Affaire Bétharram : ce que l'on sait de la mort d'un élève d'une méningite en 1980

Article rédigé par franceinfo
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L'établissement privé catholique Notre-Dame de Bétharram (Pyrénées-Atlantiques). La sœur d'un élève mort en 1980 d'une méningite a annoncé, le 24 avril 2025, qu'elle compte porter plainte pour non-assistance à personne en danger. (QUENTIN TOP / HANS LUCAS / AFP)
L'établissement privé catholique Notre-Dame de Bétharram (Pyrénées-Atlantiques). La sœur d'un élève mort en 1980 d'une méningite a annoncé, le 24 avril 2025, qu'elle compte porter plainte pour non-assistance à personne en danger. (QUENTIN TOP / HANS LUCAS / AFP)

Un garçon de 12 ans scolarisé dans l'internat catholique privé Notre-Dame de Bétharram est mort d'une méningite à l'hôpital de Pau en 1980. Quarante-cinq ans plus tard, sa sœur met en cause la direction.

C'est une révélation de plus sur "l'enfer de Bétharram", selon les mots d'anciens élèves de cet établissement scolaire catholique. Dans le livre Le Silence de Bétharram, publié jeudi 24 avril par la journaliste Clémence Badault et Alain Esquerre, porte-parole du collectif des victimes de Notre-Dame de Bétharram (Pyrénées-Atlantiques), un chapitre raconte la mort d'un enfant scolarisé dans cet internat privé en 1980.

Les circonstances de son décès soulèvent des questions sur sa prise en charge par l'établissement. Après l'apparition de premiers symptômes sérieux, la nuit du 11 juin 1980, il aurait fallu attendre la fin de la journée du lendemain pour que les responsables appellent un médecin. Auprès du Monde, la sœur de cet ancien élève annonce qu'elle va déposer une plainte pour non-assistance à personne en danger. Voici ce que l'on sait à ce sujet.

Un surveillant, mineur à l'époque, témoigne de sa détresse face aux symptômes de l'enfant

Alain Esquerre, ancien élève de Notre-Dame de Bétharram et créateur d'un groupe Facebook qui a permis de libérer la parole de centaines de personnes, partage plusieurs témoignages, dont celui de la fille de François Bayrou, dans l'ouvrage de 250 pages que franceinfo a pu lire. Tous décrivent un établissement scolaire dans lequel les violences sexuelles et physiques commises par les religieux et par des surveillants étaient systémiques.

Dans le onzième chapitre, Jean-Rémy Arruyer, scolarisé à Notre-Dame de Bétharram et nommé surveillant dès 1979, raconte que son travail nocturne consistait surtout à tenter de trouver des subterfuges pour empêcher le père Carricart d'agresser sexuellement les élèves dans le dortoir. Mais il relate aussi une nuit de 1980 qui l'a encore plus traumatisé. Alerté par un autre surveillant, Jean-Rémy Arruyer se précipite au chevet d'un garçon dans le dortoir. "Dans son lit, l'enfant de sixième tremble comme une feuille. Il est tout pâle. Je me penche vers lui. Il arrive à peine à ouvrir les yeux quand je lui parle", se souvient l'homme, aujourd'hui âgé d'une soixantaine d'années. 

Les deux adolescents cherchent un adulte pour venir en aide à l'enfant malade. "Je descends dans les parties administratives. Je frappe à toutes les portes. Dans un établissement qui contrôle tout, les moindres faits et gestes, et où il est interdit de parler vingt-deux heures sur vingt-quatre, il est surprenant de constater que quand on a besoin d'eux, les adultes sont ailleurs", s'étonne Jean-Rémy Arruyer. Avant de conclure : "Nous remontons bredouilles. Le lendemain, le garçon était mort".  

A la fin de ce récit, Alain Esquerre écrit qu'"à l'époque, [la famille de l'élève décédé] n'a pas eu de raison de douter de la version du directeur", mais qu'"aujourd'hui, elle s'interroge". En effet, la sœur de cet élève fait part de ses doutes à nos confrères du Monde et revient sur la chronologie des faits, grâce aux informations dont sa famille disposait à l'époque et à différents témoignages qu'elle a pu collecter récemment. En 1980, son petit frère, dont elle veut préserver l'anonymat, était en classe de sixième à Notre-Dame de Bétharram, où son père avait lui-même été scolarisé. Ses parents et ses deux sœurs aînées vivaient en région parisienne, mais le benjamin avait été envoyé à Pau chez ses grands-parents.

Plusieurs heures d'attente à l'infirmerie avant un transfert à l'hôpital, où l'élève meurt

La nuit du 11 juin 1980, le garçon semble souffrant au point que deux élèves surveillants tentent de solliciter le personnel, en vain. Au matin, l'enfant malade est envoyé à l'infirmerie, selon les témoignages recueillis par sa sœur et relatés par Le Monde. Il y arrive dans un état "quasi comateux", mais passe pourtant la journée sans prise en charge particulière, l'infirmière pensant avoir affaire à un cas de grippe, alors qu'une épidémie semblait toucher l'établissement. Toujours selon des témoignages d'élèves présents le 12 juin, un médecin arrive en fin de journée, alors que l'enfant est inconscient. Il est ensuite transféré à l'hôpital de Pau en ambulance.

En fin de journée, un responsable de Notre-Dame de Bétharram téléphone aux parents pour les prévenir, se souvient sa sœur, alors âgée de 15 ans. C'est ensuite l'hôpital qui rappellera la famille pour annoncer le décès du garçon, à 22 heures, d'une méningite foudroyante, selon l'acte de décès consulté par Le Monde.

Au lendemain de sa mort, les responsables de l'établissement feront part aux parents des maux de têtes de leur fils et d'un état grippal. "Mes parents n'ont pas posé plus de questions", regrette aujourd'hui sa sœur auprès du Monde. Selon ses souvenirs, le père Carricart contribuera à organiser les obsèques du petit garçon à Pau.

La sœur de la victime pointe des manquements de la part de l'institution

Après ce drame, le collège aurait été placé en quarantaine et les élèves renvoyés chez eux pour éviter toute contagion, selon plusieurs témoignages recueillis par la sœur de la victime. Mais il est difficile de retrouver une trace de cet événement. "Des préconisations sanitaires avaient certainement dû être données, mais je ne suis pas en mesure de vous apporter plus de précisions. Les archives concernant l'infirmerie de l'établissement sont quant à elles soumises au secret médical", déclare au Monde Jean-Marie Ruspil, vicaire régional des pères de Bétharram.

Y a-t-il eu une faute de la part de l'établissement scolaire dans la prise en charge de cet élève malade, qui était sous sa responsabilité ? Sa sœur estime que les responsables auraient dû réagir plus tôt face aux symptômes de son frère. Même si les faits sont prescrits, elle va déposer plainte contre l'établissement pour non-assistance à personne en danger, afin que l'histoire de son frère "soit rajoutée à cet ensemble d'horreurs", précise-t-elle au Monde.

"Alertés par la famille" de l'élève décédé, les députés de la commission d'enquête parlementaire sur les violences dans les établissements scolaires ont transmis un signalement sur le fondement de l’article 40 du Code de procédure pénale au procureur de la République de Pau, a précisé sur X le corapporteur de la commission Paul Vannier (LFI). Cette commission a prévu d'auditionner François Bayrou, le 14 mai à 17 heures. Elle espère savoir s'il avait été informé ou non des accusations de violences sexuelles et physiques dans l'établissement dans lequel il avait scolarisé ses enfants, à l'époque où il était élu local puis ministre de l'Education.

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