Affaire Bétharram : invitées par le procureur de Pau, des victimes craignent de se heurter au "mur froid de la prescription"

Au moins 46 victimes de Notre-Dame-de-Bétharram ont répondu à l'invitation du procureur de Pau afin de mieux comprendre l'évolution des futures procédures.

Article rédigé par Aurélien Thirard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le palais de justice de Pau (Pyrénées-Atlantiques), le 8 octobre 2020. (GAIZKA IROZ / AFP)
Le palais de justice de Pau (Pyrénées-Atlantiques), le 8 octobre 2020. (GAIZKA IROZ / AFP)

C’est une première dans l'affaire Betharram : le procureur de Pau invite les victimes à une réunion d’information jeudi 27 février. 46 victimes ont répondu à la convocation, qui leur permettra d'en savoir plus sur la procédure à venir, et surtout sur la prescription de certaines plaintes.

La question est en effet centrale dans cette affaire de violences sexuelles et physiques, recensées entre les années 1950 et le début des années 2000. Comme de nombreuses victimes, Pascal attend beaucoup de cette rencontre avec le procureur.

"Un goulag pour enfants"

Lui qui a été élève à Notre-Dame-de-Bétharram à la fin des années 1980 ne mâche pas ses mots pour décrire l'institution : "Certains parlent de goulag des Pyrénées et c'est exactement ça, sauf que c'est un goulag pour enfants".

Pendant deux ans, Pascal encaisse brimades et coups au quotidien. C'est donc avec la plus grande attention qu'il écoutera le procureur lui expliquer le concept de prescription. Une notion juridique alors que la semaine passée, son agresseur présumé figurait parmi les trois hommes mis en garde à vue à Pau, mais est ressorti libre. "Quand vous vivez pour de vraie la prescription parce que votre agresseur sort en liberté, ce n'est plus possible", assène l'ancien élève.

On ne peut pas clore le sujet comme ça. Ce sont des victimes seules avec leur souffrance et le mur froid de la prescription.

Pascal, ancien élève de Notre-Dame-de-Bétharram

à franceinfo

Marc ne comprend pas non plus la prescription, du moins il ne l’admet pas. Il raconte avoir été frappé, violé, piqué dans les fesses avec des seringues. Un calvaire subi dans les années 80, du CE2 jusqu'à la 6e. C'est donc plein de colère qu'il se rendra au Palais de justice jeudi matin.

Et Marc ne manquera pas de regarder le procureur droit dans les yeux : "Il est censé nous écouter. La justice est lente quand ça l'arrange, elle est rapide quand ça l'arrange. Là, aujourd'hui, on demande de la rapidité pour que les sanctions soient données et que les gens qui aujourd'hui ont un certain âge payent".

"Nous allons épuiser tous les recours possibles"

"Peut-être qu'en sortant, je serai énervé, peut-être que je serai apaisé, je ne sais pas", poursuit Marc. Le but du procureur de Pau est justement de faire preuve d'humanité et d'alléger la douleur des victimes. Il promet de répondre à toutes leurs questions.

De son côté, Pascal promet lui aussi de ne rien lâcher "Pour tous les concernés et tous les mis en cause, il faut qu'ils entendent que nous allons épuiser tous les recours possibles, à la fois au pénal, au civil, auprès de la Cour européenne des droits de l'homme", martèle-t-il.

Pour Pascal, "c'est une certitude", les agresseurs de Bétharram "doivent en répondre un jour devant un juge". Cette réunion ne sera sans doute pas la dernière. Le procureur prévoit d’en organiser une autre. Pour toutes les victimes qui n’ont pas pu venir et aussi pour les 40 nouvelles victimes qui ont déposé plainte jeudi 26 février, portant le nombre total de plaignants à 152 pour le moment.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.