"Emmerder les non-vaccinés" : des soignants "OK sur le fond, moins sur la forme", après les propos polémiques d'Emmanuel Macron
La petite phrase du président de la République a été largement commentée par ses opposants politiques, mais aussi dans les cabinets médicaux et les hôpitaux. Certains professionnels de santé lui reprochent de "stigmatiser" une partie des citoyens, quand d'autres "comprennent".
Monica Mazigh rentrait de son cabinet quand elle a entendu à la radio que "le président voulait emmerder les non-vaccinés". "Au début, je me suis dit que j'avais dû mal comprendre, raconte cette médecin généraliste de Nice. Mais en fait, si, si, il a vraiment dit ça mot pour mot." A une question d'une lectrice du journal Le Parisien soulignant que les malades pas encore vaccinés "occupent à 85% les réanimations", Emmanuel Macron a répondu, mardi 4 janvier : "Les non-vaccinés, j'ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu'au bout. C'est ça, la stratégie."
La formule-choc du chef de l'Etat s'est aussitôt retrouvée dans une groupe WhatsApp baptisé "Covid" que Monica Mazigh partage avec une vingtaine de confrères et consœurs de la Côte-d'Azur. "C'est en ce moment le sujet de conversation numéro 1, assure-t-elle. Dans les messages que l'on s'est échangés, personne ne s'est dit choqué par les termes employés par le président. En gros, il en a ras-le-bol. Nous aussi. Depuis lundi, une dizaine de patients non vaccinés m'ont demandé de leur faire une ordonnance pour que l'Assurance maladie rembourse leurs tests. A un moment donné, on peut dire que le temps de la pédagogie est passé."
"Je connais quelqu'un qui se moquait des masques, qui est contre le vaccin depuis le début. Et aujourd'hui, il est en réa."
Monica Mazigh, médecin généralisteà franceinfo
A 200 km de là, Stéphanie Panattoni, infirmière à l'hôpital de La Timone à Marseille, applaudit aussi "la déclaration du président". "Il a dit tout haut ce que beaucoup d'entre nous pensent tout bas. Avec les collègues, on n'est pas contre cette idée-là. A La Timone, c'est majoritairement des non-vaccinés qu'on retrouve aux urgences."
"Ces personnes bloquent le système"
Le médecin Yonathan Freund partage aussi cet avis. L'interview présidentielle était en ligne depuis moins de deux heures quand l'urgentiste à la Pitié-Salpêtrière, à Paris, s'est fendu de quelques mots sur Twitter pour affirmer qu'il avait aussi "envie de les emmerder jusqu'au bout", les non-vaccinés, "parce que leur acte a des conséquences". Selon lui, "la vraie question est 'à quel point les non-vaccinés emmerdent le reste de la population ?'" et "la réponse est 'énormément'".
Moi aussi j'ai envie de les emmerder jusqu'au bout.
— Yonathan FREUND (@FreundYonathan) January 4, 2022
Mais comme medecin je soigne tout le monde pareil.
Mais quand même…
Autre soutien de poids pour Emmanuel Macron, celui du médiatique infectiologue Eric Caumes. "Le médecin comprend ce dérapage – probablement contrôlé d'ailleurs", a expliqué sur BFMTV le professeur de la Pitié-Salpêtrière. Et d'ajouter : "Il y a le serment d'Hippocrate qui fait qu'on est obligé de prendre en charge tous les malades. Après, vous dire que ça ne nous exaspère pas, ce serait vous mentir. Ce sont ces personnes qui bloquent le système de santé."
"S'il pense nous aider en disant ça, il se trompe"
D'autres professionnels de santé livrent un diagnostic plus réservé au sujet de la sortie présidentielle. Le professeur Jean-Michel Constantin est par exemple "OK sur le fond de la pensée", mais "un peu moins sur la forme". "Le président a classiquement une vraie capacité à choisir les mots, je ne comprends pas pourquoi il a choisi celui-ci. Quand on veut 'emmerder' quelqu'un, ce n'est pas à bon escient", regrette l'anesthésiste-réanimateur de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Lui aurait dit les choses autrement.
"Si j'avais été le président, j'aurais plutôt dit que j'allais mettre une pression de dingue sur les non-vaccinés, pour leur rendre la vie dure. Mais les 'emmerder', non."
Jean-Michel Constantinà franceinfo
Bruno Mégarbane, son confrère de Lariboisière, a tout de suite pensé la même chose quand il a eu vent des propos présidentiels. "Disons que ce n'est pas la meilleure manière de faire, recadre le chef du service de réanimation de l'hôpital parisien. Je n'aurais pas utilisé une telle formulation, car elle peut être ressentie comme provocatrice, stigmatisante. Je pense qu'il faut toujours chercher à expliquer les choses aux personnes non vaccinées, chercher à les convaincre. Mais pas les choquer par le verbe."
Dit autrement, "on n'avait pas besoin de ça". "Si le président pense nous aider en disant ça, il se trompe", s'agace le délégué CGT Olivier Poher. "J'ai aussi été assez surpris de lire ça de la part d'un président", assure l'infirmier-anesthésiste à la clinique du Mousseau à Evry. "Ses propos n'ont rien à faire dans sa bouche du chef de l'Etat, c'est ridicule et déplacé. Je ne comprends pas l'intérêt médical. C'est assez dur comme ça pour tout le monde." Avant de conclure ainsi : "Si on avait utilisé les mêmes mots à la CGT, qu'aurait-on pas entendu ?"
À regarder
-
Vagues, rafales : la tempête Benjamin a battu des records
-
Tempête Benjamin : sauvetage en pleine mer
-
Nouvelle-Calédonie : 50 détenus attaquent l'État en justice
-
Cancer : grains de beauté sous surveillance grâce à l'IA
-
La langue des signes est-elle en train de mourir ?
-
Un malade de Parkinson retrouve l'usage de ses jambes
-
Ils crient tous ensemble (et c'est ok)
-
Obligée de payer une pension à sa mère maltraitante
-
Maison Blanche : Donald Trump s'offre une salle de bal
-
Musée du Louvre : de nouvelles images du cambriolage
-
Traverser ou scroller, il faut choisir
-
Manuel Valls ne veut pas vivre avec des regrets
-
Nicolas Sarkozy : protégé par des policiers en prison
-
Piétons zombies : les dangers du téléphone
-
Tempête "Benjamin" : des annulations de trains en cascade
-
Femme séquestrée : enfermée 5 ans dans un garage
-
Vaccin anti-Covid et cancer, le retour des antivax
-
A 14 ans, il a créé son propre pays
-
Ils piratent Pronote et finissent en prison
-
Aéroports régionaux : argent public pour jets privés
-
Bali : des inondations liées au surtourisme
-
Cambriolage au Louvre : une nacelle au cœur de l'enquête
-
Alpinisme : exploit français dans l'Himalaya
-
Un objet percute un Boeing 737 et blesse un pilote
-
Cambriolage au Louvre : où en est l'enquête ?
-
Jean-Yves Le Drian défend l'image de la France
-
Chine : 16 000 drones dans le ciel, un nouveau record du monde
-
Donald Trump lance de (très) grands travaux à la Maison Blanche
-
Glissement de terrain : des appartements envahis par la boue
-
Emmanuel Macron sème la confusion sur la réforme des retraites
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter