"On n’a pas mis au monde des terroristes, on doit être considérés comme des victimes !"
Ils s’appellent Dominique, Valérie, Francis ou Marie. Ils ont tous un fils ou une fille, parti(e) en Syrie, soudainement. Certains ont appris par SMS que leurs enfants étaient morts là-bas. Tous sont aujourd’hui unis dans un même combat : stopper les départs pour le djihad, et préparer un retour moins répressif. Ils sont venus délivrer leur message, hier, au Ministre de l’Intérieur.
Cela faisait des semaines que Dominique Bons, petit bout de femme aux grands yeux bleus et à l’accent chantant de Toulouse, espérait ce rendez-vous, au ministère de l’Intérieur, avec Bernard Cazeneuve. Il était important pour elle de parler directement au ministre qui a lancé l’an dernier le numéro vert - le 0800 005 696 -, pour prévenir les départs sur une terre de djihad.
Essentiel de voir comment continuer à avancer, pour une meilleure prévention, alors que les chiffres des départs en Syrie ou en Irak ne cessent d’enfler semaine après semaine. Le gouvernement estime qu’il y a désormais 1.400 Français liés à cette filière irako-syrienne, environ 400 seraient actuellement sur place, dans les rangs de l’organisation Etat Islamique ou de Jabat Al Nosra.
C’est au combat que le fils de Dominique est mort. Nicolas avait 29 ans. Dominique a appris sa mort par SMS aux premiers jours de janvier 2014. Nicolas était parti avec son demi-frère Jean-Daniel, 21 ans, mort lui aussi en Syrie. Pour surmonter son chagrin, Dominique Bons a créé une association, "Syrien ne bouge, agissons". Autour de son association, des parents se sont unis, soudés, et ils se serrent aujourd’hui les coudes, dans leur douleur.
Valérie, Francis, Marie ou Nadia se sont tous retrouvés hier mardi, aux côtés de Dominique Bons, pour se rendre place Beauvau. Ils sont venus avec ce premier message : "On n’a pas mis au monde des terroristes !" . Ils aimeraient être reconnus comme de réelles victimes, alors que dans la plupart des cas, leur enfant a quitté le domicile familial du jour au lendemain, sans même un mot d’au revoir, sans même un signe qui aurait pu éveiller des soupçons. Souvent, ils n’ont pas remarqué la radicalisation de leur enfant.
En stage, en burqa
Ainsi, Valérie raconte que sa fille n’a jamais montré le moindre signe de sa conversion à l’islam. Et sa radicalisation a aussi été imperceptible. La fille de Valérie avait 17 ans quand elle est partie, subitement, pour suivre son amoureux. A l’époque, la jeune fille était en stage, et chaque matin, elle arrivait à son stage en burqa, ce que ses parents ignoraient totalement. Quand ils l’ont appris, en se renseignant auprès du centre de stage, il était trop tard, leur enfant était partie, et avait franchi la frontière syrienne. Valérie regrette avec amertume que la tutrice du stage ne lui ait jamais passé le moindre coup de téléphone. "Ce n’était pas de la délation, c’est pour sauver des enfants" . Aujourd’hui, elle veut crier ce message à tous : "le départ de son enfant en Syrie, ça peut arriver à tout le monde" .
Marie et Francis, eux non plus, ne se sont pas aperçus de la radicalisation de leur enfant, Félix, qui avait plutôt le tempérament d’un "altermondialiste qui se posait beaucoup de questions" , disent-ils. Au fil de ses questionnements, Félix avait choisi de se convertir à l’islam, deux ans avant son départ pour la Syrie. Il ne l’avait pas caché à ses parents. Le dialogue n’avait jamais été rompu. Félix se serait ensuite radicalisé en quelques mois, très discrètement. Il est parti en septembre dernier, à l’âge de 22 ans. Depuis, il envoie des messages réguliers à ses parents. Pour prendre de leurs nouvelles, ou leur adresser des sourates du Coran.
Peur de rentrer
"Il a peur de rentrer" , assure Marie, sa maman, qui comme tous les autres parents, aimerait que la case prison ne soit pas systématique au retour de tous ces jeunes qui sont partis faire le djihad. "On a conscience que l’Etat a une posture d’autorité à avoir, parce qu’effectivement, quand des jeunes reviennent, il faut s’assurer qu’ils ne vont pas commettre des actes dangereux. On ne peut pas minimiser la situation. Mais n’oublions pas qu’il y a un travail de prévention qu’on fait en France pour empêcher les enfants de partir, mais qu’est-ce qu’on fait de ceux qui sont là-bas ? Il ne faut pas oublier que pour certains d’entre eux, ils sont en souffrance. Ils manifestent pour certains le désir de rentrer. Mais on ne leur offre aucune perspective. Ils sont en danger là-bas, car s’ils quittent les lieux, on les condamne, ils deviennent des traîtres, ils peuvent se faire tuer, et quand ils arrivent en France, c’est la prison qui les attend. Je ne pense pas qu’elle soit là, la solution. S’ils ont envie de rentrer, est-ce qu’on leur dit, crève là-bas ? Moi, en tant que maman, je ne peux pas accepter ça. Même si mon fils aujourd’hui n’a pas manifesté le désir de rentrer. Mais il a peur."
"Un terroriste n’agit pas comme nos jeunes, qui partent leur cœur grand ouvert en Syrie pour aider le peuple syrien" , estime Dominique Bons, qui insiste sur le fait qu’il faut différencier les jeunes. "Ils ne doivent pas tous être mis dans le même panier" , rappelait, ce lundi sur France Info, le juge antiterroriste Marc Trévidic.
"On est prêts à proposer notre aide, notre aide de parents, pour faire un travail en complémentarité avec l’Etat" , conclut Dominique Bons. Le ministre de l’Intérieur a promis aux familles de les revoir dans un mois.
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