"Ce n'est peut-être pas la priorité" : une étude remet en cause les bénéfices de la chimiothérapie pour les cancers du sein après 70 ans

Une étude publiée vendredi interroge l'usage de la chimiothérapie chez des femmes âgées souffrant de cancer d’un sein hormonodépendant.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Une chimiothérapie dans un service de cancérologie. (LUC NOBOUT / MAXPPP)
Une chimiothérapie dans un service de cancérologie. (LUC NOBOUT / MAXPPP)

Comment soigner les patients âgés touchés par le cancer ? Faut-il leur donner les mêmes traitements qu'aux plus jeunes ? En prenant l'exemple du cancer du sein, le plus fréquent chez les femmes, c'est la question que pose une grande étude française parue vendredi 1er août dans la prestigieuse revue scientifique The Lancet. Aujourd'hui, pour soigner le cancer du sein hormonodépendant - le plus fréquent -, les patientes sont opérées puis elles reçoivent généralement un traitement d'hormonothérapie et presque systématiquement, qu'elles soient jeunes ou âgées, une chimiothérapie.

Or la chimiothérapie, comme toutes les autres, est toxique. Elle comporte des effets secondaires, et implique de lourdes conséquences chez les personnes âgées, plus fragiles physiquement et qui "n'encaissent" pas les traitements de la même façon. "Ça a des conséquences, ça crée une fatigue, ça déstabilise, explique le professeur Etienne Brain, cancérologue à l'Institut Curie à Paris. Au quotidien, ça veut dire rend compliquées des activités très simples telles que la marche, la toilette, s'habiller, sortir, faire ses courses, faire ses comptes, etc."

Car pour valider ce traitement incluant de la chimiothérapie par le passé, les tests ont été réalisés uniquement sur des personnes jeunes. "On a tiré des informations d'utilité chez des adultes plus jeunes, généralement de moins de 65 ans. On s'est dit que comme les bénéfices étaient possibles pour les plus jeunes, on devait pouvoir les appliquer aux plus âgés. Mais ceci a été fait sans exploration", explique Etienne Brain.

Un bénéfice marginal chez les personnes âgées

Pour la première fois, le professeur Brain a testé ce traitement avec chimiothérapie uniquement chez des femmes de plus de 70 ans. Plus de 2 000 femmes ont été incluses dans l'étude, dont la moitié ont reçu une chimiothérapie, avec cette question en tête : l'hormonothérapie ne suffirait-elle pas ? La chimiothérapie est-elle bien nécessaire ? Verdict : "Ce n'est pas parce qu'on ajoute la chimiothérapie qu'on obtient un bénéfice supplémentaire en termes de survie globale, de guérison ou même de temps sans maladie dans le suivi après traitement", indique Etienne Brain.

S'il y a un bénéfice de ce traitement par chimiothérapie, il est extrêmement marginal chez les personnes âgées selon l'étude. C'est le cas même chez des patientes dites à "haut risque génomique" c'est-à-dire avec un fort risque de récidive de cancer. Et on ne sait pas identifier celles chez qui ce serait bénéfique. "Ça montre les limites de l'application de résultats qu'on obtient parfois de manière très enthousiasmante chez des sujets plus jeunes, développe le professeur. Lorsqu'on les applique à une population plus âgée, on n'a souvent pas les mêmes résultats."

Davantage d'études sur les personnes âgées nécessaires

L'étude appelle donc à s'interroger voire à opérer une "désescalade raisonnée dans les traitements", en clair : à ne pas forcément "s'embarquer" dans une chimiothérapie lourde de conséquences sur le quotidien de ces patientes âgées. "La priorité n'est peut-être pas à la chimiothérapie, résume le professeur Etienne Brain. La priorité est à l'hormonothérapie et à tout ce qu'on peut faire aujourd'hui peut-être de mieux. À une époque où on parle beaucoup de qualité de vie, je pense que c'est très important, la discussion qu'on peut avoir dans la décision d'un traitement à cet âge-là."

Avec ces résultats, le professeur Brain appelle désormais à ce que les médecins et leurs patientes de plus de 70 ans décident ensemble d'engager ou non une chimiothérapie. Il appelle aussi à mener davantage d'études sur les personnes âgées et à prendre en compte les spécificités de ces patients.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.