les professionnels choisissant des solutions grand public pour héberger le cœur de leur activité, et qui peuvent être remises en question pour une contradiction avec les conditions générales d’utilisation d’un contrat conçu pour des usages du grand public. Cela vaut par exemple pour des médecins qui stockeraient ainsi des photos dénudées de leurs patients, comme le font des dermatologues ou des chirurgiens.

Dans le cas des avocats, le Conseil National des Barreaux met à leur disposition des adresses en @avocat.fr avec des dispositifs d’hébergements adaptés à la profession.

Le nom de domaine fait partie des actifs à maîtriser

Il est toujours recommandé de détenir les droits numériques sur l’appellation de son entreprise. Et le nom de domaine est capital pour exister dans l’espace numérique. À ce titre, l’AFNIC, l’association chargée de gérer les appellations des sites en ".fr", constate dans ses statistiques que ce suffixe ".fr" est aujourd’hui le premier choix d’extension des TPE/PME et des particuliers pour leurs sites Internet. Devant les adresses en ".com" qui font référence au mot "commercial", nettement plus générique que l’ancrage géographique du ".fr"

Il faut garder à l’esprit le décalage qui existe entre la facilité d’accès aux services numériques avec une inscription et un abonnement en quelques clics, et l’impact bien réel et durable de l’application des conditions générales d’utilisation qui accompagnent l’emploi de ces outils.

Nous gagnerons tous à connaître et comprendre les règles qui régissent l’utilisation de ces outils (applications de jeux, réseaux sociaux, logiciels gratuits de retouches de photo, etc.). Nous leur livrons beaucoup de nos existences et de nos interactions sociales – surtout pour les services gratuits – afin de nous assurer que ce nous leur confions de nos existences vaut le bénéfice que nous pensons en tirer.

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