"On m'a craché dessus", "le type devenait agressif"... Le public de Roland-Garros est-il devenu "le plus perturbant" du circuit ?
Après avoir été éliminés par des Tricolores, le Serbe Miomir Kecmanovic et l'Espagnol Jaume Munar ont critiqué l'attitude des spectateurs. De son côté, Holger Rune a dû faire évacuer un homme agressif lors de sa victoire contre Quentin Halys vendredi.
Marseillaise, vivas pour les Bleus et silence dur à respecter... Si l'ambiance générale sur les courts depuis le début de la quinzaine a été globalement bon enfant, avec un brin de chauvinisme pour les joueuses et joueurs français évidemment, plusieurs de leurs adversaires ont déploré certains comportements en tribunes lors de cette première semaine de Roland-Garros.
Dernier élément en date, vendredi 30 mai, Holger Rune a été contraint de faire expulser un homme lors de son troisième tour remporté contre Quentin Halys. "J'ai mis ma serviette à côté du box, et le type devenait un peu agressif, a expliqué, en conférence de presse le 10e mondial. Il m'a tendu le bras. Je trouvais que c'était un peu bizarre, parce qu'il ne devrait pas interagir avec le joueur sur le court. C'est un peu embarrassant. J'ai dit au superviseur que je préférais que la personne ne soit pas là, parce que je ne me sentais pas à l'aise. Nous sommes ici pour jouer au tennis, et les spectateurs ont le devoir de nous respecter autant que possible." Un événement dont le Danois n'a pas voulu donner un aspect collectif : "J'étais très content du reste du public. Ils ont été très respectueux."
Battu par Arthur Fils au bout d'un marathon en cinq sets, l'Espagnol Jaume Munar a lui vivement critiqué le "cirque" du public de la porte d'Auteuil la veille, "le plus perturbant" du circuit selon ses mots en conférence de presse. "À un moment du match, quand la tension monte, ils chantent l'hymne, ils t'empêchent de servir, entre les services ils disent des bêtises juste pour déranger", a-t-il étayé, déplorant "un manque total de respect".
"À l'US Open, c'est un show, mais les gens vivent ça plus comme des spectateurs, pas avec autant de fanatisme. En Australie, c'est un peu pareil. Ici, à Paris, le drapeau pèse trop lourd, à mon avis. Ce serait bien d'apaiser un peu l'ambiance pour laisser le jeu se dérouler plus normalement."
Jaume Munar, battu par Arthur Filsen conférence de presse
Alors, simple déclaration à chaud ou vraie indiscipline à la française ? Arthur Fils n'était évidemment pas du même avis, transcendé par des gradins du court Suzanne-Lenglen acquis à sa cause et qu'il ne cessait d'haranguer dans les moments tendus. "Indiscipliné, c'est un grand mot. Quand tu vois le public qu'il y a au foot, en NBA, en NFL, ici ce n'est rien. C'est une atmosphère dingue, mais ça va, c'est du tennis", a-t-il estimé en conférence de presse.
Celui qui a remporté son premier match (et même deux désormais) porte d'Auteuil a largement pris la défense de "son" public, qu'il a estimé indispensable face à Jaume Munar, alors qu'il semblait au bord du précipice. "Je suis allé au Brésil et j'ai joué Joao Fonseca, je ne me suis pas plaint du public. Quand on va en Australie et qu'on joue des Australiens, quand on va à New York et qu'on joue des Américains, que les mecs te hurlent dans les oreilles pendant trois, quatre heures, qu'est-ce que tu veux faire ? Moi je pense que le public français est l'un des meilleurs, si ce n'est le meilleur, et ça restera comme ça", a assuré le 14e mondial.
Une réputation plus proche de celle de l'Australie
Opposé à Quentin Halys au deuxième tour, le Serbe Miomir Kecmanovic s'est pourtant plaint mercredi des habitués de l'Ouest de la capitale, qui lui ont laissé "un sentiment affreux". "Ici, c'est pire que sur les autres courts. Les gens sont proches et on entend tout. On m'a craché dessus", a-t-il affirmé auprès du média serbe SportKlub après sa défaite sur le bruyant et désormais réputé court n°14.
"Si ça arrivait, ce ne serait pas des choses acceptables. Mais à chaque fois, le joueur doit aller voir l'arbitre et se plaindre. Sur le cas précis de Miomir Kecmanovic, il n'est jamais allé voir l'arbitre. Si on nous rapporte des incidents, la personne dégage, on n'aura pas de tolérance (...) mais on ne nous a rien rapporté", a commenté Amélie Mauresmo, vendredi, promettant "des mesures" le cas échéant. L'an passé, la directrice du tournoi avait annoncé l'interdiction de l'alcool en tribunes après une polémique du même genre impliquant le Belge David Goffin. Une décision maintenue pour cette édition, même si on en trouve toujours en vente dans les allées du site.
