Hôpitaux en tension : au coeur des urgences d'Avignon

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Article rédigé par France 2 - J. Bigard, E. Delevoye, O. Sauvayre. Édité par l'agence 6médias
France Télévisions

L'été est une période tendue pour les urgences, et 2025 ne fait pas exception : des tensions sont déjà signalées dans plusieurs départements, avec des services d'urgence parfois contraints de fermer faute de personnel suffisant. Reportage à Avignon.

Elles étaient submergés pendant le Covid. Quatre ans plus tard, les urgences sont noyées au quotidien : faire face au manque de moyens, au manque de place et aux patients parfois agressifs. Le docteur Ludovic Sauvage, chef d’unité aux urgences de l’hôpital d’Avignon (Vaucluse), officie dans ce décor depuis plus de dix ans. Ici, trois patients par chambre, et des brancards qui s'accumulent dans les couloirs. "On doit avoir une dizaine à peu près dans le couloir. C'est Tetris, parce qu'on a des locaux qui ne sont pas adaptés au flux", dit-il.

Pas d'épidémie de grippe ou de Covid, mais les urgences d'Avignon sont conçues pour recevoir 140 personnes par jour en moyenne. Il y en aura plus de 210 lors de la visite de France Télévisions. Les patients doivent attendre sur les brancards, parfois plus de 6 heures. Être docteur aux urgences, c'est passer sa journée tel un funambule : jongler avec les diagnostics, mais aussi avec les coups de téléphone en pleine opération. Stéphane Beltrami s'y est habitué. "Ici, on fait tout.(...) On a des téléphones, on est tout le temps joignable. Mais quand on est en train de faire un geste, qu'on est habillé en stérile, on coupe", explique-t-il.

De longues attentes et des patients agressifs

Il travaille 12 heures de suite et doit rester calme face à des patients qui deviennent agressifs face à l'attente. Un retraité se plaint de l'attente, tandis que juste à côté, une femme tente d'arracher son cathéter. Les agressions sont verbales et parfois physiques. Florian, infirmier, en a déjà été victime. "Dans la bagarre, l'altercation, il y a le patient qui a réussi à ouvrir la porte et son collègue qui est rentré en disant, 'plante-le, plante-le'. On peut se prendre un coup de couteau, même se faire agresser. Est-ce que vraiment j'ai fait ce métier pour ça ? En fait, ce jour-là, j'avais vraiment eu peur pour ma vie", confie-t-il. Depuis, il barre son nom au feutre, par peur de représailles.

Ce jour-là, il est infirmier d'accueil et pose un premier diagnostic. Il consacre entre 3 et 5 minutes à chaque patient. "À la chaîne, à la chaîne, à la chaîne, à la chaîne", résume-t-il. Mais le rythme ne suffit pas. Une femme vient de patienter près d'une heure en salle d'attente alors que pour elle, chaque minute compte.

Des conséquences potentiellement graves

"En fait, 40 minutes sur une prise en charge d'un infarctus, c'est dramatique. Ce n'est pas bien pour la prise en charge, pour le patient. Du coup, c'est vrai qu'il y a des choses qui peuvent passer à la trappe. Là, pour le coup, le fait d'avoir du retard, c'est délétère pour la prise en charge et pour le patient", assume-t-il.

L'hôpital doit s'agrandir pour 2030 et cherche à recruter pour améliorer l'accueil des urgences. La nuit tombée, l'heure n'est pas encore au repos pour les soignants. Le Dr. Audrey Euzenne, des urgences adultes SAMU-SMUR, est au chevet des malades qui continuent d'arriver, comme une dame en grande difficulté respiratoire à qui elle doit trouver un lit d'urgence. C'est à chaque fois le même casse-tête la nuit venue : trouver une place pour chaque malade dans un service, lui permettre de quitter les urgences. Un sentiment d'injustice pour les patients, comme pour les soignants. 'Ça fait des heures qu'il est sur le brancard. Et c'est ça bien trop souvent", déplore Audrey Euzenne.

À bientôt minuit, c'est la fin d'une garde pour les soignants, et une nouvelle journée à maintenir.

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