Reportage "Parfois, je ne trouve pas le bon mot" : les professeurs formés à l'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle

La mise en place de ces programmes Evars dans les classes fait partie des nouveautés de cette année scolaire.

Article rédigé par Noémie Bonnin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Une formation des enseignants aux programmes d'Éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle au lycée Vauquelin à Paris. (NOÉMIE BONNIN / RADIOFRANCE)
Une formation des enseignants aux programmes d'Éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle au lycée Vauquelin à Paris. (NOÉMIE BONNIN / RADIOFRANCE)

Les nouveaux programmes d'Education à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) sont officiellement entrés en vigueur depuis septembre 2025. Ils viennent préciser le contenu des trois séances annuelles imposées par une loi de 2001, mais jusqu'alors peu effectives dans les faits – moins de 15% des élèves en bénéficiaient selon le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Pour informer et accompagner les enseignants, face à leurs élèves, des formations sont proposées par les rectorats.

Pour l'instant très peu de personnels ont pu la suivre, on n'en est qu'au début. Mais des sessions sont par exemple organisées au lycée Vauquelin, à Paris. La formatrice, Isabelle Fride commence la session avec un message : "On reste dans des échanges avec bienveillance. Vous n'allez pas forcément être d'accord, mais on va échanger sur nos points de vue", établit-elle d'emblée. Rapidement, elle passe par plusieurs jeux pour apporter des connaissances aux professeurs de lycée comme un quiz.

Une formation des enseignantes et enseignants aux programmes d'Éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle au lycée Vauquelin à Paris. (NOÉMIE BONNIN / RADIOFRANCE)
Une formation des enseignantes et enseignants aux programmes d'Éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle au lycée Vauquelin à Paris. (NOÉMIE BONNIN / RADIOFRANCE)

Pendant ces trois journées de formation, l'enseignante encourage ses collègues à mettre à distance leurs propres représentations, ce qui n'est pas toujours facile. Alexandra Becker est professeur de SVT, Sciences de la vie et de la Terre. Elle a déjà animé des séances d'éducation à la sexualité, mais là, le nouveau programme est plus large : "On a travaillé par exemple sur le préservatif. J'ai tout de suite vu l'aspect biologique, contraception, mais j'avais un peu omis l'aspect social et légal. Comment on a accès aux préservatifs quand on est mineure", par exemple, témoigne la professeure. "Et puis le côté aussi émotionnel sur l'utilisation pour la première fois d'un préservatif".

"Les jeunes s'en saisissent ou pas, mais au moins on a explicité"

Cette séquence est aussi l'occasion de revenir sur les normes sociales et ce que dit la loi. "Nous en tant qu'enseignant, il faut aussi qu'on sache qu'on imprègne nos élèves par nos gestes professionnels, rappelle Isabelle Fride, la formatrice. Dans notre société, les petites filles et les petits garçons ne sont pas sociabilisés de la même manière, ça s'appelle la socialisation différentielle, il faut en avoir conscience. Mais nous, on est là pour ouvrir l'espace des possibles. Il y a les normes familiales, les normes des pairs, mais nous on leur dit, ‘les valeurs républicaines sont comme ça'. On leur dit ce qui peut exister, ce qu'est la loi. Les jeunes s'en saisissent ou pas, mais au moins on a explicité. "

"Voir que d'autres personnes pensent différemment, que le groupe n'est pas homogène, ça ouvre le champ des possibles. On peut penser différemment."

Isabelle Fride, formatrice

à franceinfo

Toutes les questions sont posées sans gêne : "Comment serait qualifié un jeune qui en oblige un autre à l'embrasser ?", se demande une enseignante. La formatrice lui répond : "Alors s'il n'a pas demandé son consentement, on se retrouve dans une agression sexuelle."

Être mieux armé pour réagir face aux élèves

Elisanda Torres, participante, se sent confortée dans son rôle : "J'avais des connaissances, notamment biologiques, mais sur d'autres plans certains éléments me manquaient, j'avais besoin d'être aidée. Je me sentais un peu boiteuse." Cette formation lui apporte également plus de légitimité face aux parents : "Je fais travailler les élèves sur l'influence de la pornographie chez les adolescents et c'est déjà arrivé que ce soit mal compris par les parents, qui me demandent : 'Pourquoi vous insistez pour que nos élèves voient de la pornographie ?'", raconte la professeure. "Alors que c'était justement une étude des conséquences, de voir que c'est un réel problème."

Marianne Neveu, elle, enseigne l'espagnol. Elle explique qu'elle n'a encore jamais mené de séance Evars, mais qu'elle est régulièrement confrontée à des situations où elle est questionnée, interpelée sur ces sujets. Certains élèves se confient également à elle parfois, après avoir subi des choses difficiles. "Tous les ans, on est face à des enfants qui sont marqués, complètement en détresse, confie la professeure. Dans ma façon de réagir spontanément, parfois, je sens que je ne suis pas juste, que je ne trouve pas le bon mot."

"En classe, parfois, on entend des trucs... Il faut être au niveau"

Marianne Neveu, enseignante d'espagnol

à franceinfo

"Par ailleurs, il y a aussi l'élève qui, en cours, va balancer un élément provocateur. C'est arrivé la semaine dernière avec un propos homophobe, par exemple", poursuit l'enseignante. Elle estime qu'il est donc fondamental de connaître l'aspect juridique et législatif, et savoir l'exposer aux élèves. Grâce à ces formations, les enseignants se sentent mieux armés pour réagir face aux jeunes. Marianne Neveu se sent désormais prête à animer des séances Evars, à deux professeurs, comme le recommande le ministère. Ces nouveaux programmes sont pluridisciplinaires et peuvent être enseignés par des enseignants de différentes matières.

Ces formations ont du succès, la formatrice Isabelle Fride a d'ailleurs de plus en plus de demandes depuis le printemps, quand les nouveaux programmes ont été publiés, et s'en réjouit : "Les chefs d'établissement se ressaisissent beaucoup de la question et donc demandent beaucoup de formations en établissements, ce qui est une bonne chose."

Les professeurs formés à l'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle - Le reportage de Noémie Bonnin

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