Le Sénat rejette la proposition de loi visant à permettre aux anciens enfants maltraités de ne plus subvenir aux besoins de leurs parents âgés

Une proposition de loi, examinée jeudi au Sénat, visait à permettre à toute personne ayant subi des violences durant son enfance de se défaire de l'obligation alimentaire à l'égard de ses parents. Une mesure indispensable pour les victimes, rejetée par les sénateurs.

Article rédigé par Alain Gastal
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Photo d'illustration (THIERRY BOUGOT / MAXPPP)
Photo d'illustration (THIERRY BOUGOT / MAXPPP)

En finir avec l'obligation alimentaire et permettre aux enfants maltraités de ne pas subvenir aux besoins de leurs parents indignes quand ils sont âgés : une proposition de loi en ce sens était examinée jeudi 23 octobre au Sénat à l'initiative de Xavier Iacovelli, sénateur RDPI des Hauts-de-Seine. La proposition de loi, qui prévoyait que chaque personne majeure puisse, avant ses 30 ans, se défaire de cette obligation, a été rejetée par les sénateurs à une assez large majorité (200 voix contre, 134 pour).

Delphine, originaire du Nord, vient d'une famille nombreuse, recomposée. "Mes parents sont alcooliques, ils se frappaient dessus. Moi aussi, je me faisais frapper, raconte-t-elle. Une fois, ma mère m'a tapé la tête contre le radiateur. J'ai pris des coups de martinet pour tout et pour rien. Je me faisais insulter. Le but de ma vie c'était de partir", détaille la quadragénaire.

"Même pas dix euros pour cette femme"

Aujourd'hui, cette infirmière, maman d'une petite fille, a fait sa vie malgré les carences affectives de son enfance. Mais son histoire vient tout juste de la rattraper. Un juge aux affaires familiales la convoque dans quelques semaines pour lui faire payer une partie des frais d'Ehpad de sa mère maltraitante, aujourd'hui indigente. "Je ne voudrais même pas payer ne serait-ce que dix euros pour cette femme, s'indigne Delphine. Elle a pourri ma vie, elle ne mérite pas que je sacrifie ma fille, ses activités, nos vacances, etc", explique-t-elle.

Alicia est plus jeune. Elle aussi a été victime de violences lorsqu'elle était enfant. Elle souhaite prendre les devants pour éviter à tout prix de subvenir aux besoins de son père avec qui elle a coupé les ponts. "Quand j'avais 12 ans, j'ai appris que mon père avait violé ma demi-sœur. C'est une personne que j'ai sortie de ma vie, ce qu'il a fait est impardonnable", assure-t-elle.

"Ces gens-là se retrouvent totalement démunis"

La loi "bien vieillir" de 2024 prévoit déjà des dispenses d'obligation alimentaire, mais seulement en cas de féminicide, d'infanticide ou pour les enfants qui ont été abandonnés pendant plus de trois ans. Des conditions beaucoup trop restrictives, estime Alicia. "En ce qui concerne l'inceste, on a 20% des victimes qui parlent, qui portent plainte et seulement 1% des agresseurs sont condamnés, explique-t-elle. Ces gens-là se retrouvent totalement démunis et n'arrivent pas à prouver aux juges des affaires familiales qu'ils ont vécu des horreurs durant leur enfance. Ils doivent pouvoir se libérer de l'obligation alimentaire, sans preuve", assure la jeune femme.

La proposition prévoyait que toute personne, jusqu'à 30 ans, peut se défaire, devant un notaire, de l'obligation alimentaire à l'égard d'un de ses parents ou des deux. Le parent concerné peut contester la décision. C'est alors un juge qui est appelé à trancher.

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