Les Philippines, l'eldorado de l'exploitation sexuelle et de la pédocriminalité en ligne

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min - vidéo : 4min
Article rédigé par France 2 - L. Berbey, G. Ramos, G. Baslé, A. Vedeilhé, J. Pilorge. Édité par l'agence 6Medias
France Télévisions

L'économie du sexe en ligne, c'est aussi l'explosion de la prostitution. Il n'a jamais été aussi facile de vendre son corps : il suffit aujourd'hui d'un téléphone et d'une connexion. Un phénomène planétaire qui donne lieu aux pires dérives. Reportage aux Philippines.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.

La journée, Ashley vend des sacs de seconde main dans ce bidonville de Manille, aux Philippines. La nuit, elle vend son corps sur Internet. "C'est important d'être jolie, parce que plus on est jolie, plus on gagne de l'argent", nous confie-t-elle alors qu'elle se prépare. Tout se passe en direct sur son téléphone portable.

Si un utilisateur de la plateforme est intéressé, il peut payer un appel privé et demander à la jeune femme de pratiquer des actes sexuels. "Il suffit d'avoir un téléphone et une connexion. C'est très facile de se lancer. On appuie sur quelques boutons et on gagne de l'argent. C'est aussi simple que ça", explique la jeune femme. Du porno en direct, face à des clients venus du monde entier. Ashley peut gagner jusqu'à 200 euros en une soirée, l'équivalent de son salaire mensuel de vendeuse.

"La plupart de mes clients sont anglais, certains, français. Lui, il vient des Émirats", précise-t-elle. "Bien sûr, ça ne me rend pas fière. J'ai honte de faire ça en tant que femme. Si je ne devais pas envoyer mes frères et sœurs à l'école, nourrir mon enfant ou payer les frais médicaux de mes parents, je ne ferais pas ça", nous confie-t-elle encore.

La pauvreté, une manne pour les criminels

Mais dans un pays où 15 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, cet argent facile donne lieu à de graves dérives. En octobre dernier, un Français a été jugé pour avoir commandité le viol d'enfants philippins avec la complicité de leurs parents. Il visionnait ces vidéos en direct contre rémunération. Le quinquagénaire aurait fait plus de 500 victimes, dont la plus jeune n'avait que 2 ans. Il a été condamné à 25 ans de réclusion. La police philippine travaille aujourd'hui à remonter la piste des enfants exploités.

"Nous avons reçu six signalements de la part de la police française", indique une agente. Depuis 2022, plus de 300 opérations de secours ont été menées. "La plupart du temps, ce sont les parents philippins qui organisent eux-mêmes l'exploitation et l'abus de leurs enfants en direct", nous explique Portia B. Manalad, cheffe du Centre de protection des femmes et des enfants.

Un refuge pour les enfants victimes d'abus sexuels

Dans la campagne philippine, un refuge accueille une soixantaine d'enfants qui ont subi des sévices sexuels de la part de leur famille. Beaucoup peinent encore à mettre des mots sur leur traumatisme, mais leurs dessins parlent d'eux-mêmes. Pendant plus d'un an, une fillette a été abusée par ses oncles en direct sur Internet pour des clients étrangers. "Ils me demandaient de me déshabiller et ils me donnaient un jouet en forme de sexe masculin. Ils me demandaient de le toucher. Ma famille disait que c'était pour payer la nourriture et pour réparer le toit de la maison", raconte-t-elle.

Le refuge a aussi recours à une thérapie dite de décharge émotionnelle. "Ces enfants ont grandi dans la peur. Ils ont été réduits au silence. On leur a appris à ne pas montrer leurs émotions. Donc cette thérapie les aide à s'exprimer", témoigne Rose-Marie Basence, thérapeute de l'établissement. D'ici la fin du mois, la petite fille devra témoigner au procès de ses agresseurs. Elle reste pour l'instant tapie dans un coin de la pièce, mutique.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.