Désir d'enfant en baisse, infertilité en hausse... Pourquoi les Français font-ils moins de bébés ?

Dans un avis, le Comité consultatif national d'éthique évoque plusieurs facteurs pour expliquer le déclin de la natalité en France.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un enfant de quatre mois à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), le 18 mars 2023. (ALINE MORCILLO / HANS LUCAS / AFP)
Un enfant de quatre mois à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), le 18 mars 2023. (ALINE MORCILLO / HANS LUCAS / AFP)

Le "réarmement démographique" que souhaite Emmanuel Macron semble loin. Le nombre de naissances chute depuis dix ans. En 2024, 663 000 bébés sont nés en France, d'après les données de l'Insee, soit un tiers de moins qu'en 1971. Quant à l'indicateur conjoncturel de fécondité – interprété comme le nombre d'enfants par femme si les conditions de fécondité de l'année en question restaient les mêmes –, il était de 1,62 enfant par femme en 2024, son plus bas historique.

"Le vieillissement accéléré de la population et la chute de la natalité questionnent notre modèle de société", estime le professeur Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), auprès de l'AFP. Pour autant, "il n'est pas question de dire qu'il faut faire des enfants", il faut respecter "l'autonomie" des personnes sur ce sujet. Le CCNE a tenté de comprendre les facteurs derrière cette baisse des naissances. Voici les conclusions de son avis, publié jeudi 3 avril. 

Parce que plus de femmes ne veulent pas d'enfants 

Le Comité consultatif national d'éthique pointe d'abord la hausse du "non-désir" d'enfant dans la société française. Il cite un sondage réalisé en 2022 par l'institut Ifop, qui révèle que 13% des femmes affirment ne pas vouloir d'enfant (contre 2,6% en 2006). "Ce désir de ne pas vouloir 'faire famille' paraît très symptomatique de la capacité croissante des Françaises à s'affranchir des injonctions à la parentalité et, plus largement, du modèle liant intrinsèquement féminité et maternité", interprétait à l'époque le sondeur François Kraus sur le site de l'institut.

Le Comité consultatif national d'éthique rappelle "l'évolution culturelle, en particulier les places des femmes dans la société" qui selon lui "joue un rôle déterminant dans les dynamiques de la natalité". L'accès à l'éducation et au marché du travail, le droit de vote et du recours à l'IVG ou l'usage simplifié de la contraception sont autant d'éléments qui "ont conduit à leur émancipation à bien des égards, notamment financière, relationnelle et sexuelle".

"Les rôles familiaux et sociaux [des femmes] ont évolué, et le mariage ainsi que la maternité ne sont plus des impératifs aujourd’hui, tels qu'ils l'étaient autrefois."

Le Comité consultatif national d'éthique

dans son avis

L'organe estime que la prise en compte du réchauffement climatique peut aussi renforcer ce choix. "Les uns parlent d'éco-responsabilité, les autres d'éco-anxiété, traduisant un double aspect : ne pas rajouter de pression humaine à la planète, d'autre part de ne pas faire naître d'enfants dans ce monde si inquiétant", écrit-t-il.

Parce que le contexte économique est défavorable

Il y a les personnes qui ne veulent pas d'enfant, mais aussi celles qui s'en empêchent pour des raisons économiques, selon le CCNE. Anne Solaz, économiste à l'Institut national d'études démographiques, expliquait à Sud-Ouest en 2024 que "quand on cherche les causes, ce qui arrive en tête concerne les incertitudes liées aux difficultés économiques et à l'inflation. Cela retarde forcément les projets de grossesse des couples". 

"Les difficultés actuellement rencontrées par de nombreux jeunes pour accéder à un emploi stable et suffisamment rémunéré pour disposer d'un logement compatible avec l'arrivée d'un enfant contribuent au renoncement ou au recul progressif des projets de parentalité", résume l'organe consultatif à partir de sondages de l'OCDE et d'analyses sociologiques.

Le Comité consultatif national d'éthique préconise donc de soutenir les personnes qui souhaitent avoir des enfants en renforçant les politiques publiques pour développer les modes de garde et améliorer l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle.

Parce que l'infertilité augmente pour plusieurs raisons

Des couples rencontrent aussi des "obstacles médicaux" pour avoir un enfant, rappelle le CCNE. D'après un rapport du ministère de la Santé publié en 2022, l'infertilité "touche directement 3,3 millions [de personnes] – un chiffre qui va croissant". Plusieurs éléments peuvent avoir un impact sur la fertilité, comme l'environnement, la santé générale et le mode de vie. Par exemple, l'obésité, la pollution et la présence de perturbateurs endocriniens dans un grand nombre de produits accessibles à la consommation sont des facteurs d'infertilité connus.

En plus des causes génétiques et hormonales, le recul de l'âge de la maternité explique également la baisse de la fertilité. "Alors qu'il était de 26,1 ans en 1975, il était de 31 en 2022 et 2023", souligne le Comité consultatif national d'éthique. Or, la fertilité des femmes décroît à partir 30 ans, et encore plus passé 35 ans. La recherche biomédicale doit donc être renforcée afin d'aller vers "une approche plus personnalisée de l'infertilité" et l'organe recommande également de "faciliter l'accès à l'autoconservation ovocytaire ou de sperme", tout en donnant "des moyens humains et matériels" aux centres pour pratiquer cette activité.

Parce que la PMA n'est pas toujours accessible

La procréation médicalement assistée est l'une des solutions prévues par la loi relative à la bioéthique française en cas de difficulté rencontrée pour avoir un enfant. Celle de 2021 est venue élargir l'accès à cette solution, "mais pour autant les moyens alloués et la capacité des centres n'ont pas augmenté, d'où la saturation actuelle de ceux-ci", pointe le Comité consultatif national d'éthique, précisant que "le nombre d'établissements autorisés est figé depuis plusieurs années".

L'organe aborde également les inégalités territoriales : "Il est nécessaire de s'interroger sur la nécessité d'encourager l'ouverture de nouveaux centres, notamment dans les zones les plus défavorisées." Mais le Comité consultatif national d'éthique nuance l'efficacité de la PMA, rappelant que ce n'est pas la solution magique : "L'accessibilité de la PMA pourrait n'avoir qu'un petit effet correcteur sur les taux de fécondité."

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