Peut-on cuisiner et manger les aiguilles de son sapin de Noël ?

Article rédigé par franceinfo
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Un sapin de Noël dans un point de collecte, à Paris, le 4 janvier 2025. (MOHAMAD ALSAYED / AFP)
Un sapin de Noël dans un point de collecte, à Paris, le 4 janvier 2025. (MOHAMAD ALSAYED / AFP)

L'Agence de sécurité alimentaire belge a déconseillé aux habitants de tenter des recettes avec les branches après les fêtes. Si les aiguilles sont comestibles, les sapins décoratifs sont le plus souvent traités avec des produits qui les rendent impropres à la consommation.

Mon beau sapin, roi des fourchettes ? En sirop, en infusion, en liqueur ou en marinade... A l'heure où les arbres de Noël ont perdu de leur éclat et de leur actualité, de nombreux sites culinaires proposent des recettes pour se délecter des vertes aiguilles. Celles-ci sont, à certaines conditions, comestibles. Cette tradition culinaire, bien ancrée dans les pays scandinaves, stimule même l'imagination de nombreux restaurateurs français, et ce depuis des années.

Il y a toutefois des limites. La mairie de Gand (Belgique), place forte des écologistes en Flandre, a invité ses administrés à "manger leurs sapins de Noël" pour éviter le gaspillage... avant de se faire recadrer par l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca). "Rien ne permet de garantir une consommation sûre des sapins de Noël, tant par les humains que par les animaux", rétorque la porte-parole de l'agence belge, Hélène Bonte, évoquant auprès de Het Laatste Nieuws la probable utilisation de pesticides pour cultiver ces arbres.

"Il n'est pas non plus [facilement] possible pour le consommateur de savoir si les arbres de Noël ont été traités avec des retardateurs de flamme et le fait de ne pas le savoir peut avoir des conséquences graves, voire fatales", insiste également l'Afsca. "En résumé, il existe de nombreuses raisons de ne pas promouvoir ni encourager la réutilisation des sapins de Noël dans la chaîne alimentaire." Enguirlandée de la sorte, la mairie de Gand a rectifié son slogan, qui est devenu : "Les Scandinaves mangent leurs sapins de Noël."

Des pesticides accrochés aux branches

"Nous partageons l'avis des autorités belges : nous ne savons pas si la consommation de sapin de Noël est sans danger", a commenté à son tour Anneli Widenfalk, toxicologue à l'Agence suédoise de sécurité alimentaire, sollicitée par l'AFP. Quid des autorités françaises ? Contactée par franceinfo, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) n'avait pas de commentaire particulier à apporter sur cette épineuse question. Mais elle a promis de se renseigner sur cette tendance.

Xavier Coumoul, professeur de toxicologie et de biochimie à l'université Paris-Cité, a d'abord cru à une plaisanterie. "Sur le versant sanitaire, et sans même connaître les doses de pesticides utilisées, je peux vous dire que ce n'est pas du tout une bonne idée de consommer les aiguilles de ces sapins alors qu'ils sont notamment traités pour éviter le développement de moisissures." Et s'il n'existe pas d'étude scientifique sur la question, "mieux vaut respecter le principe de précaution, et éviter de consommer des produits traités comme le sont les fleurs chez les fleuristes".

Xavier Coumoul rappelle que ces arbres sont "des décorations" et va même encore plus loin, estimant qu'il convient d'acheter ces arbres le plus tard possible, pour réduire la durée de contamination de l'air intérieur par les éventuels produits utilisés.

"Les doses de pesticides sont en tout cas bien supérieures à celles utilisées pour les fruits et les légumes, car ceux-ci ont vocation à être consommés."

Xavier Coumoul, toxicologue

à franceinfo

Il y a deux ans, l'association Agir pour l'environnement avait pointé la présence de pesticides dans 11 des 13 sapins conventionnels testés (aucun dans les quatre labellisés bio). "Un sapin peut recevoir jusqu'à 10 traitements phytosanitaires par an", observait l'ONG, citant des herbicides (glyphosate, pendiméthaline...), des fongicides (fludioxionil...) et des insecticides (téfluthrine...). Le document, toutefois, n'était pas complété par des analyses de seuil. Par ailleurs, précise un site lié au Parc régional du Morvan, "des régulateurs de croissance chimique sont parfois appliqués", comme le "daminozide suspecté de cancérogenèse". A ce jour, aucune étude sérieuse n'a épluché les effets potentiels d'une consommation de sapins de Noël par l'homme.

Des sapins bons pour les animaux

Le principe de précaution s'impose donc. Pour consommer des aiguilles du sapin, mieux vaut être sûr à 100% qu'il est issu de la culture biologique, ou mieux, qu'il pousse directement en forêt – même si ces "sauvageons" sont bien plus onéreux et difficiles à trouver. Les sapins de Noël cultivés en agriculture biologique, reconnaissables à leur logo "AB", existent bel et bien sur le marché, mais ils sont rares. Quelque 99% des sapins vendus en France sont cultivés avec des produits phytosanitaires de synthèse, selon l'association Les Sapins bio de France.

En attendant, les sapins de Noël font des heureux dans plusieurs zoos français, où ils sont recyclés dans les enclos, pour but de rompre la routine des animaux. "Cela leur fait passer plus de temps que si si la nourriture était dans la mangeoire, explique Arthur Jacque, responsable animalier du zoo de Mulhouse, interrogé par ici Alsace. C'est aussi un enrichissement sensoriel, où ils vont se défouler dessus, les animaux aiment aussi l'odeur du sapin." Et à Thoiry (Yvelines), rapporte France 3 Ile-de-France, les éléphants ont désormais pris l'habitude de les déguster comme des friandises.

Le volume des ventes reste impressionnant, année après année. En 2023, 5,3 millions de sapins naturels ont été vendus en France, selon une enquête Kantar pour Valhor, générant un chiffre d'affaires de près de 164,4 millions d'euros (prix moyen de 31,19 euros par unité). Le Nordmann est l'essence la plus populaire avec 78,4% des ventes de sapins naturels, loin devant l'épicéa (18,3%). Et ce n'est pas la plus goûteuse, selon les gastronomes avertis. A La Bresse, le chef Nicolas Girardot, du restaurant Anico, utilise largement le sapin blanc, abondant dans les Vosges. La nature, expliquait-il l'an passé à France 3 Grand Est, est "un garde-manger à ciel ouvert".

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