"Les clivages territoriaux dans l'accès à la culture sont massifs", souligne le sociologue Jean Viard

Comme chaque année, c'est la période des festivals en tout genre, musique, cinéma, exposition... Mais malgré la multiplication de ces événements de nombreux clivages demeurent dans l'accès à la culture.

Article rédigé par franceinfo - Jean Viard
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Temps de lecture : 3min
Des personnes sont rassemblées devant l'une des scènes du Binic festival, en Bretagne, le 28 juillet 2018. (JONATHAN KONITZ / MAXPPP)
Des personnes sont rassemblées devant l'une des scènes du Binic festival, en Bretagne, le 28 juillet 2018. (JONATHAN KONITZ / MAXPPP)

Ce week-end, comme chaque printemps et chaque été, de nombreux festivals culturels commencent. Il y a de la musique avec We Love Green, du cinéma au festival d'Annecy, des livres et de la musique avec Étonnants Voyageurs à Saint-Malo et puis La Nuit Blanche à Paris.

Les événements sont multiples et variés, mais la culture s'est-elle pour autant démocratisée ? Selon le sociologue Jean Viard, l'accès à la culture reste contrasté. Il souligne, d'ailleurs, que l'argent n'est pas le seul obstacle, les transports pour les jeunes ruraux ou ceux vivant en banlieue en est un également et pas des moindres.

franceinfo : L'accès à la culture s'est-il vraiment démocratisé ou est-ce que c'est toujours réservé à une partie de la population ?

Est-ce que la culture est allée vers les populations populaires des villages, des quartiers populaires ?Très peu, sauf par le numérique. Puisque les jeunes, notamment, consomment essentiellement de la culture numérique. Donc le problème, c'est comment on fait sortir les jeunes de la culture numérique pour aller dans le réel. Et ce qu'il faut dire, c'est que l'été, ça marche. Pourquoi ? Parce qu'il y a plein de petits festivals partout. Il y a plein de petits villages où il se passe des choses. Il y a 7 millions de gens qui vont à des festivals d'été, notamment de musique. Donc c'est beaucoup. La question, c'est que 50% de l'argent public de l'État, destiné à la culture, est mis sur Paris. Donc il y a une énorme pauvreté culturelle de la province et en plus il y a peu de choses l'hiver dans les campagnes et dans les bourgs. Là c'est un vrai sujet.

Des initiatives comme La Nuit Blanche à Paris ou la Nuit des musées, permettent-elles de faire venir un autre public dans les lieux culturels ?

Un peu. Quand on avait fait des musées gratuits, par exemple, il y a eu plus de monde dans les musées. Mais quand on avait bien regardé, c'était ceux qui avaient l'habitude d'y aller qui y allaient plus souvent. Pourquoi ? Parce qu'aller vers un objet culturel, c'est un chemin. Il faut qu'il y ait quelqu'un qui vous tende la main, qui vous explique. C'est pour ça que la musique, ça marche bien parce que les jeunes en écoutent toute la journée sur internet, donc ils sont déjà dans ce monde. Mais croire que parce qu'il y a un en face de chez vous, vous allez traverser la rue pour y aller, ce n’est pas comme ça que cela fonctionne.

Donc le prix, n'est pas le seul frein ?

Mais oui, il ne faut pas penser tout le temps à l'argent. Certes, ça compte. Prenons le Pass Culture. C'est un très bon exemple. L'idée était bonne. On donne 300 euros à des jeunes pour qu'ils sortent de leurs écrans pour aller dans le réel, acheter un livre, aller en spectacle. Excellente idée. Dès le début, j'avais dit oui, mais il faut mettre le transport. Parce que les jeunes les plus privés de culture, ce ne sont pas ceux des grandes métropoles. Les 30% de jeunes des métropoles, en matière de biens culturels, ils ont énormément de choses. Lesquels n'ont pas accès à la culture ? Ce sont les jeunes de banlieue et surtout les 30% de jeunes ruraux. Mais si on ne paye pas le transport, s'il faut qu'ils aillent en ville consommer, ça leur coûte plus cher que le spectacle. La vraie égalité, c'est de penser les clivages territoriaux dans l'accès à la culture et ces clivages sont massifs.

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