Affaire Bétharram : pourquoi la commission d'enquête parlementaire pointe l'attitude de François Bayrou dans son rapport sur les violences au sein de l'établissement
Les auteurs du rapport parlementaire regrettent que les violences dans ce collège-lycée catholique aient "perduré pendant des années" alors que le Premier ministre, alors ministre de l'Education nationale, en avait été "informé".
François Bayrou est de nouveau pointé du doigt dans l'affaire Bétharram. Dans leur rapport publié mercredi 2 juillet, les députés qui ont enquêté après le scandale dans ce collège-lycée catholique des Pyrénées-Atlantiques, visé par plus de 200 plaintes d'anciens élèves pour des violences physiques et sexuelles pendant des décennies, ont relevé un "défaut d'action" du Premier ministre à l'époque où il était ministre de l'Education et président du département.
Les auteurs de ce document de plus de 600 pages sur les violences scolaires, les députés Paul Vannier (La France insoumise) et Violette Spillebout (Renaissance), jugent qu'alors qu'il était "informé" de la situation, ces violences "ont perduré pendant des années". Franceinfo revient en détail sur ce que la commission reproche au chef du gouvernement.
Le député Paul Vannier accuse François Bayrou d'avoir "menti"
Dans le rapport, seul le député Paul Vannier considère que le chef du gouvernement a "menti" à la représentation nationale "en niant toute information au sujet de ces violences". L'élu insoumis juge que ce mensonge "pouvait viser à dissimuler [son] inaction" alors qu'il était "informé de faits de violences physiques dès 1996", date de la première plainte pour violence physique, "et de faits de violences sexuelles dès 1998", quand un ancien directeur de l'établissement, le père Silviet-Carricart, a été mis en examen pour viol.
Selon Paul Vannier, François Bayrou avait "connaissance" de ces violences puisqu'il avait commandé en 1996 un rapport de l'inspection de l'Education nationale et qu'il avait rendu visite au juge d'instruction Christian Mirande en 1998 "expressément pour l'interroger" sur la mise en examen du père Carricart.
François Bayrou a été entendu pendant plus de cinq heures le 14 mai par la commission d'enquête. Lors de son audition, il a rejeté avec virulence les accusations de mensonge ou d'intervention dans les années 1990 auprès de la justice dans cette affaire. Le Premier ministre a maintenu sous serment n'avoir "pas eu d'autre information" que "par la presse", lorsqu'il était ministre de l'Education nationale dans les années 1990, sur les violences physiques et sexuelles à Notre-Dame de Bétharram. "Je n'ai bénéficié d'aucune information privilégiée", a-t-il ajouté. Il a par la suite publié sur un site l'ensemble des pièces produites lors de son audition qui prouvent, à ses yeux, "l'inanité" des accusations qui le visent.
La présidente socialiste de la commission, Fatiha Keloua-Hachi, a, elle, jugé insuffisamment fondée la demande de signalements à la justice de Paul Vannier, qui suspecte de "faux témoignages" trois personnes, dont François Bayrou. Le député insoumis a néanmoins annoncé sur X qu'avec son groupe parlementaire, ils saisissaient le bureau de l'Assemblée nationale. L'entourage du Premier ministre s'est félicité auprès de franceinfo de la décision de ne pas procéder à des poursuites judiciaires.
François Bayrou avait "les moyens" de réagir à l'époque
Ce dossier touche très personnellement le chef du gouvernement. Son épouse a enseigné le catéchisme et plusieurs de ses enfants ont été scolarisés à Notre-Dame de Bétharram. Sa fille aînée a révélé en avril avoir été elle-même victime de violences physiques par un prêtre de la congrégation lors d'un camp d'été, mais ne pas avoir prévenu son père.
Par ailleurs, François Bayrou a présidé le département des Pyrénées-Atlantiques, chargé de la protection de l'enfance, de 1992 à 2001, et occupé les fonctions de ministre de l'Education de 1993 à 1997. Ainsi, les rapporteurs constatent qu'il avait "les moyens d'engager" des actions pour lutter contre ces violences et regrettent son "défaut d'action".
