"Le référendum n'est pas l'arme suprême de la démocratie", estime le sociologue Jean Viard

Alors qu’Emmanuel Macron n’exclut pas d’organiser plusieurs référendums dans les prochains mois, le sociologue Jean Viard analyse la portée et l’intérêt de cet outil en démocratie.

Article rédigé par Benjamin Fontaine - Jean Viard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Un référendum sur plusieurs sujets pourrait être organisé d'ici la fin de l'année. (MOHAMMED BADRA / EPA)
Un référendum sur plusieurs sujets pourrait être organisé d'ici la fin de l'année. (MOHAMMED BADRA / EPA)

Plusieurs référendums "en même temps". Ce mardi 13 mai 2025, tout en restant évasif sur les domaines concernés, Emmanuel Macron s’est dit favorable à l’organisation de plusieurs votes au même moment et sur différents sujets en cas de blocage à l’Assemblée nationale.

franceinfo : Brandi comme une menace par le président, le référendum est-il l'outil ultime, l'arme suprême de la démocratie ?

Jean Viard : Non, je ne le pense pas. Le référendum peut permettre de sacraliser une décision à un moment donné comme ce fut le cas au moment de l'indépendance de l'Algérie. Mais qu'est-ce qu'une décision ? C'est le fruit d'une délibération. Il faut qu'il y ait eu une réflexion, qu'on se soit documenté, qu'on ait réfléchi. Je ne suis pas sûr qu'on puisse faire une délibération démocratique apaisée et neutre dans nos sociétés numériques. Aujourd'hui, la rupture avec le politique est considérable et les référendums peuvent rapidement se transformer en vote d'opposition de principe. Je suis un peu désarçonné par cette agitation référendaire.

Est-ce que faire appel directement aux Français ne fait pas perdre leur légitimité aux députés ou aux sénateurs ?

Oui, mais honnêtement, historiquement, les référendums ont plutôt été utilisés dans les régimes autoritaires par des dirigeants qui voulaient faire valider une décision. Une façon de se faire élire une deuxième fois. Aujourd'hui, il y a des pays comme la Suisse où le référendum est devenu un outil démocratique de décision, mais cela signifie que l'on n’a pas un pouvoir central fort. C'est entré dans la culture politique. Il se peut qu'un jour en France, avec la proportionnelle, on modifie, nous aussi, notre culture politique. Réapprenons à discuter, à délibérer collectivement avant de penser au référendum. Pour le moment, nous en sommes loin.

On sait aussi qu'aujourd'hui, avec les réseaux sociaux et les ingérences étrangères, le référendum peut devenir un outil de manipulation des populations.

Le risque est absolument considérable. On voit parfaitement que nous ne sommes pas bien équipés pour la guerre numérique même si la France et l'Europe font des progrès. Notre démocratie est relativement en danger à cause du monde numérique. On est dans une période où le champ politique est complètement explosé et les populations ont des revendications légitimes. Les gilets jaunes, on s'en souvient, se sont mobilisés pour le référendum d'initiative citoyenne, mais la démocratie ce n'est pas le café du commerce.

Que penser alors des conventions citoyennes ?

Elles sont remarquables d'intelligence. Les gens évoluent, s'écoutent, écoutent les experts. Le gros problème c'est qu'on ne les écoute pas en retour. Ce sont pourtant des lieux d'élaboration démocratique, de discussion, de réflexion commune. L'idée de mettre un outil d'intelligence démocratique à côté de la démocratie délibérative me semble un progrès considérable dans notre société. Ce sont, en plus, des endroits où il y a peu d'influence extérieure. Je pense en revanche qu'il faudrait les médiatiser un peu plus ou les ouvrir au public.

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