Témoignages "C'est limite de la provocation" : la campagne de "culpabilisation" du gouvernement sur la drogue ne convainc pas le jeune public qu'elle vise

Bruno Retailleau a présenté jeudi une nouvelle campagne "choc" pour lutter contre le trafic de drogue en pointant la responsabilité des usagers de stupéfiants.

Article rédigé par franceinfo
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Un consommateur de cannabis roule un joint sur la table d'un bar. (© ALEXANDER ROTH-GRISARD / MAXPPP / MAXPPP)
Un consommateur de cannabis roule un joint sur la table d'un bar. (© ALEXANDER ROTH-GRISARD / MAXPPP / MAXPPP)

Une campagne "inédite" censée produire un "électrochoc" chez les consommateurs de drogue. Le ministre de l'Intérieur, qui a fait de la lutte contre le narcotrafic une priorité nationale, a dévoilé un clip, jeudi 6 février, pour "culpabiliser" les consommateurs.

Ce clip est diffusé à la télévision, sur internet et dans les transports en commun à partir de dimanche. Bruno Retailleau assume vouloir "choquer" mais, pourtant, cette vidéo de 30 secondes ne semble pas avoir l'effet escompté sur les jeunes consommateurs rencontrés par franceinfo à Paris.

"Je n'ai pas compris"

Le clip se veut pourtant efficace : une jeune femme fume un joint en soirée, vient ensuite le rail de cocaïne qui va s'enflammer et déclencher des incendies en chaîne. Un lampadaire, une voiture et même une peluche brûlent, une balle est tirée et, pour finir, un message culpabilisant : "Ces personnes payent le prix de la drogue que vous achetez". Mais la vidéo laisse sceptiques Raquel et Serena, étudiantes en chimie : "Je n'ai pas compris, il y a un peu des raccourcis."

Consommatrices occasionnelles de cannabis, elles trouvent le message un peu trop simpliste. "Ça fait réfléchir, c'est sûr, mais je ne sais pas si ça va stopper les gens juste en voyant cette vidéo. En tout cas, ça ne va pas leur [faire] dire 'Bon, j'arrête tout de suite', estime l'une d'entre elles. Je pense que qu'il faut plutôt faire un truc de sensibilisation et pas dire directement 'Meurtre, meurtre, feu, balle'."

"Ce n'est que pour faire culpabiliser, il n'y a aucune sensibilisation, il n'y a rien."

un étudiant parisien

à franceinfo

Leur constat est partagé par d'autres jeunes devant la fac :"Il ne parle même pas de la santé ou des trucs comme ça, alors qu'en vrai c'est aussi ça qui est important quand même. Là c'est limite un peu comme de la provocation je trouve", regrette ainsi une étudiante.

"Ce n'est pas assez expliqué"

Et si Bruno Retailleau a également annoncé jeudi que les violences liées au narcotrafic avaient fait 110 morts et 341 blessés l'année dernière en France, ces chiffres ne figurent pas dans la vidéo. Ils auraient pu permettre de la rendre plus efficace, selon deux jeunes femmes de 19 ans : "Je trouve qu'il y a des films qui font vraiment plus réaliser ce genre de choses. Nous, les étudiants, ça nous arrive à tous de fumer un peu du shit ou des trucs comme ça. On n'a pas forcément conscience des répercussions que ça peut avoir. Par exemple au lycée, quand les gens commencent justement à toucher à ça, ce n'est pas assez expliqué et, donc, on ne sait pas forcément dans quoi on tombe au début."

Et quand le ministre de l'Intérieur martèle qu'un simple joint a le goût du sang, cette étudiante en communication tient à maintenir la distinction. "Il faut faire une hiérarchie. Quand tu prends de la coke, c'est quand même complètement différent que quand tu prends du cannabis ou du shit, explique-t-elle. Ce n'est pas du tout la même échelle en vrai."

Et tous affirment que le clip du ministère de l'Intérieur ne va pas leur faire changer leur consommation de drogue dans l'immédiat.

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