Vidéo "Je ne suis pas d'un milieu aisé, le fait de représenter la France était hyper fort..." Un an après les JO de Paris, la DJ Barbara Butch ouvre la boîte à souvenirs

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Article rédigé par Cédric Cousseau - Sasha Morsli Gauthier
France Télévisions

L'été dernier, sa playlist a fait danser les téléspectateurs du monde entier et enflammé le dancefloor de la cérémonie d'ouverture des Jeux de Paris 2024. L'artiste parisienne n'a pas oublié ce moment et appelle chacun, qu'importe son âge et ses origines, à croire en ses rêves.

"Oh waouh, c'est la première fois que je reviens sur cette passerelle..." Sur la passerelle Debilly, près de la tour Eiffel, à Paris, l'émotion étreint Barbara Butch et les souvenirs reviennent. La DJ avait investi l'endroit avec danseurs et dragqueens pour un show de 45 minutes lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris, le 26 juillet 2024.

Une fête pour laquelle elle conviait la planète entière. Lorsqu'elle appuie sur play, vers 21h30, sa playlist enchaîne Sheila, Johnny Hallyday, Diam's, Justice, DJ Mehdi... Tout le panthéon de la musique française rayonnait, éclairant la capitale plongée dans la nuit et submergée par les trombes d'eau. Elle revient, pour franceinfo, sur cette soirée inoubliable.

Franceinfo : Que ressentez-vous en revenant sur cette passerelle ?

Barbara Butch : Je n'étais jamais revenue et il y a un peu tout qui ressurgit : le cœur qui bat avant d'entrer en scène, le monde qui s'agite autour de moi. Je me demandais également si le public allait adhérer à ma playlist, j'avais beaucoup travaillé dessus. Mais je n'avais pas le trac que j'ai d'habitude, j'étais hyper détendue, je savais que j'étais à ma place, entourée de personnes merveilleuses. Ça m'émeut d'être à nouveau ici, car il y a aussi eu le cyber-harcèlement, toutes les réactions négatives sur les réseaux sociaux. Mais là, c'est comme si je revenais dans l'émotion positive de l'instant, ça me fait vraiment du bien. Je pense que ça répare quelque chose qui m'a été volé par les personnes réac d'un peu partout dans le monde.

Barbara Butch lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques (CIO)
Barbara Butch lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques (CIO)

Quels souvenirs vous reviennent de votre prestation ?

Quand je me suis mise derrière les platines, en voyant la tour Eiffel derrière moi, j'ai repensé à toute mon histoire familiale. J'ai grandi tout près d'ici. J'ai un papa marocain, qui est arrivé à l'âge de 25 ans, il voulait habiter à côté de la tour Eiffel. On vivait dans un 30 m² à quatre. Je ne suis pas issue d'un milieu aisé, j'ai toujours galéré et le fait d'en arriver là, de représenter la France, j'ai alors ressenti une émotion hyper forte. C'était un cadeau de figurer dans un tableau qui représentait la diversité, d'être avec des membres de la communauté LGBT, avec des personnes non-valides, des danseurs de bourrée auvergnate, de voguing ou de krump. Il n'y avait plus de barrières sociales, de genre, d'origine.

Je retiens qu'il est possible d'être fier d'être Français et qu'il n'y a pas de honte à participer à un événement populaire. Il est important que l'on s'unisse autour des valeurs du sport, de la danse, de la fête et de profiter de ces moments de liesse parce qu'ils sont de plus en plus rares. En tout cas, moi, ça me donnerait envie de revenir à nouveau et de mixer en live.

"On ne va pas se mentir, la cérémonie n'était pas en live. La seule à avoir chanté en live, c'est Céline Dion."

Barbara Butch, DJ

à franceinfo

C'est normal, il s'agit d'un événement diffusé dans plus de 200 pays et on n'a donc pas le droit à l'erreur, tout est chronométré, millimétré. 

Est-ce que l'on vous parle encore de ce moment ?

C'est marrant parce que je pensais sincèrement que j'allais être insignifiante dans cette cérémonie. Je me disais : "La cérémonie dure quatre heures, il y a tellement d'artistes et on est tellement nombreux que je vais passer inaperçue, il n'y a que moi qui saurais que j'étais là." Et pas du tout. Encore hier, une personne m'a arrêté dans la rue pour me dire que c'était génial, que ça lui avait procuré beaucoup de bonheur. Tous les jours, des gens de tous âges me disent qu'ils sont contents d'avoir été représentés. C'était inédit de voir autant de personnes "queer" sur une scène comme celle-ci. Et un an plus tard, les gens écoutent toujours la playlist des JO pour ce remémorer cette joie, moi-même il m'arrive de le faire...

Qu'est-ce que les Jeux ont changé dans votre carrière ?

Je vais me lancer dans de nouvelles productions qui me permettront, peut-être, de m'ouvrir sur une scène plus internationale. J'ai aussi des demandes pour organiser des évènements dans de nombreuses villes et dans des lieux improbables. Après les JO, j'ai mixé devant la cathédrale de Rouen, c'était un moment extraordinaire. Je vais partir à Houston, aux États-Unis, pour mixer à l'Institut français pour le 14-juillet. Je prépare des bals au Petit Palais qui auront lieu en septembre. Il y aura aussi des soirées à l'Opéra de Montpellier. La musique rassemble et mon projet c'est de continuer à faire danser les gens. J'aimerais tellement me balader avec un van et des platines dans les petits villages. 

Cette cérémonie d'ouverture vous a confirmé la puissance de la musique ?

Cet événement m'a rassurée sur le fait que l'on pouvait faire la fête tous ensemble. On n'aime pas les gens quand on ne les connaît pas. Et quand on apprend à faire connaissance, on commence à s'apprécier, à se poser des questions et à changer de point de vue : "Ah ouais, moi j'étais homophobe, mais j'ai rencontré untel et il est super sympa." Le dancefloor est un super moyen de faire des rencontres. C'est pour ça que j'aime bien aller dans des villes et faire des fêtes gratuites sur des places, par exemple.

"Je sais que ça va faire venir un public très éclectique et que certains vont se rendre compte qu'ils peuvent danser à côté d'une dragqueen, alors qu'ils pensaient les détester."

Barbara Butch, DJ

à franceinfo

J'essaie d'utiliser à bon escient l'impact que j'ai aujourd'hui parce que je suis plus connue.

Et puis vous avez aussi été nommée au grade de chevalière de l'ordre des Arts et des Lettres en février.

Ça représente quelque chose d'incroyable. On m'a toujours dit : "Tu n'es pas assez ceci, tu es beaucoup trop cela, trop vieille, trop grosse, trop lesbienne, trop politique, on ne sait pas trop où te ranger..." Recevoir cette distinction me fait dire : "Je suis peut-être tout ce que vous dites, mais en attendant, je suis là et j'ai reçu cette récompense." J'ai envie de donner de l'espoir à ceux qui pensent qu'il est impossible de faire tout ça. Regardez-moi, même après 40 ans, j'arrive encore à réaliser des rêves.

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