Au cœur du ministère de l’Intérieur et dans le cœur des mères célibataires

"Comment ça marche ? Et qui sont ces gens ? Qu'est-ce qui se passe dans la tête d'un policier ? C'est quoi son quotidien ?" Ce sont les questions que s’est posé Mathieu Sapin, illustrateur, lorsqu’on lui a proposé un accès, pendant plus d’un an, à tous les services de la place Beauvau. Après avoir hésité à accepter cette proposition, se considérant "très loin de cet univers-là", il finit néanmoins par accepter. Il en résulte l'ouvrage À l'intérieur, publié vendredi 11 avril. "Je me suis dit, dans un second temps, que c'était justement un problème qu'on ne puisse pas parler de la police parce qu'on projette dessus une espèce de contenu politique. Et au contraire, je me suis dit que ça serait intéressant d’y aller".

Sans poser les questions classiques liées au maintien de l’ordre et en arrivant "sans œillères", le dessinateur écoute "à la pause déjeuner, ce qu’ils vont raconter de leur journée". De la mort de Nahel, aux mobilisations contre la réforme des retraites, en passant par les émeutes en Nouvelle-Calédonie ou le cyclone Chido à Mayotte, Mathieu Sapin vit et raconte dans son ouvrage les crises qui secouent l’Intérieur.

"Dans ces moments, il y a une espèce d'émulation qui fait qu'on fait moins attention. Je me retrouve dans la cellule de crise et là, personne ne fait gaffe à moi. J'avais une espèce de cape d'invisibilité comme dans Harry Potter. Et donc je suis resté. Il y avait Gabriel Attal, Premier ministre à l'époque, il y avait Gérald Darmanin, Dupont-Moretti et d'autres. Et je sais que des gens ont dit pendant la réunion :  "Mais c'est qui ce type-là qui fait des dessins dans son carnet ? " Mais c'était trop tard, j'étais là."

"La bande dessinée a un vrai pouvoir de communication. Et moi, j'ai une responsabilité aussi sur les gens que je traite, mais aussi vis-à-vis des lecteurs. Et encore une fois, je pense le faire avec le plus d'honnêteté possible."

Mathieu Sapin

à franceinfo

À l’intérieur dévoile aussi les dessous de certaines tâches des forces de l’ordre, dont certaines donnent l’impression à Mathieu Sapin de se retrouver dans "les films de Mission impossible". Son œil d'illustrateur jeunesse lui permet de "conserver ce regard un peu étonné, pas émerveillé, mais en tout cas curieux."

Et si cette plongée au cœur d’un ministère était bien un nouvel exercice pour le dessinateur, il est en revanche usuel des romans graphiques d’immersion. De 2012 à 2016, c’est dans les pattes de Gérard Depardieu qu’il décide de passer son temps. Trois semaines après le procès de l’acteur pour agressions sexuelles sur deux femmes durant un tournage, Mathieu Sapin estime ne pas avoir "dans [son] album, caché des choses, au contraire. On l'a même notifié. On n'avait jamais vu un bouquin qui va aussi loin dans l'intime sur quelqu'un. Mais après, c'est vrai que Gérard, il est comme ça. Personne ne lui ressemble. Après, il y a des choses qui dérangent". Mathieu Sapin "l'entend."

À l’intérieur (aux éditions Dargaud), de Mathieu Sapin, disponible en librairie 

La Révolte des mères, le quotidien des mères célibataires en bande dessinée

Relevant pour l’instant plus des chiffres et de la statistique, le quotidien des mères célibataires est le sujet de La Révolte des mères, bande dessinée écrite par Francesca Fattori et Marguerite Dégi.

Toutes deux quittées par leurs compagnons après l’arrivée d’un enfant, les deux femmes se rendent compte en discutant qu’elles vivent la même situation et se retrouvent rapidement amenées à devenir "pourvoyeuses de conseils pour d'autres femmes à qui cela arrivait aussi. Et comme [Francesca] est journaliste et [Marguerite] scénariste, on s'est dit qu'il y avait peut-être un truc à raconter."

Ce quotidien de mère solo, les deux autrices voulaient en rendre compte à travers leurs deux personnages de manière profonde, mais aussi avec légèreté. "On ne voulait pas d'une histoire larmoyante, misérabiliste. La situation est tellement merdique qu'y ajouter de l'humour, c'était pour nous essentiel."

"On voulait l'incarner pour que tout le monde se rende compte de ce que ça pouvait être le quotidien d'une mère qui élève seule ses enfants, notamment pour les hommes. On espère que cette lecture leur sera bénéfique s'ils ont envie de s'emparer du sujet. Parce que c'est un vrai sujet qui concerne tout le monde."

Marguerite Dégi

à franceinfo

Abordant la question cruciale de la situation économique des foyers monoparentaux, Francesca Fattori et Marguerite Dégi plaident dans leur livre pour la création d’un statut légal.

"Il y a 41% des familles monoparentales qui tombent sous le seuil de pauvreté (...) C'est clair qu'il faut un statut. Il faut que les pouvoirs publics s'emparent de cette situation des familles monoparentales et notamment des mères célibataires pour les accompagner au mieux. (...) Combien de mères dorment dans le salon sur un canapé ? C'est une majorité. On a un accès au logement social dont devraient bénéficier de manière prioritaire toutes ces familles monoparentales. Et quand je dis familles monoparentales, on sait très bien qui se cache derrière."

En traitant avec humour de tous les sujets qui traversent les quotidiens des mères célibataires et en balayant tous les clichés y étant associés, les deux autrices présentent "un livre de sororité."

"Ce conte de fée du couple hétéronormé, c'est un peu l'objectif auquel la société veut que tende le désir de toutes les femmes. Une fois qu'on est là-dedans, on ne voit pas toutes les inégalités assez pernicieuses qui se mettent en place et qui explosent à la figure des couples quand les enfants arrivent."

Francesca Fattori 

à franceinfo

La Révolte des mères (aux éditions l'Iconoclaste), de Francesca Frattori, Marguerite Dégi et Audrey Lagadec, disponible en librairie.

Sébastien Chassagne monte sur les planches 

Un homme qui tombe amoureux de la femme de son ami d'enfance, emprisonné pour meurtre. C’est l’histoire d’Après la foudre, adapté du roman La foudre de Pierrick Baillie et interprété par Sébastien Chassagne dans un seul en scène à la Maison des Métallos, à Paris. Habitué des planches, le comédien, aperçu aux côtés de Raphaël Quenard dans Yannick, traite son sujet de manière brutale et drôle. Si l’on retrouve des extraits du livre, Sébastien Chassagne s’accorde aussi quelques libertés, accompagné dans la mise en scène par Thibaut Seguin, et invite les spectateurs à s’interroger jusqu’au 12 avril 2025.

"En voyant, en lisant une œuvre, parfois on trouve tout un ensemble de réponses à des questions qu'on ne se posait pas forcément, mais qui s'avèrent être parfaitement pertinentes."

Sébastien Chassagne 

à franceinfo

Dans l'ombre, de Sébastien Chassagne à La Maison des Métallos, à Paris, les 11 et 12 avril 2025.

Une émission avec la participation de Matteu Maestracci, journaliste au service culture de franceinfo