Reportage "C'est une compétence obligatoire" : dans une enquête, des associations révèlent les difficultés des SDF à obtenir une domiciliation en Ile-de-France

Le collectif détaille dans son rapport les difficultés rencontrées par les personnes sans domicile fixe pour faire valoir ce droit, indispensable pour de nombreuses démarches administratives.

Article rédigé par Farida Nouar
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des tentes où vivent des SDF. (Illustration).  (VINCENT ISORE / MAXPPP)
Des tentes où vivent des SDF. (Illustration).  (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Un droit entravé, des maires dans "l'illégalité" concernant le droit à la domiciliation… C'est ce que révèle une enquête inédite dévoilée mardi 11 mars par un collectif d'associations, qui a recueilli des données auprès de 96 centres communaux d'action sociale (CCAS) franciliens sur 1265 existants.

Toutes les communes de 1 500 habitants et plus ont l'obligation d'avoir un CCAS. Son rôle est d'aider les familles et les personnes à faire valoir leurs droits sociaux, à constituer des demandes d'aides financières, les assister dans leurs démarches. Il peut aussi aider les plus vulnérables, sans domicile stable, à disposer d'une adresse administrative pour recevoir un courrier virtuel ou papier : c'est ce qu'on appelle la domiciliation. C'est un droit essentiel car, sans adresse, de nombreuses démarches administratives sont impossibles, comme demander une carte de séjour, une aide médicale ou encore ouvrir à un compte bancaire.

De nombreuses embûches

Le collectif dénonce un manque d'information, des pratiques restrictives, des comportements discriminatoires, un parcours semé d'embûches. Selon cette enquête, 44% des CCAS franciliens ciblés ne mentionnent pas l'existence d'un service de domiciliation sur leur site internet. Pour instruire les demandes de domiciliation, certains ajoutent des conditions extralégales, ou demandent des pièces justificatives qui ne sont pas nécessaires.

D'autres refusent aussi de reconnaître le lien qui prouve le rattachement d'une personne sans abri à la commune. Certaines personnes peuvent notamment expliquer être suivies dans un hôpital, mais la commune "ne va pas considérer que le suivi médical est suffisant pour prouver le lien de la personne", explique Marthe Chabrol, coordinatrice du Centre d'accueil, d'orientation et d'accompagnement de Médecins du Monde à Paris.

40% des CCAS refusent de domicilier des personnes en situation administrative irrégulières, dit aussi cette enquête. Ces pratiques ont des conséquences sur le quotidien de ces personnes, dénonce le collectif. Autre répercussion : refusées par les CCAS, les plus vulnérables se tournent vers les associations, qui doivent alors absorber ces flux supplémentaires en plus de leurs autres missions.

Manque de moyens ou volonté politique

Ces entraves peuvent s'expliquer par des problèmes budgétaires, des contraintes de ressources humaines. Mais aussi par des choix politiques : "Selon les CCAS, vous n'avez pas le même nombre d'agents territoriaux qui travaillent dans ce service public, et donc pas les mêmes moyens, explique Luc Carvounas, président de l'Union nationale des CCAS et maire d'Alfortville dans le Val-de-Marne. Or, aujourd'hui, la pauvreté ne cesse d'augmenter, et on le voit dans nos CCAS. Et puis, il y a des centres qui refusent, par idéologie politique, de domicilier des personnes qui y ont droit. C'est une compétence obligatoire !"

"Si les organisateurs de cette enquête ont des noms de communes qui ne font pas le job, ils doivent le dire au préfet", ajoute Luc Carvounas. L'Union appelle ainsi depuis des années l'Etat à renforcer le soutien financier des CCAS. Une demande portée également par le collectif, en conclusion de cette enquête.

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