Incarcération de Nicolas Sarkozy : "Un ancien président de la République ne devrait pas remettre en question la Justice", assène Éric Dupond-Moretti
Éric Dupond-Moretti, ancien ministre de la Justice, était l'invité des 4 Vérités, lundi 20 octobre, pour aborder le sujet de l'incarcération de Nicolas Sarkozy qui aura lieu le mardi 21.
Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
Gilles Bornstein : Un ancien président de la République en prison, ça vous turlupine ou pas plus que ça ?
Éric Dupond-Moretti : Évidemment que ça me turlupine, comme tout le monde. Pour autant, il y a une décision de justice, rendue non pas par un magistrat haineux, mais par trois magistrats, au terme d'un procès qui a duré un mois. Nicolas Sarkozy est présumé innocent. Il a interjeté appel. Il fera valoir ses droits devant la cour d'appel. Voilà tout ce que l'ancien garde des Sceaux que je suis peut dire.
Justement, vous l'avez dit, il est présumé innocent. Pour autant, il va dormir en prison. Le fait qu'un présumé innocent dorme en prison, est-ce que ça aussi, vous trouvez ça normal ?
C'est la loi, en l'occurrence. Il y a des milliers de gens qui sont présumés innocents et qui dorment en prison. Cette décision a été prise une fois encore par trois magistrats qui ont décidé d'ordonner un mandat de dépôt, différé, en l'occurrence. Ce qui n'est pas le cas de tous les autres prévenus, d'ailleurs, parce que certains dorment en prison dès la fin de l'audience, comme M. Djouhri, qui est un co-prévenu de M. Sarkozy, est allé directement en prison. Il est âgé de 80 ans et est allé directement en prison.
Vous voulez dire qu'il n'a pas à se plaindre particulièrement ?
Non, non, ce n'est pas ce que je dis. M. Djouhri, c'est une décision de justice. Ça ne tombe pas de n'importe où. Il y a un appel possible. Nicolas Sarkozy pourra faire valoir ses droits. Il pourra présenter des demandes de mise en liberté. Voilà ce que je dis. Et ma seule préoccupation, elle est citoyenne. C'est ma seule préoccupation. C'est que l'on ne peut pas démolir toute l'institution judiciaire. Nicolas Sarkozy fait valoir ses droits. Il a une voix qui porte, notamment une voix médiatique, ce qui n'est pas le cas de tous les prévenus de ce pays. Il dit ce qu'il a à dire, mais pour autant insinuer l'idée que c'est un juge haineux... S'il existe dans ce pays, un juge haineux au point d'enfermer un homme cinq ans. Alors celui-là, il faut le virer de la magistrature et il faut le poursuivre disciplinairement. Je rappelle que c'est une décision collégiale.
Un ancien président de la République ne devrait pas dire ce qu'il dit ?
Ah ça, c'est sûr. Je ne sais pas si, devant la cour d'appel, il redira ça. D'ailleurs, en cela, il suit les traces de Marine Le Pen, qui, elle, a même été jusqu'à mettre en cause la présidente du tribunal correctionnel qui l'a condamnée, au motif qu'elle aurait eu la vocation de devenir magistrate en regardant un documentaire consacré à Eva Joly. Vous imaginez ? Alors, il n'y a plus un prévenu de ce pays qui acceptera une décision de justice sans la contester en des termes délétères pour toute l'institution. Ça, ce n'est pas supportable, de mon point de vue.
Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen disent les mêmes choses sur les affaires qui les concernent ?
Oui, ce n'est pas la peine d'y mettre un point d'interrogation, c'est un constat. Marine Le Pen dit « j'ai été jugée par une magistrate politisée ». Entre parenthèses, ses co-prévenus n'ont pas interjeté appel, ce qui signifie qu'ils sont coupables. Nicolas Sarkozy parle de la présidente en disant qu'elle est haineuse, que c'est la haine qui le conduit en prison. J'espère qu'il aura d'autres arguments à faire valoir devant la cour d'appel. Et pour le reste, je le redis, il est présumé innocent. Et pour répondre totalement à votre question, oui, c'est choquant de voir un ancien président de la République franchir la porte d'un établissement pénitentiaire.
Est-il choquant de voir un actuel garde des Sceaux aller le visiter en prison ? Gérald Darmanin vient de dire qu'il irait le visiter en prison. Il serait allé le voir aussi après sa condamnation. On sait qu'ils sont amis. Est-ce que c'est sa place ?
Écoutez, lui, il estime qu'il doit aller en prison voir son ami. C'est son problème. Moi, je ne suis pas le gardien de la morale.
Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
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