80 ans de la libération d’Auschwitz : "Il faut aller à Auschwitz, ressentir la sidération de la visite", dit le sociologue Jean Viard
Auschwitz-Birkenau est le plus grand camp de concentration et d'extermination du IIIe Reich. Plus d'un million de personnes, des juifs pour la plupart, y ont trouvé la mort. 80 ans après la découverte de ce camp de la mort, "c'est important d'en faire un projet éducatif. C'est un lieu de mémoire, de commémoration", selon le sociologue Jean Viard.
Le 27 janvier 1945, il y a presque 80 ans, jour pour jour, le monde découvrait l'horreur du camp d'Auschwitz-Birkenau en Pologne. Plus d'un million de Juifs, de Tziganes, de résistants y a été tués entre 1940 et la libération du camp par l'Armée rouge. À l'occasion des 80 ans de la libération d’Auschwitz, une trentaine de chefs d’État sont attendus lundi 27 janvier aux commémorations organisées en Pologne. Pour Jean Viard,"emmener ses enfants à Auschwitz" est d'autant plus important"dans une époque où la vérité est contestée par tout le monde."
franceinfo : Est-on à la hauteur du devoir de mémoire aujourd'hui, 80 ans après ?
Jean Viard : Je dirais d'abord, qu'il faut aller à Auschwitz, il faut emmener ses enfants à Auschwitz. C'est un lieu, quand on arrive, qui est un lieu de mémoire, de commémoration, de violence extraordinaire. Il faut le vivre. Je crois que c'est important d'en faire un projet éducatif. Et quand vous allez à côté, à Cracovie, qui n'est pas très loin d'Auschwitz, vous avez des quartiers entiers où les immeubles ont des grillages qui ont été tirés, parce qu'il n'y a aucun propriétaire, ni aucun cousin à l'autre bout du monde qui aurait pu hériter. Tout le monde est mort.
"À Cracovie, on ne sait pas quoi faire d'immeubles entiers où les gens sont tous morts."
Jean Viardà franceinfo
Donc c'est ça qu'on voit quand on va là-bas. C'est une mémoire de quelque chose d'absolu, c’est-à-dire la volonté de tuer une partie de sa propre société pour des raisons d'origine, de religion, etc.
Les rescapés sont de moins en moins nombreux. Il faut de plus en plus les écouter, ceux qui sont encore là ?
Il faut les écouter et il y a le travail de la culture. Il y a des films magnifiques qui ont été faits pour porter cette mémoire. Et puis il faut comprendre aussi que les nouvelles générations, par exemple, sont beaucoup plus influencées par la question de l'esclavage, notamment à cause de l'importation de la culture américaine, qui est beaucoup plus sensible à l'esclavage pour des raisons qu'on peut bien comprendre. Les jeunes, aujourd'hui, sont souvent plus sensibles à l'esclavage qu'à la mémoire d'Auschwitz.
Est-ce que les films et les documentaires peuvent suffire à continuer à transmettre l'histoire, à un moment où chaque image est contestée avec les réseaux sociaux et l'intelligence artificielle ?
C'est vrai qu'on est dans une époque où la vérité est contestée par tout le monde. Et c'est pour ça qu'il faut se battre pour le respect des scientifiques, le respect des savants, etc. Mais parallèlement, le temps fait son œuvre, donc il faut en permanence réactiver les choses. Petit à petit, dans 1 000 ans, malheureusement, en grande partie on oubliera. C'est un peu le fil normal du temps des sociétés, mais on n'y est pas encore.
" Auschwitz, c'est encore tout près. Et pour la génération d'après-guerre, c'est souvent après qu'on nous en a parlé, parce que les survivants n'en parlaient pas."
Jean Viardà franceinfo
C'est pour ça que je dis qu'il faut aller à Auschwitz, parce que ce lieu ne diminuera rien. Il n'y a pas besoin qu'on vous explique. Vous entrez, vous visitez des endroits, il y a tous les stocks de chaussures, etc. Il faut fermer les yeux, et se demander ce qu' ont vécu ces gens-là, ressentir la sidération de la visite.
80 ans après la libération d'Auschwitz, on assiste à une résurgence des actes antisémites, notamment depuis le 7-Octobre. C'est un symptôme aussi d'une mémoire qui s'étiole un peu ?
C'est une mémoire qui s'étiole, et une instrumentalisation politique par certains. Et aussi, un résultat de la violence du gouvernement de Monsieur Nétanyahou, qui est un gouvernement d'extrême droite. Ce qui est compliqué, c'est que tout ça se mélange. Une partie des jeunes, qui n'ont pas forcément une culture de tout ça, mélange un peu tout ça. C'est tout un travail d'explication, d'analyse. Il faut le faire. C'est important parce que l'antisémitisme fait partie des sociétés européennes depuis extrêmement longtemps. C'est un enjeu majeur pour que l'Europe soit un territoire de mémoire partagée.
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