Soupçons de discriminations au CNRS : 200 universitaires dénoncent un "acharnement" contre un candidat recalé trois fois
Dans une lettre ouverte, 200 universitaires s'interrogent sur une possible discrimination raciale et sociale dont pourrait être victime un post-doctorant en sociologie.
Y a t-il de la discrimination raciale au célèbre Centre national de recherche scientifique, le CNRS ? Un collectif d’universitaires français et étrangers se pose ouvertement la question, s’interrogeant sur une possible discrimination raciale et sociale à l’embauche.
Dans une lettre ouverte publiée jeudi 20 juin, plus de 200 universitaires dénoncent un "acharnement" contre un candidat bien précis. Il s’appelle Akim Oualhaci, post-doctorant en sociologie de 44 ans, auteur d’une thèse en 2011, titulaire d’un doctorat en France et d’un autre aux États-Unis. Son travail s’intéresse aux classes populaires et notamment aux difficultés des jeunes issus de l’immigration. Des recherches régulièrement saluées par ses pairs.
Trois candidatures et trois refus
Sauf que depuis trois ans, Akim Oualhaci est candidat à un poste de titulaire au CNRS et il est systématiquement déclassé. Cela signifie qu’il a passé avec succès le jury d’admissibilité, composé de scientifiques qui examinent son travail, mais qu'un deuxième jury, celui d'admission présidé par la direction du CNRS, a rejeté ses candidatures.
En 2017, Akim Oualhaci a même été classé en tête ex-aequo par le premier jury avant d'être recalé par le second. Le tout, sans aucune explication : les jurys d’admission n’ont pas à motiver leur décision selon le CNRS. Une opacité qui interroge évidemment le principal intéressé : "C'est une histoire assez violente au niveau individuel, explique Akim Oualhaci. On se demande quelles sont les raisons qui ont mené à notre déclassement. On a toute sorte d'interprétation. Je m'interroge sur le fait que mon patronyme ai joué ou pas dans les classements."
Je ne peux pas balayer d'un revers de main des soupçons de discrimination
Akim Oualhacià franceinfo
Cette année, il y a eu d’autres déclassements : une dizaine sur les 250 admissibles. C’est donc plutôt rare, mais trois fois de suite comme pour Akim Oualhaci, c’est "du jamais vu", explique un chercheur qui reste anonyme.
Ces soupçons, embarrassants pour le CNRS, sont contestés en bloc par le directeur général délégué à la science Alain Schuhl, le numéro 2 de l'institution : "Le jury d'admission a ses propres critères qui permettent de décider de garder, ou pas, les admissibles sur la liste d'admission." Alain Schuhl ne donne pas plus de précisions, si ce n'est que les critères de sélection sont basés sur "l’excellence scientifique" des candidats. Cela englobe, confie un autre chercheur, la qualité des travaux, le nombre de publications et le profil international du candidat
"Un gars qui vient du 93 et qui travaille sur les classes populaires, on le met de côté"
Officiellement, il est très difficile de connaitre les raisons du déclassement d'Akim Oualhaci. Un des jurés a tout de même accepté de témoigner anonymement : "Il y a eu des sous-entendus intolérables sur son travail. Certains se sont par exemple interrogés sur son diplôme américain qui n’en serait pas vraiment un... La vérité, c’est que pour eux, un gars qui vient du 93 et qui travaille sur les classes populaires, on le met de côté."
"Il suffit de regarder la liste des collègues embauchés, poursuit-il. On a le plus souvent des gens bien blancs, avec des noms bien français et qui viennent tous des grandes écoles. On est clairement dans un modèle de reproduction sociale."
Un plafond de verre ?
Marwan Mohammed, chargé de recherches au CNRS, actuellement à New York, a été confronté lui aussi à ce plafond de verre auquel se heurtent les candidats issus des minorités. En 2009, il a été, lui aussi, déclassé sans raison. "J'avais été classé premier au concours national et j'avais été déclassé par la commission d'admission, raconte-t-il. Il y a un vrai problème d'opacité qui peut tout autoriser, c'est ça le pire. En matière d'injustices, d'inégalités et de discriminations, ce système autorise tout. D'ailleurs quand on parle avec nos collègues anglo-saxons, ils nous disent que l'une des choses qui caractérisent le monde académique français, c'est qu'il est très blanc. Mais en même temps, comment le démontrer avec précision ?"
Marwan Mohammed a finalement été embauché via une autre voie quelques mois plus tard et surtout via une autre procédure. Il dit être "entré au CNRS par la fenêtre, alors qu’on lui avait fermé la porte." Dans leur lettre ouverte, les 200 universitaires espèrent que ce sera le cas également pour Akim Oualhaci. Ils demandent à la direction de réparer ce qu’ils appellent une "injustice" en lui "accordant immédiatement un poste" au CNRS.
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