Violences conjugales : "Légiférer" sur le contrôle coercitif "permettrait une meilleure connaissance du phénomène", défend une avocate
Les sénateurs, en commission des lois, ont proposé d'intégrer le contrôle coercitif à la loi qui existe déjà sur le harcèlement sur conjoint, avec des peines entre cinq et dix ans de prison.
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Le "contrôle coercitif", mécanisme de domination observé dans le cadre des violences conjugales, est débattu au Sénat, jeudi 3 avril. Il devait faire l'objet d'une nouvelle infraction à part entière dans le cadre de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Mais depuis, le texte a été largement modifié par le Sénat. Les sénateurs, en commission des lois, ont proposé d'intégrer le contrôle coercitif à la loi qui existe déjà sur le harcèlement sur conjoint, avec des peines entre cinq et dix ans de prison.
"Si on légiférait sur le contrôle coercitif, ce serait une mesure qui permettrait une meilleure connaissance du phénomène et qui permettrait donc aux femmes victimes de s'en rendre compte beaucoup plus tôt", a défendu Pauline Rongier, avocate pénaliste engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants, jeudi 3 avril, sur franceinfo. "Le contrôle coercitif est une séquestration immatérielle, et il faut impérativement le pénaliser."
franceinfo : Concrètement, comment on se rend compte qu'on est sous contrôle coercitif ?
Pauline Rongier : Les clientes qui viennent dans mon cabinet et qui me parlent de contrôle coercitif s'en rendent compte malheureusement très tard, au moment où elles ont été vidées un peu de leurs ressources, de leurs ressources économiques, d'énergie, de confiance en soi, d'estime… Et je pense effectivement que si le contrôle coercitif était incriminé, si on légiférait dessus, ça permettrait une meilleure connaissance du phénomène et ça permettrait donc aux femmes victimes de s'en rendre compte beaucoup plus tôt.
Alors, pour qu'on comprenne bien ce que c'est, le contrôle coercitif, c'est une liste d'actes concrets qui montrent une emprise ?
C'est un ensemble de violences de toutes sortes. Ça peut être des violences physiques, psychologiques, financières, de l'exploitation, de l'humiliation, une manipulation qui est exercée de manière répétée, etc. Tout cela exercé par l'auteur dans le but d'établir et de maintenir une domination sur la victime. C'est vraiment une prise de contrôle du quotidien de la victime.
Est-ce qu'il faut une accumulation ? Peut-être que certaines personnes peuvent se dire qu'il est totalement normal de pouvoir avoir accès au téléphone de son conjoint. Est-ce que ça, c'est déjà un contrôle coercitif ?
Alors si c'est de manière continue, répétée, associée à d'autres éléments de contrôle, oui, c'est du contrôle coercitif. Ce qui est intéressant avec le contrôle coercitif, ce qui vraiment fait qu'il faut légiférer dessus, c'est que justement on se base sur des éléments matériels, sur des éléments concrets qui sont centrés sur l'auteur et pas sur la victime, comme c'est le cas de l'emprise. Et souvent, les victimes, quand elles sont dans mon bureau, je me rends compte que ce ne sont pas les coups qu'elles ont reçus qui les ont le plus marquées, mais c'est l'état dans lequel ça les a mises. Et c'est ce but-là que l'auteur poursuivait en leur infligeant les coups.
Donc faire entrer dans le code le contrôle coercitif dans le Code pénal, selon vous, c'est aussi une façon pour la justice de repérer plus facilement les situations à risque pour ces femmes avant que ça n'évolue dans des sphères plus dramatiques, à savoir les violences conjugales physiques, voire le féminicide ?
Exactement, c'est un moyen de détection des situations de violence grave. On ne peut aujourd'hui pas se passer de prendre en compte cette notion que l'on connaît et de légiférer dessus. Il en va de notre responsabilité. On se rend compte en fait dans chaque dossier de féminicide qu'il y avait un contrôle coercitif pendant plusieurs années. Et les juges d'ailleurs se basent dessus aux audiences, aux procès criminels, aux audiences d'assises. Les magistrats s'attardent sur tous les messages quotidiens que la victime recevait, sur le fait qu'elle n'avait pas le droit de s'habiller comme elle le souhaitait, sur tous ces éléments. Et finalement, c'est dommage de s'en servir a posteriori pour caractériser l'état de violence continue dans lequel était la victime, plutôt que de s'en servir a priori, de légiférer dessus et d'en faire une infraction. C'est comme si l'infraction de séquestration n'existait pas et qu'on disait : "Attendez, Madame, oui il vous a séquestré pendant un mois, mais il ne vous a pas violée, il ne vous a pas tapé. Ce n'est pas grave !". Non ! La séquestration, c'est puni plus sévèrement que le viol, c'est puni plus sévèrement que les coups. Eh bien là, c'est la même chose. Le contrôle coercitif est une séquestration immatérielle, et il faut impérativement le pénaliser.
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