Semaine de la francophonie : "Le métissage est une richesse", estime Jean Viard

La Semaine de la francophonie se déroule du 15 au 23 mars. Plus de 320 millions d'habitants parlent français sur la planète. Le sociologue Jean Viard analyse l'évolution de la langue et son pouvoir d'influence.

Article rédigé par Benjamin Fontaine - Jean Viard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
La langue française compte plus de 320 millions de locuteurs dans le monde. (PhotoAlto / Anne-Sophie Bost)
La langue française compte plus de 320 millions de locuteurs dans le monde. (PhotoAlto / Anne-Sophie Bost)

Ce samedi 15 mars débute la semaine de la langue française et de la francophonie. Jusqu'au 23 mars des ateliers, conférences, débats sont organisés en France et à l'étranger pour promouvoir la langue française parlée par plus de 320 millions de locuteurs sur cinq continents. Le français est aujourd'hui la cinquième langue la plus répandue dans le monde.

franceinfo : La langue française a été un outil de pouvoir diplomatique et d'influence. Est-ce que ce pouvoir est toujours aussi fort ?

Jean Viard : Il est très difficile de répondre en faisant une généralité. Le développement du français est en grande partie lié à la colonisation. Il y a des pays, notamment en Afrique, où le français est la langue qui rassemble les gens, parce que s'ils ne parlaient pas français entre eux, ils ne se comprendraient pas. Mais il y a aussi des pays comme l'Algérie où le français est en recul, car perçu comme la langue du colonisateur. Le français est aussi une langue de migration. Parler anglais ou français, ça permet de migrer. Les migrants se déplacent le plus possible dans les pays dont ils parlent la langue. Mais le soft power d'une langue dépend aussi de son attractivité, de sa force. Regardez ce qui arrive aux États-Unis en ce moment. La culture américaine qui nous a tant fait rêver repousse un certain nombre d'entre nous. Peut-être que les langues européennes vont connaître un nouvel essor.

franceinfo : Le français a beaucoup évolué, sous l'influence d'autres langues. Est-ce qu'il y a des mouvements dans la société qui ont accéléré ces évolutions ?

Les langues sont vivantes et faites pour être enrichies. Regardez le nombre de mots qui viennent de l'arabe, sans compter tous les nouveaux mots techniques. On peut prendre l'exemple de "frigidaire" et en trouver de nombreux comme cela. La langue est vivante, elle se métisse en permanence.

franceinfo : Certains estiment que ce métissage est un appauvrissement, d'autres diront que c'est une richesse...

Jean Viard : Je pense que c'est plutôt une richesse. Il nous arrive parfois d'utiliser un mot qui vient d'une autre langue parce qu'il apporte une précision à ce que l'on veut dire. Je pense que les langues s'enrichissent mutuellement, mais elles doivent garder leur unicité. Une langue, c'est une vision du monde. C'est une façon d'associer des images, des objets mémoriels, etc. Ca s'appelle une culture. Même la plus petite langue, il faut la préserver. Nous allons de toute façon vers un monde bilingue. Il faut protéger la langue parce que la langue, c'est un costume identitaire et un costume culturel.

franceinfo : Selon les estimations, nous pourrions compter 500 à 800 millions de locuteurs francophones d'ici 2070, grâce à la croissance de l'Afrique...

Jean Viard : Il y aura bientôt deux milliards d'habitants en Afrique et donc tout naturellement le français progresse. Il faut se poser des questions politiques. Quel soin mettons-nous à protéger et diffuser la langue ? Qu'est-ce qu'on fait pour que les étudiants d'Afrique qui viennent dans les universités françaises, etc. La politique d'accueil, notamment des jeunes, est un enjeu majeur pour protéger la puissance de la langue française.

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