"C'est exactement le contraire", a réagi l'entourage de François Bayrou. "Le Premier ministre a organisé une inspection dès le lendemain du jour où est apparue une plainte pour une gifle", ajoute cette source, qui fait valoir que cette inspection "a donné lieu à un rapport élogieux pour l'établissement". En février, l'inspecteur d'académie à l'origine du rapport avait toutefois remis en cause son propre travail, estimant ne pas avoir "cherché à savoir ce qui se passait" à l'époque et avoir rendu un rapport qui "ne tient pas à la route".
Une lettre sans réponse après des alertes dans un autre collège
Le travail de la commission d'enquête met en lumière le cas du collège Saint-Jean de Pélussin, dans la Loire. Divers documents obtenus par les rapporteurs leur ont permis d'identifier des "faits présentant toutes les apparences de violences systémiques" commises dans les années 1990 dans cet établissement catholique. Les députés se sont procuré des courriers adressés par l'association L'Enfant Bleu et deux enseignantes lanceuses d'alerte à François Bayrou alors qu'il était ministre de l'Education nationale, puis au président de la République, Jacques Chirac.
En mars 1995, ces deux enseignantes recueillent les témoignages d'élèves "victimes d'attouchements de la part du directeur de l'établissement, le prêtre Jean Vernet", condamné l'année suivante. En juin 1996, elles alertent à nouveau les autorités, "notamment rectorales", "sur des faits de violences physiques commis par d'autres membres du personnel de l'établissement". En septembre, constatant que ces personnes sont toujours en poste, elles écrivent à François Bayrou, "par l'intermédiaire de l'association L'Enfant bleu", pour signaler des faits "d'humiliations, de châtiments corporels abusifs et de violences physiques' mettant en cause trois surveillants et deux enseignants", poursuit le rapport. Face à l'absence de réponse, elles s'adressent au chef de l'Etat.
A la suite de ce nouveau courrier, Jacques Chirac "demandera des éléments de réponse au ministère de l'Education nationale, lequel s'empressera de transmettre, par l'intermédiaire du chef de cabinet du ministre, les conclusions déjà mentionnées de l'enquête diligentée l'année précédente par le recteur d'académie". Les échanges font également apparaître qu'à l'époque, aucune suspension à titre conservatoire, en attendant une décision pénale, n'a été envisagée, déplore le rapport.
Un "acharnement" contre une lanceuse d'alerte
Dans l'avant-propos du rapport, Fatiha Keloua-Hachi déplore que "l'acharnement" vécu par Françoise Gullung, enseignante de mathématiques à Bétharram entre 1994 et 1996, quand elle a dénoncé ces violences, soit "encore légitimé par certains, et parmi eux François Bayrou lors de son audition". Durant cette période, cette témoin dit avoir alerté le ministre, par écrit puis à l'oral, des violences en vigueur dans l'établissement catholique. Mais devant la commission, le chef du gouvernement l'a accusée d'avoir "affabulé".
L'ancienne enseignante a relaté à la commission avoir été nommée, après ses signalements, en Charente-Maritime, où un religieux lui aurait alors expliqué qu'elle était là "pour venger" son ami, "le père Carricart", directeur de Notre-Dame de Bétharram jusqu'en 1993. "Preuve", selon François Bayrou, d'une "affabulation sous serment" de la témoin : "Madame Gullung ne peut pas connaître Carricart", car il est parti "depuis des années au moment où elle est recrutée dans l'établissement". "Le père Carricart, certes, n'était plus directeur (...), mais il était encore très présent" à Bétharram, lui a rétorqué la députée Violette Spillebout.
Une justification sur sa gifle donnée à un enfant qui ne passe pas
Le rapport pointe également "des résistances persistantes à l'interdiction des châtiments corporels". Selon ce document, l'"idée que, s'agissant des enfants, les violences peuvent être tolérées au
nom d'un droit – voire d'un devoir – de correction, transparaissait également dans les propos tenus par François Bayrou", interrogé par la commission sur sa gifle donnée à un jeune garçon à Strasbourg en 2002. "Ce n'était pas du tout une claque violente : c'était une tape, en effet, de père de famille. (...) Pour moi, ça n'est pas de la violence", s'est défendu le Premier ministre lors de cette audition.
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