Reportage "Le système immunitaire va tuer la bactérie" : des chercheurs français ont trouvé comment lutter contre la résistance aux antibiotiques

Des scientifiques français ont tdécouvert une molécule capable de "désarmer" les bactéries, c'est-à-dire d'empêcher ces bactéries de se défendre quand elles attaquent le corps humain.

Article rédigé par franceinfo
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Des boîtes d'antibiotiques sur le comptoir d'une pharmacie. Image d'illustration. (STEPHANIE PARA / MAXPPP)
Des boîtes d'antibiotiques sur le comptoir d'une pharmacie. Image d'illustration. (STEPHANIE PARA / MAXPPP)

C'est une inquiétude majeure et un immense enjeu de santé : comment lutter contre la résistance des bactéries aux antibiotiques ? Le phénomène ne cesse de s'amplifier, car les bactéries s'adaptent aux traitements. Ce qui pourrait causer la mort chaque année de dizaines de millions de personnes dans le monde d'ici 2050. D’où l'espoir suscité par une étude française sous la direction de l'Inrae. Les chercheurs ont découvert une molécule capable de "désarmer" les bactéries.

Les scientifiques ont d'abord identifié une protéine produite par toutes les bactéries, qui leur permet de résister quand elles sont attaquées par notre système immunitaire. Ils ont ensuite découvert une molécule capable de bloquer cette protéine, donc d'empêcher les bactéries de se défendre quand elles infectent notre corps.

Les premiers résultats des tests sur des insectes et des souris sont très encourageants. "En fonction des différents tests, on est arrivés à une molécule particulièrement efficace qui est capable de diminuer la charge bactérienne suite à une infection dans les poumons", explique Nalini Rama Rao, chercheuse à l'Inrae, qui a supervisé cette étude. Cette molécule est "capable d'être efficace contre des bactéries, y compris celles qui sont résistantes aux antibiotiques", poursuit la chercheuse.

Éviter les effets collatéraux des antibiotiques

Un potentiel médicament qui "désarme" l'un des mécanismes de défense des bactéries pathogènes sans pour autant faire de mal à toutes les "bonnes bactéries" qui se trouvent dans notre corps. Ces dernières peuvent continuer à tranquillement remplir leurs rôles. C'est la grande nouveauté par rapport aux antibiotiques actuels. "Les antibiotiques sauvent des millions de vies mais elles ont comme effet collatéral qu'elles ne sont pas spécifiques, donc elles tuent aussi les bactéries du microbiote", souligne Nalini Rama Rao. "Là, l'avantage, c'est vraiment ça qui est innovant, c'est que plutôt que de tuer la bactérie, on la désarme et c'est le système immunitaire qui va donc détruire la bactérie", ajoute la scientifique.

"Le médicament va passer sans faire de dommage collatéral sur les bonnes bactéries."

Nalini Rama Rao, chercheuse à l'Inrae

à franceinfo

Il faut maintenant confirmer ces bons résultats chez l'homme via de potentiels essais cliniques. Ce qui prendra plusieurs années. Cette découverte reste toutefois un espoir face à un défi immense pour la santé mondiale, car les projections sur l'antibiorésistance, cette capacité des bactéries à résister aux antibiotiques, sont alarmantes. Selon une étude publiée dans la prestigieuse revue The Lancet en 2024, elle pourrait causer 39 millions de morts chaque année dans le monde d'ici 2050. C'est presque autant que la population du Canada. Les bactéries résistantes risquent même de devenir la première cause mondiale de mortalité.

Pour éviter cette situation catastrophique, il faut miser sur la recherche et les innovations thérapeutiques, mais aussi, et c'est primordial, tenter de limiter au maximum le recours aux antibiotiques qui favorisent l'adaptation des bactéries – comme nous le suggérait le slogan "les antibiotiques, c'est pas automatique". Il reste encore beaucoup de progrès à faire. Les Français restent les cinquièmes plus gros consommateurs d'antibiotiques d'Europe.

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