L’autonomie des enfants dans les espaces publics est-elle en danger ?

Aujourd’hui, les enfants jouent moins dehors, se déplacent moins souvent seuls et voient leur espace de liberté se réduire.

Article rédigé par Amélia Matar
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Harcèlement à l'école, menaces sur les réseaux sociaux, violences intrafamiliales : les enfants sont-ils moins en sécurité et autonomes que ceux des générations passées ? (NATACHA KADUR / RADIO FRANCE)
Harcèlement à l'école, menaces sur les réseaux sociaux, violences intrafamiliales : les enfants sont-ils moins en sécurité et autonomes que ceux des générations passées ? (NATACHA KADUR / RADIO FRANCE)

Cette perte d’autonomie des enfants est souvent justifiée par des craintes parentales grandissantes face aux dangers extérieurs. Quels sont les impacts réels de cette évolution sur la santé et le bien-être des enfants ?

Une liberté de mouvement en recul

Les enfants d’aujourd’hui ont bien moins de liberté que leurs parents et grands-parents au même âge. Jonathan Haidt, dans son livre Génération anxieuse (Les Arènes, 2025), parle de "grand recâblage", décrivant une génération d’enfants surprotégés dans le monde réel et sous-protégés dans le monde virtuel. Une contradiction qui, selon lui, contribue à la montée de l’anxiété chez les jeunes.

Tous les experts ne s’accordent pas sur le rôle du numérique dans cette tendance mais un constat fait l’unanimité : les enfants explorent moins leur environnement, sortent moins et gagnent en sédentarité. Le médecin britannique William Bird a étudié sur 4 générations la distance qu’un enfant de 8 ans pouvait parcourir seul.

  • En 2007, le petit Ed Thomas pouvait aller seul jusqu’au bout de sa rue, soit moins de 300 mètres.
  • En 1979, sa mère Vicky avait l’autorisation d’aller seule à la piscine, à 800 mètres.
  • En 1950, son grand-père Jack pouvait explorer les bois, à 1,5 km de la maison.
  • En 1919, son arrière-grand-père George allait pêcher à 10 km.

Un impact sur la santé physique et mentale

En un siècle, l’horizon des enfants s’est considérablement rétréci. Cette perte d’autonomie va bien au-delà d’une simple question d’éducation : elle impacte directement leur santé physique et mentale.

La diminution de l’autonomie des enfants a des conséquences visibles sur leur activité physique. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande une heure d’activité physique par jour pour les 11-17 ans. Pourtant, selon l’étude Esteban menée en 2022, seulement la moitié des garçons et un tiers des filles atteignent ces recommandations en France.

Moins d’autonomie, c’est aussi moins de mouvement, plus de temps passé à l’intérieur et, à terme, un impact sur la santé des enfants.

Les dangers sont-ils vraiment plus nombreux ?

Face à cette perte de liberté, l’argument souvent avancé est celui de la sécurité. Les enfants sont-ils réellement plus en danger aujourd’hui qu’autrefois ?

Les statistiques montrent que les dangers auxquels font face les enfants ne sont pas forcément à l'extérieur. Les violences intrafamiliales, par exemple, sont en augmentation. En 2021, une hausse de 16% des violences intrafamiliales non conjugales a été enregistrée, incluant des violences physiques et sexuelles.

Autre menace réelle : le cyberharcèlement et l’exposition aux prédateurs en ligne. En 2022, 31% des parents ont déclaré que leur enfant avait été victime d’au moins une cyber violence.

Finalement, l’anxiété parentale est nourrie par l’exposition médiatique aux faits divers, plus que par l'augmentation des dangers dans l’espace public, peu évidente à mesurer, mais relativement en déclin sur les dernières décennies. C’est ce que souligne Clément Rivière, maître de conférences en sociologie à l’Université de Lille et auteur du livre Leurs enfants dans la ville (Presses Universitaires de Lyon - 2021).

Vers une ville plus adaptée aux enfants ?

Ces peurs parentales ont des répercussions positives sur l’aménagement des villes. Clément Rivière a interrogé des centaines d’enfants sur leur vision d’une ville idéale. Les jeunes interviewés partagent leur envie d'espaces colorés, respectueux des uns et des autres, sécurisés, et aux propositions éducatives riches et variées. "Une ville où tout le monde a les mêmes droits." conclut un enfant.

Le défi n’est donc pas seulement de sécuriser ces espaces, mais de garantir que les plus jeunes puissent y évoluer librement, apprendre, se responsabiliser et grandir en toute confiance.

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