Reportage "Nous ne voulons pas dénaturer le paysage" : à Allauch, le maire lance une pétition pour s'opposer à la construction de logements sociaux

La ville dans la banlieue de Marseille, dans les Bouches-du-Rhône, est loin du quota de 25% de logements sociaux imposé par la loi SRU dans les agglomérations.

Article rédigé par franceinfo
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Le centre-ville d'Allauch, 22 000 habitants, ressemble à un village provençal typique, avec ses placettes et ses bâtiments bas, avril 2025. (THOMAS GIRAUDEAU / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Le centre-ville d'Allauch, 22 000 habitants, ressemble à un village provençal typique, avec ses placettes et ses bâtiments bas, avril 2025. (THOMAS GIRAUDEAU / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Près de Marseille, cette ville fait de la résistance face aux constructions de logements sociaux. Allauch, 22 000 habitants, dégage une atmosphère de village sur les hauteurs de la cité phocéenne. Son maire a lancé, mardi 8 avril, une pétition pour s'opposer à un arrêté du préfet, qui veut accélérer la construction de HLM sur une parcelle d'Allauch. Cette parcelle a déjà été préemptée.

La pétition a été signée par plusieurs milliers de personnes en seulement trois jours. Mais la ville est très loin du quota de 25% de logements sociaux imposé par la loi SRU dans les agglomérations. Sur place, les habitants sont plutôt contre la construction de logements sociaux, et surtout l'arrivée de nouveaux voisins.

"On paye un certain cadre de vie"

Il faut rouler une dizaine de kilomètres depuis le Vieux Port de Marseille pour atteindre Allauch. Le centre-ville est composé de rues étroites et pentues, bâties sur une des collines qui caractérisent le paysage provençal.

Dans un café en face de l'hôtel de ville et de l'église, le gérant, Jeff, 36 ans, a toujours vécu à Allauch : "On paye un certain cadre de vie, on ne veut pas qu'il soit détérioré par de grands bâtiments. Ici, il n'y a quasiment que des maisons. On est 22 000 habitants mais on n'a pas le sentiment d'être dans une ville, mais dans un village."

Les logements sociaux bientôt bâtis à l'initiative de l'Etat s'inséreront dans un quartier résidentiel de grandes maisons, éloignées du centre-ville. (THOMAS GIRAUDEAU / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Les logements sociaux bientôt bâtis à l'initiative de l'Etat s'inséreront dans un quartier résidentiel de grandes maisons, éloignées du centre-ville. (THOMAS GIRAUDEAU / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Au salon de coiffure, au bout de la rue, le patron, Jean-Paul, discute justement de la pétition lancée par le maire avec son ami, José. Ils l'ont tous les deux signé : "Les habitants, ici, dans leur esprit, ils voient arriver dans des logements sociaux des familles avec beaucoup d'enfants, estime José. Il faut voir si les écoles et le collège d'Allauch ont la place pour les accueillir. Et puis toutes les infrastructures qui vont avec, les routes notamment."

Jean-Paul enchaîne : "Déjà, pour se rendre à Marseille le matin, aux heures de pointe, on a du mal à circuler. Il y a des embouteillages. Alors si de nouveaux habitants font aussi la route."

"Nous ne sommes pas contre le logement social par principe"

Virginie prend son café près de l'église. Elle vit dans un petit appartement dans le vieux centre, et attend depuis quatre ans, qu'une place se libère dans le parc social : "Je souhaiterais qu'il y ait des logements sociaux bien sûr, parce qu'on en a besoin, mais en même temps, je ne souhaite absolument pas détruire notre commune."

Allauch est installé sur des collines, où beaucoup de terrains sont encore vierges de toute construction. Or, pour respecter la loi, passer de 7,5% en 2025 à 25% de logements sociaux, il faudrait en bâtir 1 800. Impossible, assure le maire Les Républicains, Lionel de Cala. Alors, la ville paye une amende, d'1,3 million d'euros cette année, qui finance le logement social partout dans le département.

"Nous ne sommes pas contre le logement social par principe, déclare le maire. On veut qu'il soit adapté au cadre de vie et au tissu résidentiel de la commune. Il faut que ce soit de petits logements, de la rénovation dans l'habitat ancien, des petits lotissements, et pas de grands ensembles immobiliers, comme cela peut être le cas dans d'autres grandes villes. Nous ne voulons surtout pas dénaturer le paysage, 80% de la superficie de la commune est constituée de zones naturelles."

Le maire LR d'Allauch craint que sur la parcelle préemptée soit bâti des logements qui dénaturent la ville. (THOMAS GIRAUDEAU / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Le maire LR d'Allauch craint que sur la parcelle préemptée soit bâti des logements qui dénaturent la ville. (THOMAS GIRAUDEAU / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Cela fait des années que nous dialoguons avec le maire pour accélérer sur la construction de logements sociaux. Et ça n'avance pas. Il est temps de passer à l'action", répond, un peu agacé, Georges-François Leclerc. Le préfet des Bouches-du-Rhône a émis, fin mars, l'arrêté au cœur de la colère du maire et de nombreux habitants rencontrés.

"Près de 100 000 habitants des Bouches-du-Rhône attendent toujours un logement social"

Il veut faire bâtir sur la parcelle préemptée, et cherche à les rassurer : "Ce sont mes services qui se chargent du permis de construire. Donc je dis aux habitants d'Allauch qu'ils peuvent me faire confiance. Ce qui se prépare est un petit programme d'environ 10 à 15 logements sociaux et de deux bâtiments de deux étages. Ils s'inséreront bien dans le paysage et ne perturberont en rien le cadre de vie d'Allauch."

Le préfet insiste : "Près de 100 000 habitants des Bouches-du-Rhône sont éligibles et attendent toujours un logement social. Je leur dis quoi ? Où est-ce qu'on les loge ?" Georges-François Leclerc rappelle que plusieurs communes du département carencées, loin des 25% de logements sociaux imposés par la loi SRU ont, elles, construit ces dernières années pour combler leur retard. Une preuve, pour le préfet, que c'est une question de volonté. À Allauch, 25 logements sociaux ont été construits depuis 2020, pour une commune de 22 000 habitants.

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