"Il y a toujours du chauvinisme et c'est normal que les joueurs locaux se fassent soutenir. Mais on ne voit pas la même agressivité au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. En Australie, c'est un peu plus chaud l'ambiance, mais on sent plutôt une forme d'euphorie et d'enthousiasme", constate Alizé Cornet, forte de ses 20 participations à Roland-Garros et consultante pour France Télévisions. Plus tranché, le consultant franceinfo: sport Arnaud Clément, qui cite également les supporters sud-américains et italiens comme grands animateurs des courts, pense que l'"on peut vraiment comparer l'Open d'Australie avec Roland-Garros".
À Melbourne, l'organisation a pourtant installé un bar au bord de l'un de ses courts cette année. En janvier, le Canadien Felix Auger-Aliassime et l'Espagnol Alejandro Davidovich Fokina, qui s'affrontaient sur une arène voisine, avaient même obtenu de terminer leur rencontre sur un autre court, plus éloigné du brouhaha. Tandis que la Russe Anastasia Pavlyuchenkova témoignait de "gens ivres" qui "criaient, mangeaient et buvaient", allant jusqu'à dire : "Je me suis dit que je ne jouais pas en Grand Chelem".
Auprès de franceinfo: sport, la Belge Justine Hénin aux sept titres en Majeurs affirmait, en 2024, qu'"il n'y a que Wimbledon qui est épargné" par les excès ponctuels des fans. Une conséquence notamment, selon elle, de l'avènement des réseaux sociaux, qui génère un rapport, et donc une communication, plus familiers avec les membres du circuit.
"C'est comme ça que sont les Français"
Mais cette proximité peut aussi avoir du bon : "Vous m'avez fait sentir comme un Français de plus", a même déclaré, ému, Rafael Nadal dimanche en remerciant le public parisien toujours derrière lui lors de la cérémonie d'hommage en son honneur sur le court Philippe-Chatrier. Ce jeudi, Novak Djokovic – largement ovationné malgré son duel contre Corentin Moutet au deuxième tour – s'est de son côté permis un rappel à l'ordre sur le court Suzanne-Lenglen avant un service, lançant un "Eh, on se respecte hein !" aux gradins, avec le sourire.
"Les gens sont plus impliqués et il y avait plus de jeunes, plus d'enfants aussi, c'est ce que j'ai remarqué, mais c'était sympa", a-t-il avoué après sa victoire. Plus tôt cette semaine, il avait jugé "qu'ici à Paris, les gens sont plus bruyants, plus passionnés" que dans les autres Grands Chelems.
Selon Arnaud Clément, l'atmosphère a changé à Roland-Garros "après le Covid", alors qu'il s'agissait jusqu'ici d'un "public de connaisseurs" principalement. Autre innovation : pour mettre de l'ambiance, des collectifs de supporters bleu-blanc-rouge ont émergé lors des récentes éditions, à l'image de La Tribune bleue. Cette dernière a d'ailleurs rappelé, sur ses réseaux sociaux, les bonnes règles de conduite à observer.
"Entre nous, on se soutient et on se régule. Si quelqu'un déborde, on lui rappelle l'esprit Tribune bleue : encourager fort mais de manière exemplaire."
Le groupe de supporters de La Tribune bleuesur X, le 27 mai
De quoi permettre au président de la Fédération française, Gilles Moretton, de penser, lors de cette première semaine, que "cette atmosphère est bonne pour le tennis. Si ça va trop loin, nous devrons dire quelque chose". "C'est comme ça que sont les Français, je suis désolé. Ils soutiennent leurs joueurs et peut-être qu'ils font trop de bruit", a-t-il ajouté.
"Parfois, c'est beaucoup, on doit gérer notre match mais aussi les tribunes, nuance Alizé Cornet, aux commentaires pour France Télévisions du premier tour polémique entre Alexandre Müller et Jakub Mensik, remporté par le Tchèque. Parfois, ici, je surprends des paroles qui me choquent un peu. Le public ne s'est pas bien comporté avec Mensik, qui avait une attitude irréprochable. D'expérience de joueuse, c'est vraiment très dur de ressentir le désamour du public quand c'est complètement injustifié. Là, c'était de l'animosité et cela n'a pas sa place dans le milieu du sport".
Tandis qu'un spectateur s'est permis d'injurier l'arbitre qui demandait le silence sur le court n°14, le Tchèque a, toutefois, apporté la meilleure des réponses aux fans, mimant, comme Djokovic avant lui, un chef d'orchestre face à la douce musique, hostile, descendant des tribunes. "J'ai fait comme Novak : lorsqu'on criait son nom, j'essayais de me dire que c'était le mien qu'ils criaient. C'était une super expérience !" La preuve d'un sacré mental malgré ces perturbations.
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