: Témoignage "J'essaie d'arrêter de culpabiliser" : le long combat de Sandrine contre l'alcoolisme, une maladie dont beaucoup souffrent en silence
C'est un témoignage très rare que livre Sandrine, 48 ans, qui se bat depuis des mois contre son addiction à l'alcool. Elle a accepté d'être suivie par France Télévisions durant six mois, lors d'une cure de désintoxication. Un chemin difficile, qu'elle affronte avec courage.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
C'est le premier jour du reste de la vie de Sandrine. "Je buvais au minimum trois bouteilles de vin par jour à la fin", nous confie-t-elle en jetant des bouteilles vides. Alcoolique depuis cinq ans, elle s'apprête à partir en cure. "Je fais du vide et quand je rentrerai de cure, il n'y aura plus de bouteilles chez moi", assure-t-elle.
Ranger, trier, faire ses valises... Autant de gestes du quotidien devenus pour Sandrine des épreuves. "Mes lunettes, je les ai mises. Les lunettes de soleil aussi. Les chaussures de sport. Faire une valise, pour moi, c'est très compliqué de me projeter, de savoir ce qu'il faut prendre. Ça fait cinq ans que j'essaye, que j'échoue, mais là... Là, je pense que ça va être la bonne. Je le souhaite véritablement", confie-t-elle.
Avant, Sandrine Leclercq était sportive, toujours en vadrouille. Elle travaillait comme éducatrice spécialisée et suivait une formation d'acupuncture. La fin d'une relation toxique l'a plongée dans l'alcool. Elle est désormais suivie au service d'addictologie du professeur Brousse, des soins pris en charge par la Sécurité sociale.
Un sevrage pas à pas
"Bonjour Madame, bienvenue chez nous", la salue le médecin, qui pour son arrivée lui pose quelques questions ; "L'alcool, c'était quotidien ? Avec des alcools forts plutôt ou pas forcément ?". "Des bières fortes, en grande quantité quand même", répond Sandrine. "Sur toute la journée, plutôt que le soir ? - À partir du moment où j'arrêtais de travailler, je ne buvais même plus mon café. Oui, je suis fatiguée, très fatiguée, évidemment et moralement".
Pendant six mois, nous avons suivi Sandrine. Ses hauts et ses bas, à travers les vidéos qu'elle nous a partagées, son journal de bord. "J'ai des courbatures comme si j'étais malade, des sueurs, des palpitations. C'est un moment désagréable", explique-t-elle dans une séquence. Puis, un peu plus tard, elle constate du changement : "Je sens que ça bouge. J'en ai bavé cette dernière semaine. Mais là, je retrouve de l'espoir et de l'énergie". Des progrès, pas à pas : "J'ai pensé à l'alcool. J'avais envie d'une bière, surtout avec le soleil. Et je ne l'ai pas fait", peut-on l'entendre dire dans une autre séquence.
"C'est une maladie"
Pour éviter la rechute, Sandrine participe à toutes sortes d'ateliers, des activités manuelles, du sport et des séances de psychologie de groupe obligatoires. Thème du jour : apprendre à gérer ses émotions. "C'est quoi le risque à garder tout à l'intérieur ?", interroge Maud Épiphanie, la psychologue. "D'exploser, de se faire du mal, de consommer. Quand on a beaucoup conditionné le cerveau à : 'Dès que je suis triste, je consomme pour apaiser ça', le cerveau, lui, il a cette habitude-là", explique Objectif : décoder ses émotions pour vaincre les tentations, partager son expérience, rompre l'isolement.
"J'ai eu des périodes d'abstinence, quand j'ai repris, j'ai repris plus qu'avant", raconte Sandrine. Son voisin ajoute : "Ma mère m'a toujours dit, quand on veut, on peut. Moi, je lui ai dit, quand on veut, on ne peut pas toujours". Une incompréhension de l'entourage car l'alcoolisme n'est pas toujours perçu comme une maladie. "C'est une maladie parce que, notamment, ça change vraiment le fonctionnement du cerveau. Si on fait un IRM d'un cerveau non addict et d'un cerveau addict, ce n'est pas la même chose qui se joue dans le cerveau. Vraiment. Donc, il y a un vrai changement. C'est ce qui fait que c'est ce qui fait que c'est beaucoup plus compliqué que ça", explique Maud Épiphanie.
Au fil des semaines, Sandrine retrouve le moral. Elle profite de permissions pour renouer avec ses promenades dans la nature. Mais vers la fin de son séjour, l'équilibre vacille, elle rechute. De retour en cure, Sandrine doit faire le point avec le professeur Brousse.
Des rechutes fréquentes
"On sait que ce sont des maladies qui rechutent. On dit que pour arrêter de fumer, il faut arrêter cinq fois. Pour toutes les addictions, c'est en moyenne vrai qu'il faut, pour un certain nombre de patients, revenir plusieurs fois. Mais il ne faut jamais se décourager, il faut toujours accompagner, parce qu'à un moment donné, ça finit par payer. Des fois, ça prend du temps, on voit revenir les patients, mais on se connaît. Finalement, c'est un parcours de vie qu'on fait ensemble, mais je pense que c'est aussi ce que sont les maladies qu'on soigne", la rassure le professeur Georges Brousse, chef de service addictologie. "Merci, parce que tout le monde n'a pas le même discours", apprécie Sandrine.
Ici, seuls 30% des patients sortis d'une première cure ne rechutent pas. Sandrine, elle, en est à son troisième coup d'essai. "J'essaie d'arrêter de culpabiliser. C'est une maladie chronique, comme il a dit", confie-t-elle. Le sommet est encore loin, mais Sandrine a repris l'ascension. Elle a prolongé son séjour au centre de six semaines supplémentaires, deux mois d'abstinence, un pas après l'autre.
Parmi nos sources :
- Chiffres sur la consommation d’alcool des Français.
- La page web sur le service d’addictologie du centre Clémentel.
- Thèse de Nicolas Palierne, "Pour une sociologie de l’alcoolisme sous le prisme du genre".
Liste non exhaustive.
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