"Les jeux de société reflètent l'imaginaire de notre époque", estime le sociologue Jean Viard
Alors que les indices qui ont mené à la Chouette d'or viennent d'être révélés et que le marché du jeu se porte très bien, le sociologue Jean Viard analyse notre goût pour l'enquête, le mystère et notre rapport au jeu.
/2025/05/02/gettyimages-1423680519-681475f26242a793591511.jpg)
Après plus de trente ans d'enquête, la Chouette d'or a livré tous ses secrets vendredi 2 mai. Les indices qui ont mené à sa découverte ont été révélés dans un film projeté dans les cinémas du pays. Une nouvelle quête débute et il faudra compter entre trois et six ans pour résoudre cette nouvelle énigme selon le co-créateur du jeu. Alors que le marché du jeu de société se porte très bien depuis une quinzaine d'années, le sociologue Jean Viard se penche sur notre rapport au jeu.
franceinfo : Pourquoi sommes-nous autant fascinés par les enquêtes, qu'il s'agisse d'un jeu ou de faits divers d'ailleurs, par les récits mystérieux ?
Jean Viard : En Europe, le jeu est un moment d'apprentissage. Au Moyen Âge, on joue essentiellement aux échecs parce que c'est populaire. Il suffit d'avoir un couteau, quelques bouts de bois et on sculpte le roi, la reine, le fou, etc. C'est un moment où l'on apprend la hiérarchie et les règles de la société. Le jeu de cartes arrive avec l'imprimerie. Le jeu, c'est un temps d'éducation. Dans nos sociétés modernes, on l'associe à l'oisiveté parce qu'on considère que le travail ne doit pas être vu comme un jeu, mais comme quelque chose de précis et répétitif. Pourtant, on voit parfaitement que les salariés qui prennent leur travail comme un jeu sont souvent les plus productifs. En parallèle, il y a notre passion pour les faits divers, pour les enquêtes parce que même les méchants nous intriguent. Il faut voir le succès des séries policières à la télévision.
Nous sommes aussi fascinés par le mystère.
Oui et c'est aussi une façon d'évacuer des choses qu'on ne fera jamais. On circule dans une zone grise qui est un peu comme un double de nous-mêmes. Je crois que cela nous aide au fond, à rester dans la "zone de courtoisie".
Est-ce que ça correspond aussi à un besoin de trouver des solutions pour avancer ?
Oui. Nous avons besoin de solutions et nous avons aussi besoin de vivre plusieurs vies. Il y a la vie que je vis, il y a la vie que je trouve dans les livres. Il y a la vie que je trouve dans les faits divers et au fond, ma propre vie est une des vies que j'observe autour de moi. Le jeu, l'enquête, le mystère, ça donne de la profondeur à la vie. Nous sommes aussi des êtres créatifs parce que nous jouons avec les transgressions, dans certaines limites évidemment.
Le marché du jeu se porte très bien depuis une dizaine d'années, avec un chiffre d'affaires en progression de 10% chaque année. Les adultes jouent aussi beaucoup, de plus en plus. Le jeu, c'est du lien social. Une échappatoire aussi ?
Peut-être, en effet. On en revient à la réflexion sur l'oisiveté dans nos sociétés. Que faisons-nous de ces temps oisifs ? Est-ce que ce sont des temps créatifs ou non ? Près de 1 200 jeux sont créés chaque année en France et 30 millions de boîtes de jeux sont vendues. Le marché est considérable. Ces jeux reflètent l'époque. Le Monopoly a été inventé à la montée du capitalisme spéculatif au début du XXe siècle. Aujourd'hui nous avons beaucoup de jeux de stratégie, de jeux de guerre. Les jeux reflètent l'imaginaire de notre époque. Il y a des gens qui sont aliénés par le jeu. Il y a des gens qui jouent tout le temps. Il y a des gens qui jouent très peu parce qu'ils jouent leur vie. Ils jouent leur vie en politique, ils jouent leur vie au travail, séduction et au fond, leur vie est un immense jeu. Le jeu c'est aussi du lien social. Quand on pense aux jeux de cartes, on pense à quatre personnes qui se retrouvent, se parlent, se connaissent et boivent un verre ensemble. C'est aussi une façon de se mesurer de manière courtoise voire gagner, avec respect bien sûr.
À regarder
-
Cédric Jubillar : 30 ans de prison pour meurtre
-
Mal de dos : comment le soigner
-
Faire des têtes au foot, c'est stylé, mais...
-
En Chine, le plus haut pont du monde est devenu une attraction touristique
-
Quand t’es collé en forêt
-
À Marseille, la Bonne Mère retrouve sa couronne
-
Meurtre de Lola : ce qu’il s’est passé
-
Chili : un miracle dans le désert
-
Faux diplômes : tricher pour se faire embaucher
-
Vignes : des algues pour remplacer les pesticides
-
Du Maroc au Népal, en passant par Madagascar, la génération Z structure ses luttes sur Discord
-
À Londres, le café c'est dans les toilettes
-
De la propagande russe dans nos infos locales
-
Ordures ménagères : une taxe toujours plus chère
-
Temu, Shein... ça va coûter plus cher ?
-
C'est très compliqué dès qu'on parle de la France
-
Départ anticipé d’E. Macron : “La seule décision digne qui permet d’éviter 18 mois de crise”
-
Donald Trump : le Venezuela dans sa ligne de mire
-
Hommage à Samuel Paty : des minutes de silence "inutiles" pour sa sœur.
-
Avion low cost : payer pour incliner son siège
-
Otages français en Iran : l'appel de détresse de leurs familles
-
Cédric Jubillar : ses défenseurs passent à l'attaque
-
Salomé Zourabichvili : "La Russie utilise la Géorgie comme test"
-
Se faire recruter dans l’armée par tirage au sort ?
-
La détresse de Cécile Kohler et Jacques Paris, otages en Iran
-
Le fléau des courses-poursuites à Los Angeles
-
Se soigner risque-t-il de coûter plus cher ?
-
Bac sans calculette : les conseils de Lucas Maths
-
Menace des drones : la France déploie ses armes
-
Un couple sauvé des eaux au Mexique
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter