Prisons destinées aux trafiquants : certains narcotrafiquants "ont une emprise telle que certains d'entre eux garderont une influence", analyse Bertrand Monnet, professeur à l'EDHEC

Gérald Darmanin, ministre de la Justice, prévoit d'emprisonner les 200 narcotrafiquants les plus dangereux dans "deux établissements de haute sécurité" à Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe, d'ici le mois d'octobre.

Article rédigé par franceinfo
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Bertrand Monnet, professeur à l'EDHEC (École des hautes études commerciales) et spécialiste du narcotrafic. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Bertrand Monnet, professeur à l'EDHEC (École des hautes études commerciales) et spécialiste du narcotrafic. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Alors que deux prisons vont accueillir à partir de cet été les détenus les plus dangereux provenant de la criminalité organisée, dont des narcotrafiquants, Bertrand Monnet, professeur à l'EDHEC (École des hautes études commerciales) et spécialiste du narcotrafic doute mardi 25 mars sur franceinfo d'un tel dispositif. Certains narcotrafiquants "ont une emprise telle que certains d'entre eux garderont une influence" malgré leur emprisonnement dans les établissements les plus sécurisés, analyse-t-il.

"Il y aura sans doute moins de liens avec les zones qu’ils contrôlent, mais il y aura une forme de rémanence de l'influence de ces gros bonnets là où ils travaillaient", assure Bertrand Monnet. "Je pense que certains d'entre eux garderont une influence". Les deux prisons qui accueilleront les détenus les plus dangereux provenant de la criminalité organisée seront situées à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) et à Condé-sur-Sarthe (Orne), avait annoncé Gérald Darmanin, ministre de la Justice.

Marges entre 3 000% et 6 000%

"Il est prévu qu'il y ait très peu de contacts entre détenus, nous verrons, c'est une solution qui est de nature à les gêner, mais ce ne sera absolument pas la résolution du sujet à 100%", affirme ce spécialiste. Car "n'oublions pas que tous ces gens qui font les trafics sont motivés par l'argent et donc si les principaux chefs sont arrêtés, immédiatement ce business-là sera repris par d'autres".

Bertrand Monnet précise que "selon les routes" des pays producteurs de la cocaïne vers les pays consommateurs, le trafic "dégage des marges qui varient entre 3 000% et 6 000%". Selon lui, "aucun produit dans l'économie légale ne dégage des marges comme ça. Cela explique qu'il y aura toujours des trafiquants pour se lancer dans le business et on peut incarcérer autant de personnes que l'on veut", le trafic continuera, d'après lui.

La France n'est pas un "narco-État"

Malgré tout, ce professeur de l'EDHEC note que l'État français "essaye de se doter des moyens adéquats" pour essayer de lutter contre le narcotrafic. Il est donc faux pour Bertrand Monnet de parler de la France comme d'un "narco-État", comme l'a dit récemment Jordan Bardella, le président du Rassemblement National (RN). "C'est totalement exagéré", affirme Bertrand Monnet. "On ne peut évidemment pas dire que la France est un narco-État, car un narco-État, c'est un État dans lequel l'appareil d'État travaille au profit d'une organisation mafieuse, on n'en est évidemment pas là".

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