Reportage Comment le Samu psy de Paris apporte une première réponse aux détresses psychiques

Dans plusieurs villes de France, des équipes spécialisées en psychiatrie appuient les membres du Samu, dans un secteur qui manque cruellement de moyens. Environ un quart des appels traités par le Samu psy de Paris concernent des jeunes de moins de 24 ans.

Article rédigé par Julie Marie-Leconte
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Des régulateurs du Samu psy, en septembre 2025 à Paris. (AP-HP)
Des régulateurs du Samu psy, en septembre 2025 à Paris. (AP-HP)

Comment répondre à l'urgence face à la détresse psychologique ? À Poitiers, Rennes ou encore Saint-Brieuc, des équipes se constituent pour appuyer les membres du Samu, pour mieux orienter les patients, leur apporter une meilleure réponse parfois au-delà de l'urgence et soulager les services d'urgence. Le Samu psy de Paris fait figure de pionnier en la matière. En deux ans, le nombre d'appels au Samu relevant de la psychiatrie a plus que doublé.

L'équipe du Samu psy traite environ 400 appels par mois. Au bout du fil, quelqu'un qui a composé le 15 pour joindre le Samu. En quelques mots, la régulatrice comprend combien cet appel est sensible et elle décide de le transférer au Samu psy et à son équipe de spécialistes. Dans son cabinet du 11e arrondissement, un médecin réclame de l'aide. Sa patiente menace de se suicider. "Elle a évoqué devant vous des velléités particulières de passage à l'acte ce matin ? Elle a déjà des antécédents ? Elle entend ce qu'on se dit ou pas ? Je vous envoie les pompiers immédiatement." 

Ici l'évaluation est rapide. "Si vous m'entendez, juste pour que vous le sachiez, les pompiers sont en route." Mais il est parfois bien plus compliqué d'y voir clair, comme dans ce cas où une voisine est au côté d'une patiente, à l'autre bout du fil. "Est-ce que vous pouvez aller auprès d'elle et me la passer au téléphone ? J'ai besoin de lui parler à elle", lance le docteur Katz au téléphone. "Bonjour Madame, je voulais savoir comment vous vous sentiez ?, demande-t-il à la patiente. Vous vous sentez vieille... Est-ce qu'il peut y avoir des idées noires, des envies de mourir ?"

Apporter la réponse "la plus appropriée"

Crise suicidaire, crise d'angoisse, anxiété, troubles dépressifs, tout cela représente la moitié des appels. Julien Katz est le médecin qui coordonne l'équipe : deux psychiatres et neuf infirmiers qui se relaient désormais de 8 heures à minuit, alors que le dispositif monte en puissance. Ici, il va rester presque une demi-heure en ligne. "Il y a toujours votre voisine qui est à vos côtés ? Vous pouvez me la repasser ?", lance-t-il à la patiente. "Madame a des aides à la maison, un auxiliaire de vie, dit-il à la voisine. Je vais leur passer un coup de téléphone pour savoir avec eux s'il y a des inquiétudes particulières ou pas."

Une membre de l'équipe du Samu psy, près de l'hôpital Léopold-Bellan, en septembre 2025 à Paris. (AP-HP)
Une membre de l'équipe du Samu psy, près de l'hôpital Léopold-Bellan, en septembre 2025 à Paris. (AP-HP)

"C'est aussi à moi d'aller à la pêche aux informations et de comprendre exactement la situation, explique à franceinfo Julien Katz. On sait que l'isolement, notamment chez les personnes âgées, est un facteur de risque de certains troubles, notamment la dépression. L'appel arrive, à nous de le traiter et d'apporter la réponse la plus appropriée."

Et c'est cela, la valeur ajoutée du dispositif. "Pour analyser la détresse, pour parler avec les gens, pour rester en ligne, parfois jusqu'à l'arrivée des secours, il faut prendre du temps, relève Benoît Vivien, adjoint du chef de service au Samu de Paris. Et quand on a 2 000 appels au Samu de Paris, c'est très difficile. Et l'autre point, c'est que maintenant, ces équipes, qui sont en nombre, prennent les appels et vont également au domicile pour prendre en charge directement les patients."

"Si on peut éviter le passage de ces patients aux urgences, c'est un plus. C'est déstabilisant pour les patients et pour les équipes de soins dans les services d'urgence."

Benoît Vivien, adjoint du chef de service au Samu de Paris

à franceinfo

Ce n'est pas toujours facile, reconnaît Marine Akkaoui, l'une des psychiatres de l'équipe. "Parfois, on a des patients qu'on aimerait bien pouvoir adresser en hospitalisation parce qu'on a fait leur évaluation sur place, raconte-t-elle. Mais il n'y a pas de place à l'hôpital donc on est obligés de les transporter sur un service d'urgence pour qu'ils attendent une place. Ce n'est pas pour autant qu'il faut délaisser ce maillon-là de la chaîne et c'est quand même bien de pouvoir faire cet accès aux soins, en espérant qu'un jour, le reste suive."

Le nombre d'appels d'enfants a doublé

Marine Akkaoui attrape un gros sac : "C'est notre sac d'intervention dans lequel on a des médicaments de l'urgence." La psychiatre part chez un patient avec Morgane, l'une des régulatrices du Samu. "J'ai reçu un coup de fil en début d'après-midi d'un jeune de 18 ans, qui appelle parce qu'il a des idées suicidaires à l'approche de la rentrée scolaire, raconte Morgane. Il n'a jamais vu de psychiatre par le passé et n'arrive pas à dormir depuis 48 heures parce qu'il a des idées suicidaires et qu'il se sent très angoissé."

"Je lui ai donné des techniques pour essayer de se relaxer un petit peu, je lui ai donné les coordonnées d'une plateforme téléphonique où il peut avoir accès à un psychologue."

Morgane, régulatrice au Samu psy de Paris

à franceinfo

"Je lui ai dit qu'il faisait tout ça et que moi je le rappelais vers 16 heures, poursuit-elle, et que si malgré tout ça, il se sentait toujours très angoissé, je viendrais à la maison pour lui éviter d'aller aux urgences, pour lui donner un traitement et puis pour discuter un peu avec lui."

Près d'un quart des appels traités par le Samu psy de Paris concernent des jeunes de moins de 24 ans, c'est la tranche d'âge la plus représentée. Depuis la création du dispositif en 2022, le nombre d'appels d'enfants a même doublé. 

Dans les coulisses du Samu psy de Paris : reportage de Julie Marie-Leconte

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