Une pétition contre l'ouverture d'une supérette Carrefour City à Paris, signée par des célébrités, érigée en symbole de l'entre-soi
Selon "Le Monde", Alain Souchon, Catherine Frot ou encore Alain Finkielkraut ont exprimé leur opposition à l'ouverture de cette enseigne sur une place du 6e arrondissement. La mobilisation, au nom du calme, de la sécurité ou encore de la défense des petits commerces, a déclenché un débat médiatique.
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C'est une petite place pittoresque du 6e arrondissement de Paris, typique de ce coin cossu de la capitale. Une fontaine Wallace agrémente un parterre ombragé, à l'intersection des rues Bréa et Vavin, tout près du jardin du Luxembourg. La façade immaculée d'un immeuble à gradins, imaginé par les architectes Henri Sauvage et Charles Sarazin, fait miroiter en surface ces petits carreaux blancs typiques des stations de métro. La petite place, fort passante, abrite déjà une épicerie, des sandwicheries, une pharmacie, une agence immobilière, des restaurants, un cave et des boutiques... Mais depuis sept mois, plus personne ne marque de pause devant la vitrine du 19 rue Vavin.
Le magasin de jouets Oxybul a fermé ses portes début décembre, et le local commercial a été vidé. Un supermarché Carrefour City devrait le remplacer durant le cours de l'été. Cette perspective est rejetée par certains riverains et amoureux du quartier, qui ont lancé une pétition pour dénoncer cette implantation. Cet appel brandit notamment la menace d'une accumulation de déchets sur la place, un "encouragement à la mendicité", l'afflux de véhicules de livraison et un effet délétère sur le cadre de vie, avec des risques pour la sécurité des riverains. Les pétitionnaires disent soutenir les "commerces de vraie proximité contre les grandes enseignes de distribution" et la "sauvegarde du quartier en tant que zone protégée".
Une mobilisation locale devenue très médiatique
L'existence d'une pétition est initialement rapportée le 24 juin dans les pages locales du Parisien. Mais l'affaire prend une tout autre ampleur avec la parution de deux articles dans le média en ligne La Lettre et surtout dans les colonnes de M, le magazine du Monde, le 19 et 20 juillet. "C'est un quartier résidentiel, pas un quartier ouvrier. Il faut tenir compte du biotope, c'est de la sociologie !", y déclare une ancienne communicante sous couvert d'anonymat. "Quand on est à plus de 20 000 euros le mètre carré, on n'a pas envie d'avoir de la racaille en bas de chez soi !", ajoute un coiffeur, qui se fait des cheveux blancs à cette idée.
Mais c'est surtout la présence de plusieurs personnalités parmi les signataires qui fait sortir la pétition du simple cadre local. Le Monde évoque pêle-mêle les oppositions de l'ancien ministre Jacques Toubon, du chanteur Alain Souchon, de l'essayiste Alain Finkielkraut ou encore de l'actrice Catherine Frot... Quant à l'homme d'affaires Denis Olivennes, ajoute le journal, il a été "enrôlé à la volée, un matin de brocante", et se dit "opposé à la fermeture d'Oxybul". La députée locale, la socialiste Céline Hervieu, pour sa part, dénonce dans cet article "une forme d'uniformisation" et évoque son attachement aux "spécificités" du quartier.
Ces noms connus sont largement repris sur les réseaux sociaux, pour mieux dénoncer l'entre-soi d'une élite déconnectée des réalités et refusant la mixité sociale. "On a créé 13 logements sociaux à quelques mètres de là, au 46 rue Notre-Dame-des-Champs", ironise le sénateur communiste PCF Ian Brossat. "Dedans vivent des ouvriers, des assistantes maternelles, des éboueurs. Et tout ce beau monde a survécu, rassurez-vous". L'affaire prend de telles proportions qu'elle fait l'objet d'un débat dans l'émission "Les Grandes Gueules", sur RMC, et qu'elle inspire le site satirique Le Gorafi : "Les habitants organiseront un casting de sans-abris pour faire la manche devant le Carrefour City", imagine le faux site d'info.
Pointée du doigt depuis la publication de l'article, la députée Cécile Hervieu est contrainte d'apporter une mise au point, auprès de Libération. "L'extrême droite et la fachosphère ont manipulé mes propos malheureusement et concernant l'article", se défend l'élue, regrettant "surtout d'être associée aux autres verbatims terribles" évoqués plus haut et attribués à d'autres interlocuteurs. Elle maintient en revanche son opposition à l'implantation d'un Carrefour City, jugeant que "c'est la défense de nos commerces de proximité qui est en jeu" et qu'elle aurait "pu dire la même chose d'un quartier populaire".
La grande distribution déjà bien implantée dans le quartier
L'article du Monde fait cependant face à quelques contestations. Le comédien Pierre Richard, présenté comme signataire de la pétition, dénonce "une fausse nouvelle", dans une vidéo postée sur Instagram – il a été en réalité confondu avec un homonyme, patron de la banque Dexia, précisera ensuite Le Parisien. La journaliste Ruth Elkrief, dont le nom a également circulé, précise ne pas avoir signé la pétition, dans un message posté sur la plateforme X. "J'ai juste répondu dans la rue à l'initiateur que je ne connaissais pas. Cela n'était en aucun cas un soutien." Lundi matin, Le Monde a fait figurer un rectificatif en pied de son article, afin d'exprimer des "excuses aux intéressés".
Il n'en reste pas moins que la flambée des prix locatifs laisse peu de place aux commerces indépendants, et que la grande distribution a déjà investi le quartier : deux Franprix à 100 mètres et 300 mètres, un Monop' à 140 mètres et un autre Carrefour City à 400 mètres. Ces petites surfaces essaiment dans les cœurs de ville depuis plusieurs années, car les populations urbaines rechignent davantage à se déplacer en périphérie, où sont traditionnellement installés les hypermarchés. Le groupe Carrefour compte aujourd'hui près de 4 000 magasins de proximité (de 70 à 1 200 m2) en France, sous les marques Carrefour Express, Carrefour City, Carrefour Contact ou encore Proxi. Il affronte des groupes comme Monoprix ou Casino sur ce terrain très concurrentiel.
En 2016, plusieurs formations de gauche avaient ainsi dénoncé l'ouverture d'un Carrefour à la place du rectorat de Paris dans le 20e arrondissement, en soutien au petit commerce, rapportait alors Le Parisien. Mais cette fois, les riverains semblent aussi se préoccuper du calme de la place Laurent-Terzieff et Pascale-de-Boysson, nommée en mémoire du couple de comédiens, habitués du théâtre du Lucernaire voisin. Le maire du 6e arrondissement de Paris a précisé fin juin au Parisien que des garanties avaient été apportées par Carrefour avant l'ouverture du magasin, à savoir l'absence de terrasse, de rôtissoire et d'enseigne lumineuse. Question de standing, sans doute.
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