Cinq questions sur la viande de poulet cultivée en laboratoire, dont la commercialisation vient d'être autorisée aux Etats-Unis
Une agence gouvernementale a autorisé trois sociétés à vendre de la viande de poulet dite cultivée, artificielle ou in vitro.
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Du laboratoire à l'assiette. Les Etats-Unis ont autorisé mercredi 21 juin pour la première fois la vente de viande de poulet cultivée en laboratoire. Trois entreprises sont concernées : Upside Foods, et le duo Good Meat et Joinn Biologics. Le service fédéral d'inspection sanitaire des aliments (FSIS) a ainsi "délivré trois avis de conformité à des établissements fabriquant (....) des produits dérivés de cellules animales", précise un communiqué.
Upside Foods et Good Meat avaient déjà obtenu en novembre le feu vert de l'agence chargée de la sécurité alimentaire aux Etats-Unis (FDA), tandis que le ministère de l'Agriculture a contrôlé et approuvé la semaine dernière la régularité de l'étiquetage des produits concernés. Franceinfo revient en cinq questions sur ce sujet.
1Comment ces produits sont-ils fabriqués ?
L'élaboration de cette viande de synthèse débute par le prélèvement de cellules sur un animal, qui peut être le poulet, mais aussi la vache ou un cochon. " Il ne s'agit pas encore de cellules musculaires, mais de cellules souches qui sont capables de se multiplier et, sous l'influence de certains facteurs hormonaux, de se différencier en cellules musculaires", écrivait Eric Muraille, biologiste et immunologiste à l'Université libre de Bruxelles (Belgique), en 2019 dans The Conversation.
Ces cellules sont placées dans des grandes cuves, appelées bioréacteurs, puis alimentées avec des nutriments similaires à ceux ingurgités par les animaux vivants : protéines, graisses, sucre, minéraux et vitamines. Grâce à ces nutriments, les cellules se développent comme elles le feraient dans le corps de l'animal et se transforment en tissu musculaire et en graisses. Le produit obtenu est ensuite prélevé et moulé dans des formes prédéfinies, comme celle d'un filet de poulet, ou d'un steak haché tel que celui produit en 2013 par Mark Post, de l'université de Maastricht (Pays-Bas). Cinq à sept semaines sont nécessaires à la production de cette viande, précise le site agriculturecellulaire.fr, contre 7 à 12 semaines pour un poulet conventionnel ou 112 semaines pour un bœuf conventionnel.
2Pourquoi cette viande est-elle cultivée ?
Premier argument des défenseurs de cette viande : le respect du bien-être animal. " Cette méthode de production élimine la nécessité d'élever et tuer des animaux pour l'alimentation", déclare dans Les Echos, Tom Bry-Chevalier, auteur d'une thèse sur les enjeux économiques et environnementaux de la viande cultivée. Elle pourrait aussi limiter le risque de maladies infectieuses transmises de l'animal à l'être humain, d'après la société néerlandaise Mosa Meat, fondée par Mark Post, ou encore "libérer des terres cultivables", ajoute Jean-François Hoquette, directeur de recherche à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), dans un entretien paru sur le site de l'Inrae.
Uma Valeti, PDG et fondateur d'Upside Foods, y voit, lui, "un pas de géant vers un avenir plus durable". En effet, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la production de viande conventionnelle représente 18% des émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique, 30% de l'utilisation des sols et 8% de la consommation d'eau (8%) et d'énergie mondiale.
3Cette viande est-elle vraiment meilleure pour la planète ?
Des doutes persistent sur les bénéfices de cette alternative, notamment au sujet de sa consommation énergétique. Différentes études menées sur le sujet n'arrivent pas forcément aux mêmes résultats. Selon des études menées en 2011 et 2015, "la production de viande in vitro consomme plus d'énergie que la production de volailles ou de porcs, essentiellement pour la fabrication des milieux de culture et pour le chauffage des incubateurs", résume Jean-François Hoquette sur le site de l'Inrae. En revanche, toujours selon ces deux études, "la production in vitro a un pouvoir réchauffant global inférieur à celui de la production de viande de bœuf", ajoute l'expert.
Plus récemment, une étude menée par l'Université de Californie à Davis, publiée en avril dans la revue scientifique BioRxiv, a montré que toutes les phases de production de viande de laboratoire nécessitaient beaucoup d'énergie et émettaient une grande quantité de gaz à effet de serre. Ces travaux n'ont toutefois pas encore été évalués par d'autres scientifiques (peer review).
4En quoi est-elle différente de la viande naturelle ?
Convaincus par cette révolution dans nos assiettes qui se profile, certains restaurants américains se sont déjà positionnés. Sitôt le feu vert à cette commercialisation donné par le FSIS, la cheffe française étoilée Dominique Crenn a passé commande à Upside Foods pour son restaurant à San Francisco. Mais Jean-François Hoquette se montre prudent : "On est encore loin d'un vrai muscle, qui mêle des fibres organisées, des vaisseaux sanguins, des nerfs, du tissu conjonctif et des cellules adipeuses."
Selon le directeur de recherche à l'Inrae, c'est cette complexité "qui confère à la viande ses propriétés nutritionnelles, en particulier la présence de fer héminique [qui est associé à des protéines comme l’hémoglobine] facilement assimilable, de vitamine B12, de divers acides gras, et plus généralement de tous les micronutriments naturellement présents dans les viandes".
Il n'est pas non plus évident que cette viande cultivée ait la même saveur que la viande traditionnelle. "Pour l'instant, la viande in vitro ne reproduit pas ces qualités nutritionnelles et sensorielles : elle est pauvre en myoglobine, donc en fer, et doit être assaisonnée avec de nombreux ingrédients pour se rapprocher du goût de la viande", complète l'expert.
5Est-elle déjà autorisée ailleurs ?
Les Etats-Unis sont le deuxième pays à autoriser la commercialisation de viande cultivée. Singapour avait été le premier pays à le faire, en décembre 2020. En revanche, son arrivée en Europe n'est pas pour tout de suite et relève surtout du règlement Novel Food, qui stipule que "tout aliment n'ayant pas été consommé de manière significative avant mai 1997 est considéré comme un nouvel aliment", rappelle l'Agence nationale de sécurité sanitaire alimentaire. "Le cadre réglementaire de l'Union européenne est plus restrictif que celui de la FDA (...). La mise sur le marché des novel foods dépend d'un examen validé par les autorités sanitaires de chaque Etat membre, on en est encore loin", éclaire Jean-François Hoquette dans Ouest-France.
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