"Je ne supporte pas que l'on dise que l'euthanasie, c'est tuer", explique Marina Carrère d'Encausse, qui présente un documentaire sur la fin de vie
France 5 diffuse, mardi 26 septembre à 21 heures, le documentaire "Fin de vie : pour que tu aies le choix", dans lequel la médecin et présentatrice suit le parcours de patients et de médecins confrontés à cette question très débattue.
C'est un sujet très personnel pour elle comme pour de nombreux Français. Marina Carrère d'Encausse présente un documentaire intitulé "Fin de vie : pour que tu aies le choix", réalisé par Magali Cotard et diffusé mardi 26 septembre à 21 heures, sur France 5. La médecin et animatrice de télévision est confrontée à cette question : son compagnon, Antoine, est atteint de la maladie de Charcot, et demande le droit de choisir sa mort. Marina Carrère d'Encausse a recueilli les témoignages de patients et de médecins, en France et ailleurs, confrontés à cette même problématique délicate, qui ne fait pas l'unanimité au sein de la société française. Alors que le projet de loi sur la fin de vie promis par Emmanuel Macron doit être débattu au Parlement l'année prochaine, la chroniqueuse revient pour franceinfo sur les raisons pour lesquelles elle s'est emparée de ce débat.
Franceinfo : Pourquoi avez-vous souhaité aborder ce sujet ?
Marina Carrère d'Encausse : Je m'interroge depuis longtemps sur les limites de la loi Claeys-Léonetti. J'en ai beaucoup parlé avec les médecins de soins palliatifs. Je voyais bien qu'il y avait des choses qui ne rentraient pas dans le cadre de cette loi, au regard des exemples que donnent certains pays étrangers. Je me posais des questions sur la façon dont on pouvait la faire évoluer. Lorsque le président de la République s'est engagé à modifier cette loi, puis à créer une convention citoyenne, je me suis dit que c'était vraiment le moment d'apporter aux gens des réponses aux questions qu'ils se posaient. L'objectif était d'être le plus didactique possible, afin que les gens aient les moyens de réfléchir à ce qu'ils voulaient pour leur fin de vie ou pour celle de leurs proches, qu'ils aient les informations nécessaires, car c'est un sujet que l'on connaît très mal.
Qu'attendez-vous du prochain projet de loi sur la fin de vie ?
J'attends qu'il fasse avancer les choses. La raison pour laquelle cette loi est difficile à faire, c'est qu'en France, on a toujours tendance à opposer les soins palliatifs à l'euthanasie ou au suicide assisté. Certains pensent que si on fait évoluer la loi, on arrêtera de s'occuper des soins palliatifs. C'est aberrant : 98% des patients en fin de vie relèvent des soins palliatifs et de la sédation profonde et continue.
Il faut donc multiplier les moyens donnés aux soins palliatifs. Favoriser ces soins à domicile pour ceux qui le souhaitent. Il faut davantage informer, également, sur ce que sont la sédation profonde et continue et les directives anticipées. Mon but, si la loi évolue, est qu'une personne qui entrerait dans le cadre de cette nouvelle loi ne soit pas obligée d'aller à l'étranger afin de bénéficier d'une fin de vie digne de ce nom. Je ne trouve pas cela admissible.
Pourquoi ce sujet est-il si difficile à aborder en France ?
Il y a une peur des dérives, probablement. Il faudrait pourtant faire confiance aux médecins, qui souhaitent accompagner leurs patients jusqu'au bout. C'est vrai que les médecins de soins palliatifs se battent, car ils craignent que cela nuise aux soins palliatifs, et je les comprends. En France, nous sommes de toute façon plutôt dans l'idée de développer au maximum les soins palliatifs pour la majorité des patients. Les autres méthodes demeureront certainement marginales. Mais, surtout, je constate qu'en France, on a un vrai problème avec la mort. On a du mal à s'y confronter, à mettre des mots dessus, à dire les choses, à la montrer. Je ne vois pas pourquoi nous avons ce tabou avec la mort.
Vous comprenez les soignants qui refusent de pratiquer l'euthanasie ?
Oui, bien sûr, cela me paraît mille fois audible, et il faut surtout les respecter. Si la loi passe, il faudra une clause de double conscience. Ainsi, aucun médecin ne sera obligé de pratiquer un geste d'euthanasie. Mais il devra, dans ce cas, envoyer le patient à un confrère. Si l'euthanasie est dépénalisée, cela va représenter environ 3% des fins de vie en France.
Aujourd'hui, on entend beaucoup les médecins qui sont contre l'euthanasie, et moins ceux qui y sont favorables. Il y a d'ailleurs déjà des médecins qui effectuent des euthanasies clandestines pour leurs patients qui sont dans une fin de vie absolument insupportable. Ils font cela de manière isolée et totalement illégale. Mais il y aura sans nul doute suffisamment de médecins pour les quelques centaines de patients qui seront dans le cadre de cette loi-là.
Auriez-vous, vous-même, recours à l'euthanasie si vous étiez malade ?
J’ai écrit mes directives anticipées. Il n'y a qu'environ 15% des Français de plus de 50 ans qui les ont écrites. C'est un chiffre ridicule. Alors que c'est une arme extraordinaire, qui permet de dire ce que l'on veut et ce que l'on ne veut pas en fin de vie, et à laquelle les médecins ne peuvent pas s'opposer. Ces directives font partie de la loi Claeys-Léonetti. Les Français ne le font pas, car ils ne sont pas informés. Si ce documentaire pouvait justement les éclairer sur les moyens dont ils disposent au travers de la loi existante, ce serait déjà énorme. C'est un outil important pour le médecin, afin qu'il ne puisse pas émettre sa propre opinion, mais écouter celle du patient. C'est essentiel.
En tant que médecin, seriez-vous capable d'aider un patient à mourir ?
Oui, je le pense. J'ai vu mourir des proches de façon vraiment indigne. Je serais capable de soulager des patients. Car c'est cela le sujet : soulager. Je ne supporte pas que l'on dise que l'euthanasie, c'est tuer. On oppose toujours la sédation profonde et continue à l'euthanasie, mais ce ne sont pas les mêmes pratiques, pas les mêmes produits. Pour autant, je ne vois pas de différence entre ces deux actes. Dans les deux cas, ce n'est pas tuer. C'est soulager, apaiser et apporter une solution.
Le documentaire "Fin de vie : pour que tu aies le choix", réalisé par Magali Cotard et incarné par Marina Carrère d'Encausse, est diffusé mardi 26 septembre à 21 heures, sur France 5.
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