"Marcher, ça signifie liberté" : un malade de Parkinson et une patiente paraplégique retrouvent l'usage de leurs jambes grâce aux progrès de la médecine

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Article rédigé par France 2 - F. Méréo, M. Niewenglowski, L. Multari, C. Leblond, E. Dumas, H. Horocks. Édité par l'agence 6Medias
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La recherche médicale fait des progrès spectaculaires, dans des domaines extrêmement variés. Retour sur le destin de deux patients, Pierre et Suzanne, dont les vies ont été bouleversées grâce à des technologies révolutionnaires, alors qu'ils pensaient être condamnés à ne plus jamais marcher correctement.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder dans son intégralité.


Sa maladie de Parkinson est toujours là. Mais désormais, celle-ci n'arrête plus Pierre Avenet. À 69 ans, cet ancien instituteur redécouvre le bonheur d'une balade en forêt, le pas léger. "Je ressens beaucoup le bonheur. Marcher, ça signifie liberté. C'est la liberté d'aller où je veux, quand je veux et sur la distance que je souhaite", confie-t-il. Car il y a quelques mois, pour Pierre, marcher, c'était risqué de s'écrouler. Devant chez lui, une caméra de vidéosurveillance a capturé son quotidien infernal, marqué par les chutes à répétition. Mais grâce à une stimulation inédite de sa moelle épinière, ses jambes obéissent à nouveau.

C'est même lui, hier dépendant de ses proches, qui, aujourd'hui, peut les aider à son tour. "On n'y croyait plus. On pensait qu'on resterait plus que chez nous. On a même acheté un fauteuil roulant", explique Corinne Demeude, son épouse.

Sa renaissance tient en une montre. En appuyant sur le bouton, il déclenche un boîtier qui va activer des électrodes fixées sur sa moelle épinière pour stimuler les zones qui contrôlent la marche. La technologie envoie aux jambes le message que le cerveau n'est plus capable de délivrer du fait de la maladie. "Ce n'était pas gagné d'avance", assure Pierre, avec le recul. Même chose pour son épouse : "On se dit, est-ce que ça va fonctionner ?", se souvient-elle. Mais finalement, le couple n'en revient pas, car le dispositif est un succès : "C'est au-delà de nos espérances. Vraiment, ça a changé notre vie", assure Corinne.

Une technologie développée en Suisse

Ses implants révolutionnaires, Pierre Avenet les a reçus en Suisse, là même où l'on cherche à réaliser l'impossible. Suzanne Edwards, une Anglaise de 38 ans, entièrement paralysée des jambes, va tenter de remarcher. Bien vite, elle retrouve la joie immense d'être debout, comme un pied de nez au destin. Suzanne avance grâce à d'incroyables capteurs cachés sous sa casquette. Alors, debout, le panorama sur le lac Léman est époustouflant : "Je me sens bien. Regardez la vue, et avec le soleil, c'est parfait", assure la patiente paraplégique. Le chemin est long, les pas minuscules, éprouvants.

Mais après 14 ans prisonnière de son corps, chaque mouvement est un petit miracle : "Quand je vais sortir avec mes amis, je vais pouvoir me lever, les regarder droit dans les yeux. Alors qu'on m'a dit à l'hôpital : 'Vous ne pourrez jamais remarcher. Vos lésions sont très graves, il n'y a pas de traitement, pas de guérison.'", explique Suzanne. En 2011, Suzanne Edwards a 22 ans et est passionnée de sport. Pour fêter la fin de ses études, elle voyage au Maroc quand, un soir, la rambarde de l'hôtel s'effondre. Suzanne chute de 7 mètres. Elle est vivante, mais sa moelle épinière est sectionnée. Elle doit faire le deuil de ses jambes.

Mais l'hôpital de Lausanne a réalisé un exploit : la faire avancer à la force de sa pensée et d'un drôle de pont virtuel. Un pont digital pour contourner la lésion qui empêche Suzanne de marcher. Des électrodes conçues à Grenoble (Isère) ont été implantées à la surface de son cerveau. Quand Suzanne pense à marcher, une intelligence artificielle décodifie sa volonté de mouvement. Une impulsion électrique est alors envoyée dans la moelle épinière abîmée. Muscles et articulations s'activent. Suzanne remarche. "De pouvoir me lever un peu, marcher un peu. C'est bon pour ma santé physique, mais aussi mentale. Je me sens à nouveau moi-même et plus heureuse", témoigne-t-elle.

Trois personnes au monde vivent aujourd'hui avec ce dispositif. Estimé à plusieurs dizaines de milliers d'euros, il est financé par l'Union européenne dans le cadre d'un essai clinique. Faire remarcher ceux qui n'ont plus d'espoir, c'est l'œuvre de ce duo de chercheurs. Lui est français, elle, est suisse. D'ici quelques années, ils espèrent voir leur système sur le marché.

Le "début d'une grande aventure"

"Des personnes comme Pierre, comme Suzanne, ce sont vraiment des pilotes d'essai pour nous. On n'est pas encore à un stade où c'est une thérapie, on est dans un espace académique de développement jusqu'au jour où on espère que la technologie sera assez avancée pour la tester à grande échelle, et vraiment qu'elle soit disponible pour tout le monde", explique Grégoire Courtine, neuroscientifique de l'École polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). "On est au début d'une grande aventure", ajoute Jocelyne Bloch, neurochirurgienne au CHUV de Lausanne.

Suzanne Edwards, comme Pierre Avenet, ne seront jamais complètement guéris. Ils doivent accepter leur quotidien avec ses fausses notes. Mais la technologie leur permet d'être mieux dans leur corps et dans leur tête. C'est sûrement là la plus belle des harmonies.

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