La guerre en film du côté des opprimés et en bande dessinée du côté des oppresseurs

Dans Tout Public du 23 avril 2025, Emmanuel Finkiel filme Mélanie Thierry en travailleuse du sexe qui sauve un enfant juif dans l’Ukraine de la Seconde Guerre mondiale et Alfred de Montesquiou publie la vie de Jules César en bande dessinée.

Article rédigé par Matteu Maestracci
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
La guerre en film du côté des opprimés et en bande dessinée du côté des oppresseurs (édition Allary)
La guerre en film du côté des opprimés et en bande dessinée du côté des oppresseurs (édition Allary)

En 1943, la mère d’Hugo, petit garçon juif de 12 ans, se voit obligée de confier son fils à Mariana, amie prostituée dans une maison close ukrainienne. Par la serrure du placard de sa chambre, l’enfant voit passer la guerre et les clients de cette mère de substitution. 

"La Chambre de Mariana" : Mélanie Thierry dans un film intimiste touchant durant la Seconde Guerre mondiale

Cette histoire est celle de La Chambre de Mariana, le nouveau film d’Emmanuel Finkiel et adaptation du roman éponyme d’Aharon Appelfeld. Avec Mélanie Thierry dans le rôle principal, le réalisateur offre à l’actrice son cinquième rôle à ses côtés, huit ans après leur plébiscitée adaptation de La Douleur, autobiographique de Marguerite Duras. Pour l’interprète, ces deux personnages ne sont d’ailleurs pas si éloignés. "Ce qui les rapproche, c'est que Marguerite Duras parlait souvent de ce fameux gai-désespoir qui la poursuivait. Il y a aussi quelque chose comme ça chez Marianna. À la fois c'est une femme totalement désespérée, parce qu’abîmée par la vie, et en même temps, elle reste toujours animée par une force de vie assez solaire et magnifique."

“Il m'offre mes plus beaux rôles. Pas seulement parce qu'ils sont bien écrits, mais ils sont tellement nourris, tellement profonds. Je trouve que c'est absolument passionnant de travailler avec Emmanuel, c'est ma passion.”

Mélanie Thierry

à franceinfo

Cette fois, l’actrice va plus loin pour entrer dans son rôle et, pour s’imprégner de Marianna, apprend l’ukrainien. Un travail "passionnant" et "pas simple", mais indispensable à Mélanie Thierry pour interpréter au mieux cette jeune femme. "Je sentais qu'elle me parvenait chaque jour un peu plus. Et c'est par cette langue, par cette façon de s'exprimer qu'elle m'est apparue finalement."

Si le synopsis renvoie inévitablement à l’actualité du conflit russo-ukrainien, ce dernier a bel et bien questionné le réalisateur : "Quand la préparation du scénario a commencé, les Russes n'avaient pas encore envahi l'Ukraine et quand la guerre est arrivée, on a eu un cas de conscience. Enfin, j'ai eu un cas de conscience. Je me suis dit que l'Ukraine, c'est le pays de la Shoah par balles, donc il ne s'agit absolument pas de gommer la moindre chose. Mais en affirmant ça, je me rendais compte que je rentrais dans l'espèce de rhétorique poutinienne d'une Ukraine nazie qu'il fallait dénoncer."

“C'est un enfant qui va partir des ténèbres où il perd tout et qui, grâce à Marianna, va aller vers la lumière. C'était quelque chose d'inestimable pour moi.”

Emmanuel Finkiel

à franceinfo

La Chambre de Mariana, d'Emmanuel Finkiel avec Mélanie Thierry, en salle dès le 23 avril 2025.

"Moi, Jules César", une enquête sur la vie de l’empereur en bande dessinée 

"Pourquoi je me suis intéressé à ce personnage à l'origine ? Parce que j'étais grand reporter. J'étais beaucoup au Moyen-Orient et j'étais frappé par la présence romaine là-bas, en Syrie, mais aussi, en Libye. Pour eux, la mer Méditerranée, pour César en particulier, c'est Mare Nostrum, c'est notre mer, c'est une unité, c'est un trait d'union et ça me touchait beaucoup cet aspect du personnage."

C’est comme ça qu’a commencé l’écriture de la bande dessinée Moi, Jules César d’Alfred de Montesquiou. Grand reporter, écrivain et documentariste, l’auteur assume, après trois ans d’enquête, seize pays et trois continents traversés, de ne pas avoir fait le travail d’un historien, mais plutôt d’avoir "pris le parti de croire les sources"

Thriller épique, Moi, Jules César retrace l’histoire de l’empereur dont la modernité a imprégné jusqu’aux dessins de l’ouvrage. "C'est cela qu'on voulait travailler avec Névil. C'est pour ça que le dessinateur a choisi une ligne très claire, un peu dans la filiation d’Hergé. C’est un peu comme un story-board de film, il y a un cadrage très cinématographique. Dans certaines pages, on a l'impression de voir du Tarantino, il y a des pages de baston, des contre-plongées." 

Pour Alfred de Montesquiou, ce projet était un moyen de "traiter César comme un personnage d'enquête journalistique", de "recréer ce qu’[il] pensait être le personnage" et le livre prend du recul sur certains des récits du plus célèbre empereur Romain. "César se vante d'une action, le massacre des Usipètes et des Tenctères. Il dit "Voilà, j'en ai tué 300 000 en une journée (...), hommes, femmes, enfants de telle sorte", et c'est vraiment ces mots, "que j'ai effacé ce peuple de la carte et leurs noms de l'histoire. Donc en fait, ils se targuent de quelque chose qui aujourd'hui est la définition du génocide."

Moi, Jules César (aux éditions Allary), d'Alfred de Montesquiou et illustré par Névil, disponible en librairie. 

Une émission avec la participation de Thierry Fiorile, journaliste au service culture de franceinfo.

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