Info franceinfo Les cadres d'un service d'un hôpital de Lyon soupçonnés de recherche sauvage au préjudice de patients greffés du rein

Article rédigé par Aurélien Thirard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
L'hôpital Edouard-Herriot de Lyon (Rhône), le 6 septembre 2018. (MAXPPP)
L'hôpital Edouard-Herriot de Lyon (Rhône), le 6 septembre 2018. (MAXPPP)

Deux médecins lanceurs d’alerte ont déposé plainte, jeudi, au pôle santé publique du parquet de Paris contre la hiérarchie du service de transplantation rénale de l’hôpital Edouard-Herriot de Lyon.

Des essais cliniques illégaux ont-ils coûté la vie à un patient et dégradé la santé de quatre autres aux Hospices civils de Lyon ? Deux médecins ont porté plainte jeudi 10 avril au pôle santé publique du parquet de Paris, selon une information de franceinfo.

Les plaignants ont déjà déposé une plainte au parquet de Lyon en décembre 2024 pour "mise en danger de la personne, violences mortelles" et encore "non-assistance à personne en péril et pratique illégale d’investigation clinique". La première plainte "est toujours à l’examen", indique de son côté le parquet de Lyon à franceinfo. "Evidemment, immédiatement, il y a enquête", a réagi sur franceinfo Catherine Vautrin, ministre de la Santé.

Ces soignants ont exercé au service de néphrologie et de transplantation rénale de l’hôpital Edouard-Herriot de Lyon. Ils assurent que les cadres de leur service ont administré en 2023 des traitements inhabituels et à risque à des patients greffés du rein. Cela sans leur consentement, hors de tout protocole, au nom de la recherche.

Un système qui met en cause la hiérarchie du service au préjudice de cinq patients

Dans leur plainte, les médecins décrivent un véritable système mis en place au sein de leur service de transplantation rénale, un système qui met donc en cause la hiérarchie du service au préjudice de cinq patients. Ces derniers sont décrits comme fragiles, vulnérables et pour certains âgés : l’une d’entre elles avait de 80 ans au moment des faits. Tous ces malades avaient un point commun, ils ont reçu une greffe du rein malgré un risque élevé que leur système immunitaire ne la rejette. C’est pour éviter un rejet de la greffe que ces patients ont tous reçu le même traitement hors de tout protocole, comme l’assurent les plaignants.

Ce traitement était composé de deux médicaments –une association de Basiliximab et de Rituximab. Or, le Rituximab ne dispose pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) chez les patients en transplantation, comme le confirme à franceinfo la direction des Hospices civils de Lyon (HCL). Ainsi, selon les plaignants, le groupe de cinq patients n’aurait pas dû recevoir ce traitement. Car d’après eux ce traitement ne suit pas les recommandations internationales et surtout, d’après eux, il ne respecte pas les règles de sécurité, sachant qu’il a été administré à des patients connus pour leur état vulnérable. Ces médecins lanceurs d’alerte estiment donc que les malades ont été mis en danger.

"Des essais sur des personnes vivantes qui n'ont pas donné leur consentement"

Parce qu'ils craignent des représailles, les plaignants laissent leur avocate, Christelle Mazza, s'exprimer. "L’objectif c’était de tester une combinaison de médicaments pour voir ce que ça donnait. Sauf que cette expérience-là n’est pas autorisée", assure l’avocate. "Il faut quand même mesurer qu’on est en train de faire des essais sur des personnes vivantes qui n’ont pas donné leur consentement. Là on est dans la tromperie la plus absolue, au-delà des conséquences que ça peut avoir sur la santé", affirme-t-elle.

Selon les plaignants, des médecins de l’hôpital Edouard-Herriot ont fait de la recherche sauvage sur le système immunitaire des patients. Cela dans le but de gagner du temps, insistent les plaignants. Car en respectant le protocole l’équipe médicale aurait perdu des mois. Pourtant, les règles sont très claires : pour délivrer des médicaments hors du cadre dans lequel ils sont prescrits habituellement, les médecins doivent le faire au cas par cas, en recueillant le consentement éclairé des malades. Et surtout la décision doit être validée de manière collective entre médecins. Ce qui selon les deux plaignants n’a pas été le cas.

Ces derniers affirment également dans leur plainte que leur hiérarchie a décidé de diffuser de fausses informations à l’équipe médicale. Résultat, une fois qu’ils ont pris le traitement, il y a eu rapidement des conséquences sur la santé de cinq patients. "Il y a eu une dégradation de l’état de santé dans plusieurs cas et dans un cas un décès où il faut qu’il y ait très clairement la possibilité d’examiner ce qu’il a pu se passer. Il s’agit d’un décès qui n’est pas cohérent par rapport à l’état de la personne quand elle est arrivée au sein de l’établissement", assure l’avocate Christelle Mazza. Le patient était âgé de 67 ans.

"Décision prise après une discussion collégiale"

De son côté, la direction des Hospices Civils de Lyon, sollicitée par franceinfo, assure qu’au contraire "le décès du patient n’est pas lié au traitement reçu 6 mois auparavant". Par ailleurs, la direction de l’hôpital Edouard-Herriot explique dans un long mail que "la prescription hors AMM s’est appuyée sur les connaissances de l’équipe médicale en immunologie de la transplantation, sur de nombreuses publications rapportant l’expérience d’équipes internationales, ainsi que sur les retours d’expérience d’autres centres de transplantation français".

Les Hospices civils de Lyon de préciser que "la décision a été prise après une discussion collégiale impliquant plusieurs membres de l’équipe aux expertises complémentaires". Ainsi, la direction conclut en affirmant qu’il "est important de comprendre que l’on ne parle pas ici de recherche mais d’adapter des traitements immunosuppresseurs de routine, éprouvés depuis 15 ans, aux données de la littérature dans le seul but d’éviter une perte de chance aux patients".

Les médecins lanceurs d’alerte ont également déposé plainte à Lyon pour harcèlement moral et harcèlement sexuel. Après avoir prévenu leur hiérarchie d’une situation qu’ils jugeaient anormale, ils dénoncent avoir été poussés à la démission de leurs postes à l’hôpital Edouard-Herriot et subir depuis des représailles.

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