Futur et travail : incertitudes et questionnements dans le monde de la culture et dans la bande dessinée co-écrite par Muriel Pénicaud.

Dans Tout Public du 1er mai 2025, des démissions alertent dans le monde de la culture toujours dans l’incertitude des coupes et Muriel Pénicaud, ancienne ministre du Travail, présente, avec son coauteur, la bande dessinée "Travailler demain".

Article rédigé par franceinfo
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"Travailler demain" de Muriel Pénicaud, avec la contribution de Mathieu Charrier et Nicoby (Dessins) (Glénat BD)
"Travailler demain" de Muriel Pénicaud, avec la contribution de Mathieu Charrier et Nicoby (Dessins) (Glénat BD)

La lutte du monde de la culture contre les nombreuses coupes budgétaires annoncées dans le secteur se poursuit, même les jours fériés.

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Répercussions sociales potentielles, institutions fragilisées, emplois et artistes menacés… Pour Joris Mathieu, président du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), "le gouvernement, le Premier ministre et Bercy ne peuvent pas continuer à faire des coupes drastiques à l'équivalent de 3 milliards d'euros sur l'ensemble des services publics, en disant qu'il n'y aura pas de conséquences sur l'action de ces services."

Des conséquences, il commence déjà à y en avoir. L’Appel de Montreuil engrange de plus en plus de signatures et les démissions de directeurs de centres dramatiques nationaux se multiplient. En plus de ceux de l’Odéon, de La Colline ou de Toulouse, c’est le Théâtre de Villeurbanne qui voit également son directeur s’en aller, "épuisé de devoir plus jouer au chef d'entreprise qu’au metteur en scène" après la suppression de 150 000 € de subventions.

"100 millions d'euros qui étaient gelés et qui étaient nécessaires et indispensables à l'action du ministère de la Culture, ne seront jamais libérés cette année. Et cela va avoir une incidence grave sur l'ensemble du périmètre du ministère."

Joris Mathieu

à franceinfo

Ces coupes ont un double impact : d’une part, elles réduisent les subventions touchées directement par les structures ; d’autre part, elles entraînent une baisse des recettes perçues par la billetterie et la production." Leurs retombées restent "très difficiles à évaluer", selon Joris Mathieu, qui souligne toutefois que les quelques chiffres connus sont "relativement édifiants".

Le secteur doit faire face à une autre forme de pression : la montée d’un discours réactionnaire. Une menace qui progresse parallèlement - plus que corollairement - aux coupes budgétaires. Pour le président du Syndeac, cela s’explique à la fois par "des décisions parfois idéologiques derrière les coupes budgétaires, mais aussi par des actes de censure menés par certains groupes intervenant directement". Ce constat, Camille Lévêque, artiste féministe exposée dans une galerie d’art à Nîmes, l’a fait lorsque le lieu abritant son travail s’est trouvé saccagé, recouvert de symboles phalliques. Pour elle, "cela [lui] a juste semblé être une réaction haineuse et réactionnaire, à l'expression d'une féminité émancipée et souveraine. En même temps, [elle n’est] pas vraiment étonnée, car ce genre de comportement agressif et systématique est permanent."

"La culture traduit et vit ces fractures, mais la culture ne doit pas être empêchée par l'usage du pouvoir de subvention dans l'expression des artistes qui portent des paroles un peu progressistes," tient à rappeler Joris Mathieu au micro de Tout Public.

"Travailler demain", la bande dessinée qui se questionne sur le futur du travail

"J'avais la conviction qu'on a besoin d'un vrai débat de société sur le travail parce qu'il est plein de contradictions, mais aussi plein d'attentes, de problèmes, d'opportunités. Et surtout, il est en train de se bouleverser fortement avec l'intelligence artificielle, la transition écologique, le vieillissement de la population et le changement du rapport au travail." C’est comme ça qu’est née l'envie de Muriel Pénicaud d’écrire sur ce sujet et pour ce faire, "il n'y a pas mieux que la bande dessinée. La BD, c'est un moyen fantastique de toucher tous les publics, toutes les générations et cela permet de le faire de façon à la fois légère et profonde."

"On manque d'un grand débat sur le travail", estime Muriel Pénicaud, ex-ministre du Travail et co-autrice de la BD "Travailler demain"

Initiatrice du projet, l’ancienne ministre du Travail s’est ensuite entourée de Mathieu Charlier, de la Cité de la BD à Angoulême et de Nicoby au dessin, pour suivre Soraya, lycéenne chargée de faire un exposé sur le futur du travail. Pour le coauteur, ce personnage "nous permettait de nous situer du point de vue d'un jeune qui s'intéresse à ce sujet. Elle, elle est parfois un peu impertinente, curieuse et donne un peu de légèreté à la BD. C'est pour ça qu’il y a ce personnage fictif au milieu qui nous permet de nous adresser à un public aussi bien de trentenaires, quarantenaires, cinquantenaires, actifs mais aussi à des plus jeunes qui s'interrogent sur leur avenir."

"On ne pourra pas progresser sur le travail si on prend juste des mesures dans un sens ou dans un autre, si on n’a pas un débat de société, puisque cela nous concerne tous et toutes."

Muriel Pénicaud

à franceinfo

En partant à la rencontre de différentes personnalités, de Christine Lagarde à une scientifique en algorithmique en passant par Philippe Martinez, Travailler demain envoie un message peu courant : celui d’arrêter de renvoyer la responsabilité du futur aux jeunes en encourageant les acteurs d’aujourd’hui à agir.

Les auteurs de Travailler demain, qui prône la notion de collectif dans le monde du travail, laissent entendre au micro de Tout Public qu’un Tome 2 serait envisageable, au vu de la multiplicité des sujets qu’il reste à aborder.

Travailler demain (aux éditions Glénat), de Muriel Pénicaud, Mathieu Charrier et Nicoby, disponible en librairie. 

Une émission avec la participation de Thierry Fiorile, journaliste au service culture de franceinfo.

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