"Que l’histoire se raconte autrement" : à Paris, une association présente un projet de mémorial en hommage aux femmes décédées d'un avortement clandestin

Des défilés ont lieu partout en France dimanche pour la journée mondiale pour le droit à l'avortement. En parallèle, une association présente à Paris son projet d’édification d’un mémorial, en présence du prix Nobel de littérature 2022, Annie Ernaux.

Article rédigé par franceinfo
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Manifestation pour la liberté des femmes à disposer de leur corps (photo d'illustration). (BORIS HORVAT / AFP)
Manifestation pour la liberté des femmes à disposer de leur corps (photo d'illustration). (BORIS HORVAT / AFP)

Elles n'ont pas de nom, pas de visage. On ne sait même pas exactement combien elles sont. Elles sont mortes avant la loi Veil en 1974, quand la loi faisait de l'avortement un crime, officiellement décédées de septicémie, d'une péritonite, voire du tétanos. Des fantômes dont on ne connaît quasiment jamais l'histoire.

La réalisatrice Mariana Otero, qui préside l'association Aux avortées inconnues, fondée il y a quelques mois, porte le projet de leur ériger un monument dans Paris. Elle le présentera dimanche 28 septembre à 17 heures à la Maison de la poésie à Paris, à l'occasion de la journée mondiale pour le droit à l'avortement.

"Ces femmes, ce sont des combattantes, des femmes qui voulaient choisir leur vie, gagner leur liberté. C’est beaucoup plus noble que de dire ‘ce sont des victimes'."

Mariana Otero, réalisatrice

à franceinfo

"C’est faire en sorte que l’histoire se raconte autrement et ce monument va permettre ça", estime la réalistrice.

Mariana Otero a beaucoup hésité avant d'oser raconter en 2023 dans un documentaire, Histoire d'un secret, l'expérience de sa propre mère, la peintre Clothilde Vauthier, morte en 1968 d'une prétendue péritonite. "J’avais 30 ans quand mon père nous a raconté la vérité, c’est-à-dire presque 25 après son décès, se souvient-elle. Il ne trouvait jamais le moment pour nous le dire. Toute une partie de la famille ne savait pas et lui ne savait pas comment nous le raconter".

L'ambition de ce monument n'est donc pas de rappeler un moment d'histoire, mais de faire en sorte que l'Histoire commence -enfin- à s'écrire, explique la juriste Stéphanie Hennette-Vauchez, spécialiste des droits fondamentaux. D'où l'idée d'un site internet. "Commencer à faire un recueil de mémoires, explique la juriste, pour ensuite, y compris de manière scientifique, avec des historiennes, faire un authentique travail de mémoire sur la base de ce qu’on va pouvoir initier comme récolte de témoignages, qui n’existe pas à l’heure actuelle".

Soutenir les luttes quand le droit à l'avortement recule

Aux États-Unis, en 2022, l'avortement est redevenu un crime dans une douzaine d'États américains. Depuis l'an dernier, en Italie, les militants anti-IVG ont le droit de manifester dans les cliniques pour faire pression sur les femmes. En Pologne, l'avortement n'est autorisé que si la santé de la mère est gravement en danger, ou si la grossesse résulte d'un viol. Selon Médecins du monde, une femme meurt toutes les 9 minutes, quelque part sur terre, des suites d'un avortement clandestin.

Cette histoire reste malheureusement contemporaine, déplore l'universitaire. "Tous les messages sur ce que signifie, et ce qu’a signifié historiquement, la répression pénale de l’interruption volontaire de grossesse, mérite véritablement d’être portée aujourd’hui", défend Stéphanie Hennette-Vauchez. En juin dernier, le conseil de Paris a adopté un vœu pour que ce mémorial existe. S'il voyait le jour, ce serait le tout premier au monde.

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