Au Maroc, le procès d'une journaliste relance le débat sur l'avortement
Les poursuites engagées contre une reporter d'un quotidien indépendant suscitent une double controverse, non seulement sur l’avortement, mais aussi sur la liberté de la presse.
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Hajar Raissouni, c’est son nom, est officiellement poursuivie pour "avortement illégal et débauche", elle risque jusqu’à deux ans de prison ferme. Son procès a débuté le 9 septembre à Rabat, dans le nord du pays. Il a repris le lundi 16 septembre pour être à nouveau suspendu. Prochaine audience jeudi 19 septembre, la Cour devra statuer sur une demande de remise en liberté.
Hajar Raissouni croupit en prison, depuis qu’elle a été interpellée le 31 août avec son compagnon à la sortie d’une clinique. Six policiers avaient été mobilisés, ils ont également arrêté le médecin que la jeune femme était venue voir. Et ils ont cherché à extorquer de force des aveux, pour leur faire admettre qu’il s’agissait d’un avortement. Hajar Raissouni affirme être venue consulter pour une simple hémorragie. Mais le sujet n’est pas là : le sujet, ce sont à la fois les méthodes employées par la police et le durcissement en cours sur la question de l’avortement.
La loi sur l'IVG est gelée depuis deux ans
En fait au Maroc, l’avortement est illégal mais jusqu’à peu, le plus souvent les autorités fermaient les yeux. Il faut dire que les avortements clandestins se comptent par centaines chaque jour : impossible de connaître le chiffre exact, les estimations des associations varient entre 200 et 800 par jour. Même 200, cela dit, c’est considérable : ça fait 70.000 par an dans un pays de 35 millions d’habitants.
Tout ça s’accompagne d’une évolution de la place de la femme : le mariage est plus tardif (28 ans en moyenne), le taux de natalité a beaucoup baissé (il est légèrement supérieur à deux enfants par femme). Mais dans le même temps, les poursuites judiciaires pour débauche, adultère ou avortement augmentent : près de 20.000 l’an dernier. Et une nouvelle loi sur l’IVG se fait attendre depuis deux ans : elle avait été validée par le gouvernement afin d’autoriser l’avortement pour les cas de viol, d’inceste, de malformation grave du fœtus. Mais le Parlement ne s’en est jamais saisi. Cette affaire Raissouni a donc relancé le débat, en particulier sur les réseaux sociaux marocains.
Le Maroc, 135ème au classement mondial de la liberté de la presse
A ce débat sur l’avortement s'ajoute un débat sur la liberté de la presse parce qu’on peut faire une autre lecture de cette arrestation. Les conditions de l’interpellation de la journaliste laissent penser en effet qu’elle était surveillée. Il s’agit donc peut-être aussi d’une manœuvre d’intimidation contre les médias, et l’argument de l’avortement clandestin ne serait alors qu’un alibi. C’est ce que pense l’ONG Reporters sans frontières. Hajar Raissouni appartient en effet à l’un des rares organes de presse indépendants au Maroc, le quotidien Akhbar al Yaoum. Et elle est connue pour avoir enquêté sur les détenus du Hirak du Rif, un mouvement de contestation sociale.
Qui plus est, il y a des précédents : plusieurs journalistes au Maroc ont déjà fait l’objet de poursuites pour des motifs de ce type (débauche, violence sexuelle). Et ça ressemble fort à une façon de dissimuler des procès politiques. Précisons que le Maroc n’arrive qu’à la 135ème place dans le classement mondial de la liberté de la presse.
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