Dépakine : "C'est parfois la seule option qui permette de contrôler l’épilepsie"
Le médicament aurait été prescrit à plus de 10 000 femmes enceintes depuis 2007 malgré des risques connus pour le développement du fœtus. Pourquoi la Dépakine a-t-elle continué à être utilisée ? Francetv info a posé la question à un épileptologue.
La Dépakine, responsable de malformations lors du développement du fœtus, était prescrit à des femmes enceintes. Entre 2007 et 2014, 10 000 femmes enceintes auraient pris ce médicament antiépileptique, dont les risques étaient alors déjà connus. C'est ce qu'a révélé Le Canard enchaîné le 10 août, se basant sur une étude menée par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Faut-il retirer le médicament du marché ? Les médecins semblent contre, au vu de l'efficacité de la Dépakine et de l'absence d'alternatives pour certaines épilepsies. Que faire alors ? Francetv info a posé la question à Stéphane Auvin, épileptologue à l'hôpital Robert-Debré à Paris.
Francetv info : Les risques liés à la Dépakine sont-ils connus depuis longtemps ?
Stéphane Auvin : Il existe plusieurs types de risques pour l'enfant exposé pendant la grossesse parce que sa maman prend ce traitement alors qu'elle est enceinte. Le premier risque connu est un risque accru de malformations chez l'enfant. Cela est connu depuis plus de trente ans.
Il existe également un risque sur le développement psychomoteur alors que l'enfant n'a pas de malformation. Les enfants exposés in utero peuvent avoir une baisse des capacités intellectuelles ou des troubles du comportement pouvant aller, dans certains cas, jusqu'à un autisme. Ces deux derniers risques ont été suspectés beaucoup plus récemment avec une confirmation non discutable scientifiquement depuis 2009.
On évoque ces derniers jours une prescription chez près de 10 000 femmes enceintes entre 2007 et 2014. Comment est-ce possible si les risques étaient connus justement ?
J'ai entendu parler de ce chiffre mais je ne dispose pas des données de cette étude pour le moment. Depuis de nombreuses années, nous connaissons les risques liés à la Dépakine. Nos habitudes de prescriptions en tiennent compte. De même, les recommandations de traitement des épilepsies prennent en compte ces éléments et nous n'avons pas attendu les années 2000 pour cela.
Malheureusement, les épilepsies sont des maladies complexes avec certaines formes résistantes aux médicaments. La Dépakine est parfois la seule option qui permette de contrôler la maladie. Dans ce cas-là, les patients sont informés sur les risques. J'en parle à mes patientes dès 12-13 ans, même si elles sont parfois trop jeunes pour que je leur parle de grossesse.
Pour revenir à cette nouvelle étude, si ce chiffre se confirme, il faudra regarder la proportion de patientes qui n'avaient pas d'autre possibilité que d'avoir ce médicament pour contrôler leur épilepsie.
N'y a-t-il pas d'alternative efficace à la Dépakine pour les femmes épileptiques ?
Nous disposons d'un certain nombre de traitements pour les épilepsies. Mais tous les patients n'ont pas le même résultat avec les médicaments. Dans certaines formes d'épilepsie, on sait que, parmi les médicaments actuellement disponibles, c'est la Dépakine qui est la plus efficace. Même en connaissant ceci, la première prescription doit se faire avec d'autres traitements que la Dépakine pour les jeunes filles et les femmes en âge de procréer. Mais quand toutes les possibilités ont été épuisées sans efficacité, il est difficile de ne pas proposer un traitement qui peut rendre service.
Retirer la Depakine du marché n'est donc pas une option pour vous ?
J'espère que cela n'arrivera pas ! Ce serait une perte de chance pour tous les patients qui ne sont contrôlés qu'avec cette molécule. Et une épilepsie non contrôlée a toujours un impact très important chez le patient. Il y a bien entendu les crises et leur survenue inopinée qui sont très problématiques dans la vie quotidienne et qui s'associent à des risques notamment de blessure ou d'accident. Mais on ne pense pas toujours aux autres conséquences : la perte du permis de conduire, la difficulté à garder un emploi ou à vivre seule et toutes les conséquences psycho-sociales qui vont avoir une influence très négative sur la qualité de vie du patient et de son entourage. Pour une femme enceinte, certaines crises pendant la grossesse peuvent de plus engendrer une fausse couche.
Que proposer aux femmes enceintes concernées dans ce cas ?
Il faut assurer un suivi dans le temps, réévaluer pour chaque patient si le traitement reste nécessaire, ce qui est le plus souvent le cas malheureusement, ou s'il on peut envisager une modification. Mais je pense qu'il faut surtout s'adresser aux jeunes filles et aux femmes bien avant qu'elles soient enceintes. Un projet de grossesse est quelque chose d'important dans une vie. Il faut donc dire que ce projet doit se construire aussi avec une consultation avec le spécialiste avant d'être enceinte.
De multiples possibilités seront à discuter : la possibilité d'un changement de traitement, une modification des doses de la Dépakine, une discussion autour des risques et voir si un suivi particulier doit se mettre en place. Si la grossesse est débutée sans qu'il n'y ait eu de discussion de ce projet avec le médecin qui suit la patiente pour épilepsie, il faut la revoir rapidement pour aborder ces mêmes points.
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