Violences sexuelles dans l'Église : de la maladresse à la rétention d’informations, les manquements de 18 évêques actuellement en poste après des signalements

A quelques jours de l'assemblée plénière des évêques de France, France Inter a enquêté sur les affaires de violences sexuelles de chaque diocèse et a retracé le parcours de chaque évêque pour comprendre la manière dont chacun prend en compte les alertes qui remontent, accueille les témoignages ou accompagne les victimes.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un crucifix sur l'autel d'une église. Photo d'illustration. (JEAN-MARC LOOS / MAXPPP)
Un crucifix sur l'autel d'une église. Photo d'illustration. (JEAN-MARC LOOS / MAXPPP)

Après avoir reçu des signalements dénonçant des violences sexuelles de la part d'un ou plusieurs prêtres de leur diocèse, au moins 18 évêques n'ont pas apporté la réponse attendue par les victimes, selon le décompte effectué par France Inter dans une enquête publiée vendredi 28 mars, à quelques jours de l'assemblée plénière des évêques de France à Lourdes.  

Pour cette enquête, France Inter s'est plongé dans les affaires de violences sexuelles de chaque diocèse et a retracé le parcours de chaque évêque pour comprendre la manière dont chacun prend en compte les alertes qui remontent, accueille les témoignages ou accompagne les victimes. Les faits recensés vont de la maladresse à la rétention d'informations, en passant par l'inertie. On découvre que des victimes sont parfois malmenées lors d'entretiens à l'évêché, que certains évêques ne leur répondent jamais ou encore que d'autres vont les dissuader de porter plainte, voire laissent en place des prêtres pour lesquels des signalements ont pourtant été faits. 

Des dizaines de signalements classés sans suite

C'est le cas notamment de l'évêque d'Autun, Chalon-sur-Saône et Mâcon, Benoît Rivière, à qui il est notamment reproché de ne pas avoir agi après plusieurs signalements visant des prêtres de son diocèse. Des paroissiens témoignent avoir dû saisir eux-mêmes la justice ou la gendarmerie après des soupçons sur au moins trois prêtres, faute d'action de leur évêque. Deux abbés sont morts avant d'être inquiétés par la justice. Pour un troisième, contre lequel les parents d'une fillette ont fini par porter plainte en 2021, une enquête est ouverte. Selon Benoît Rivière, contacté pour cette enquête, des mesures conservatoires ont été prises à compter du 2 août 2024, et notamment l'interdiction d'intervenir dans une institution scolaire.  
 
Autre exemple, plusieurs signalements ont été effectués pour alerter sur le comportement d'un prêtre du diocèse d'Aix-et-Arles. Les premières alertes remontent aux débuts des années 2010 et une enquête préliminaire avait été ouverte en 2014. Elle avait été classée sans suite et les témoignages de prêtres, de paroissiens, de proches du diocèse avaient été balayés par l'évêque de l'époque, Mgr Dufour. Ce prêtre travaille aujourd'hui directement au contact de jeunes et est encore inscrit dans les nominations de 2024, signées de la main de l'évêque Christian Delarbre, arrivé en 2022.

La cellule d'écoute de son diocèse a été sollicitée à l'été 2023 par la présidente de l'association Ecclésia Johannis, une association d'aide aux victimes d'abus dans l'Église, inquiète du cas de ce prêtre qui exerce au quotidien auprès de mineurs. Elle n'a pas obtenu de réponse sur ce cas précis, mais un mail de la cellule d'écoute se conclut sous forme de menace : "Il est rappelé que toute allégation ayant le caractère d'une diffamation publique ou privée (...) est susceptible de poursuites et d'engagement de votre responsabilité pénale." Christian Delarbre n'a pas répondu à nos sollicitations.  

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