Gel budgétaire du pass Culture, comédie musicale "Peau d'homme", et récit d'un champion paralympique ancien prisonnier politique

Dans Tout Public du mardi 4 février 2025, le comédien Sébastien Castro réagit quelques jours après l'annonce du gel budgétaire alloué à la part collective du pass Culture, la metteuse en scène Léna Breban pour "Peau d'homme", et le documentariste et écrivain Ivan Butel pour son livre "De silence et d'or".

Article rédigé par Frédéric Carbonne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Deux jeunes bénéficiaires du pass culture dans l'un des rayons du magasin Fnac des Halles, à Paris, le 16 novembre 2022.  (FG/FRANCEINFO)
Deux jeunes bénéficiaires du pass culture dans l'un des rayons du magasin Fnac des Halles, à Paris, le 16 novembre 2022.  (FG/FRANCEINFO)

Un vent de colère souffle dans le monde culturel et éducatif depuis quelques jours, avec l'annonce du gel du budget alloué à la part collective du pass Culture, qui sert à financer les projets scolaires en lien avec la culture. Un gel qui pénalise en priorité les zones défavorisées ainsi que les structures culturelles, qui comptent sur ces financements pour mettre en place des projets avec les établissements scolaires. C’est le cas de Sébastien Castro, comédien au sein de la compagnie El Duende à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Celui-ci dénonce une décision d’une "violence extrême", prise au mépris de l’investissement sur le long terme des personnels éducatifs et des institutions culturelles, et qui les met "devant le fait accompli".

"On fait ça depuis des années, de rattraper, de faire avec les moyens qu'il y a, avec les moyens du bord."

Sébastien Castro

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Ce gel du budget met en péril "un travail de fond" et "des mois de préparation", censés "permettre aux jeunes de bénéficier de l'accès à la culture quelles que soient leurs ressources financières", explique Sébastien Castro. "Il ne faut pas oublier les jeunes, les élèves [qui écoutent] la parole des adultes de l'école et des professionnels de la culture qui leur disent ‘voilà, on est sur tel projet, on va faire ça’, [et qui ensuite reviennent sur leur parole pour]. Quelle explication on peut leur donner ? Il y a aussi une question de confiance qui est importante", soutient le comédien. Ce dernier rappelle enfin que cette coupure budgétaire va de pair avec une certaine conception des métiers des domaines artistique et éducatif, où la passion des professionnels sert à justifier le manque de moyens qui leur sont octroyés.

Laure Calamy dans la comédie musicale Peau d'homme

Adaptation de la bande dessinée du même nom, cette comédie musicale suit l'histoire de Bianca (incarnée par l'actrice Laure Calamy), fille de bonne famille dans l’Italie de la Renaissance, promise à Giovanni via un mariage arrangé et lucratif. Désirant connaître l’homme qu’elle s’apprête à épouser avant leur mariage, elle va en avoir l’occasion en découvrant que se transmet depuis des générations parmi les femmes de sa famille une peau d’homme, déguisement qui lui permet de devenir un garçon, Lorenzo, et de découvrir par ailleurs l'homosexualité de son futur mari. Sur les planches, l’univers poétique de la bande dessinée laisse place à un spectacle très coloré, qui n’hésite pas à faire appel à l’humour. "J’ai besoin que ce soit drôle, confie la metteuse en scène Léna Breban, c’est ma manière de parler des choses. (...) Pour moi, la question c'était comment représenter le monde et les différentes figures de femmes avec humour".

La comédie musicale Peau d’homme se joue au Théâtre Montparnasse tous les mercredi, jeudi, vendredi et samedi à 20h.

Le récit hors du commun d'un nageur olympique ancien détenu politique

Le roman d’Ivan Butel De silence et d’or est de l’ordre des récits où la réalité dépasse la fiction. En effet, le surnommé Cha, multimédaillé paralympique de natation, est aussi un ancien militant d’extrême gauche sous les années de plomb qui succèdent au régime franquiste en Espagne. Ayant participé à des actions terroristes, il est condamné à une peine de 80 ans de prison, où il perdra l’usage de ses jambes après une grève de la faim. C’est cette vie hors du commun qu’Ivan Butel a voulu raconter dans son livre. "C'est là aussi que l'histoire est étonnante, raconte l’auteur. (…) Il y a une loi en Espagne qui permet de vous libérer de prison quand vous souffrez d'un handicap incurable. Et donc Cha n'a pas fait 80 ans de prison, mais seulement dix. Et puis on lui a conseillé pour ses jambes de se mettre dans l'eau, comme une sorte de réhabilitation pour ménager sa douleur. Et puis à la sortie de prison, il s'est baigné, il a nagé, il a vu qu'il n'était pas si mauvais et il s'est lancé dans le sport de haut niveau. Et ça, c'est sa deuxième vie. Il est devenu un champion extraordinaire en natation paralympique."

Si c’est l’histoire de Cha qui est mise en avant, c’est aussi un récit de la rencontre et de l’amitié entre les deux hommes qui est raconté dans le livre. Ivan Butel rappelle qu’il a découvert l’histoire de Cha d’abord par l’intermédiaire de l’actualité sportive plutôt que politique. "Je l'ai découvert dans le journal l'Equipe, où on racontait l'histoire de ce nageur, en juste quelques lignes…  C'est important pour moi de toujours me rappeler que le début de cette histoire commence avec l'Equipe et pas dans un pamphlet ou dans un tract politique."

"J’ai pu m’engouffrer dans ces silences, et c’est là que naît la littérature, c’est là que je peux inventer son histoire, mettre des mots, et raconter à ma façon son histoire et l’inventer tel qu’il est."

Ivan Butel

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Ce récit est aussi l’histoire d’une "rédemption", explique Ivan Butel, dans la mesure où Cha "ne renie pas son passé, mais aimerait que ce passé n'ait pas eu lieu". Se pose alors la question de "comment regarder les actes commis autrefois", Cha préférant se repentir à travers les actes plutôt que par la parole. "Il a complètement changé et c'est une forme de rédemption très particulière et qui m'a beaucoup touché", confie l’auteur.

Alors qu’on comprend par ailleurs que Cha n’a plus l’âge pour participer à des compétitions sportives et continuer à nager comme il l’a fait depuis sa sortie de prison, reste à savoir comment Cha pourra se réinventer par la suite. "Il a eu plusieurs vies. C'est-à-dire qu'il a eu la vie d'un jeune homme normal face au franquisme. Et puis après, la vie d'un militant, d'un activiste, ensuite, la vie d’un nageur, et puis maintenant il faut qu'il invente encore une nouvelle vie, qu'est-ce qu'il deviendra après toutes ces vies-là ? C'est encore une énième étape dans sa vie qui va s'inventer."

De silence et d’or (éditions du Globes), à retrouver dès maintenant en librairie.

Une émission avec la participation de Matteu Maestracci, journaliste au service culture de franceinfo.

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