"On me traite comme si j'étais un pestiféré" : Kamel Daoudi, plus ancien assigné à résidence de France, à nouveau devant la justice
Cela fait 13 ans que Kamel Daoudi n'a pour tout horizon que les limites de la ville où la justice lui a ordonné de s'installer. La justice se penche sur son cas mercredi.
C'est le rituel, deux fois par jour, Kamel Daoudi va pointer au commissariat d'Aurillac, dans le Cantal, à 10 heures et 17 heures : "Je le fais tous les jours depuis presque 13 ans. Je ne dois pas être loin des 14 000 pointages, maintenant." À 46 ans, il détient un double record dont il se serait bien passé : celui du nombre de pointages au commissariat et le record du nombre d'années en étant assigné à résidence.
En 2005, le Franco-Algérien a été condamné en appel à six ans de prison pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" et déchu de sa nationalité française. Considéré comme proche d'Al-Qaïda, il était soupçonné d'avoir préparé un attentat contre l'ambassade des États-Unis, à Paris. Même s'il a purgé sa peine, Kamel Daoudi reste donc assigné à résidence depuis 2008, interdiction pour lui de quitter Aurillac. La cour d'appel de Riom examine son cas mercredi 17 avril.
Au gré des décisions de justice, Kamel Daoudi a parcouru la France : la Creuse, la Haute-Marne, la Charente-Maritime et le Tarn, avant le Cantal, depuis deux ans. "Quand le ministère de l'Intérieur estime que je suis trop ancré dans la commune où il m'assigne à résidence, il modifie mon lieu d'assignation, c'est systématique. Demain, si l'État français décide de m'envoyer aux îles Kerguelen, c'est tout à fait possible."
"Je ne suis jamais resté plus de deux ans dans le même lieu."
Kamel Daoudià franceinfo
Dans sa petite maison de la périphérie de la ville, l'équipement est sommaire : une table, un canapé, un lit et quelques vêtements, un ordinateur, un téléphone. "J'ai une maison quasiment vide", décrit le quadragénaire, ses affaires tiennent dans une valise. "Je suis organisé de façon à pouvoir prendre tous mes effets personnels en une demi-heure. Par exemple, j'achète des habits qui sèchent rapidement. C'est un peu comme si j'étais en camping depuis 13 ans."
L'homme a donc purgé sa peine depuis 2008. Interdit de territoire français, mais pas expulsable en Algérie, où sa sécurité serait menacée. Kamel Daoudi dénonce une assignation à perpétuité. "Cela fait treize années que je n'ai commis aucun délit. Je n'ai violé aucune loi. Je n'ai même pas fait l'objet d'une contravention. Mais on continue à me traiter comme si j'étais un pestiféré. Je sers simplement d'outil de communication pour dire 'dormez bien, braves gens, on fait ce qu'il faut pour lutter contre le terrorisme'."
"J'espère de tout mon cœur, même si c'est à 80 ans, 90 ans, qu'un jour, on sera libres."
Sandra, la compagne de Kamel Daoudià franceinfo
Le week-end, souvent, sa femme Sandra fait quatre heures de route avec les trois enfants pour le retrouver. Mais au bout de 13 ans de cette vie, la lassitude gagne. "S'il y a des personnes du ministère de l'Intérieur qui m'écoutent, c'est un challenge. Je ne lâcherai pas. Dans tout ce qu'on vit, il n'y a aucun sens. Il faut contrôler sa colère et son impatience, contrôler le manque, ça demande beaucoup d'énergie." Kamel Daoudi et son épouse rêvent de vivre ensemble, d'aller voir la mer, la montagne, de prendre le train. Des plaisirs simples, mais aujourd'hui inaccessibles.
"Devenu un symbole"
"À chaque fois qu'il y a un attentat, vous pouvez être certain que l'on va regarder où il était, s'il avait respecté ou pas l'assignation à résidence, explique pour sa part l'avocat de Kamel Daoudi, Emmanuel Daoud. Je pense que cet homme, même si on ne l'avouera jamais du côté du ministère de l'Intérieur, fait l'objet d'écoutes administratives téléphoniques constantes. Je pense que ses mails, y compris ses mails avec ses avocats, sont lus."
"C'est l'un des hommes les plus surveillés de France et ça en devient ridicule."
Emmanuel Daoud, avocat de Kamel Daoudià franceinfo
Pour l'avocat, Kamel Daoudi est victime d'un acharnement judiciaire. Il estime que cela fait bien longtemps que son client ne représente plus de danger pour la société : "Je crois qu'il est devenu un symbole et que le ministère de l'Intérieur joue sur cette corde de l'hystérie sécuritaire, la corde de la peur du renouvellement d'attentats. Je suis habitant de ce pays, je veux vivre en sécurité, mais dire que monsieur Kamel Daoudi serait l'incarnation de ces dangers terroristes, alors qu'il n'a rien à se reprocher, qu'il n'a pas fait le moindre écart depuis des années, c'est jouer à faire peur aux gens, c'est chercher à intimider la justice et surtout à l'instrumentaliser."
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