: Témoignages "Je prends juste un sac et je vais dormir chez des amis ou chez mes parents" : pour arrondir leurs fins de mois, de nombreux actifs mettent leur logement en sous-location
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Quelques jours par mois, malgré l'inconfort, de plus en plus d'actifs proposent leur logement principal à la sous-location pour avoir une source de revenu complémentaire.
Loyers trop élevés, salaires trop bas, coût de la vie exorbitant, diminution du pouvoir d'achat... Pour arrondir leurs fins de mois, de plus en plus d'actifs sont contraints de sous-louer régulièrement leur logement principal. Une pratique déjà répandue pendant les périodes de vacances et les week-ends, mais de nombreux locataires s'y essayent désormais même pendant leurs semaines de travail. Si l'inflation ralentit en France (0,7% sur un an en mai d'après l'Insee), l'économie de la débrouille fait partie des habitudes des Français.
Malgré son CDI d'éducatrice spécialisée, Mona* 32 ans, n'a tout simplement pas le choix pour honorer son loyer de 1 050 euros : "Même en faisant très attention, mon salaire ne suffit pas. C'est de pire en pire ces dernières années, notamment parce que mon loyer augmente un peu tous les ans et que mon salaire ne suit pas. Et puis avec l'inflation, je n'arrive pas à joindre les deux bouts."
Alors régulièrement, elle poste une annonce sur les réseaux sociaux : "La dernière, c'était il y a deux semaines." Sur son téléphone, Mona nous montre le message qu'elle publie régulièrement : "Je sous-loue mon appartement quelques jours, dates flexibles, Paris 10e, entre le Canal Saint-Martin et la place de la République. J'ajoute deux trois photos et on m'écrit pour connaître le prix et la durée."
Des annonces comme la sienne, "il y en a tout le temps, dès que j'ouvre Instagram j'en vois passer, j'ai plusieurs amis qui font comme moi et on s'entraide. Une fois par mois, j'ai une amie qui vient quelques jours chez moi parce qu'elle sous-loue son appart et je sais que je peux aller chez elle quand je sous-loue le mien." Plus de 90% des 25-39 ans estiment qu'il est difficile pour un jeune actif de trouver à se loger dans une grande ville et près de six actifs sur dix estiment que les loyers sont trop élevés. C'est le résultat d'une étude OpinionWay pour Kley, parue en 2023.
"Je n'ai pas le droit de sous-louer donc je prends un risque"
Au moins une semaine par mois, Mona quitte donc son appartement : "Je prends juste un sac et je vais chez mes parents ou chez des amis. Ce n'est pas l'idéal quand tu bosses le lendemain, d'être toujours entre deux appartements, sans toutes tes affaires. Je trimballe mon sac à droite à gauche, c'est la vie nomade."
"C'est toute une logistique en amont. Même quand c'est pour une nuit ou deux, il faut faire le ménage, changer les draps, etc."
Mona, 32 ansà franceinfo
"Et puis, je n'ai pas le droit de sous-louer, poursuit Mona. Mon propriétaire ne veut pas, donc je prends un risque mais je ne peux pas faire autrement." Emma*, 31 ans, est cheffe de projet dans une agence d'influence marketing. Également en CDI, elle peine à boucler ses fins de mois. Il y a deux ans, elle commence à sous-louer son studio de 26 m2 à Paris, pour lequel elle paye un loyer de 850 euros : "D'abord juste quand je partais en week-end, pour rembourser mes frais."
Rapidement, Emma se rend compte que ça ne suffit pas : "J'ai trouvé quelqu'un, par l'intermédiaire d'amis, qui venait bosser à Paris, une semaine par mois, et qui était en télétravail dans le sud le reste du temps. Je lui sous-louais mon appartement une semaine par mois et je retournais vivre chez ma mère ou j'allais dormir chez des amis, à droite à gauche. Ça allégeait mon loyer, mes charges mensuelles et ça me permettait d'être tranquille financièrement."
"C'est épuisant"
Mais la situation devient vite inconfortable : "C'est épuisant. Je commençais à ne même plus vider ma valise quand je rentrais chez moi, à ne plus me sentir chez moi. Ce n'est pas une tranquillité d'esprit du tout : j'avais une surcharge mentale." Elle décide alors de ne proposer son studio à la sous-location que plus ponctuellement sur une plateforme de location : "Uniquement quand je me rends compte que je suis trop ric-rac et que ça ne va pas tenir à la fin du mois."
Romain, 31 ans, est photographe free-lance à Paris. Propriétaire d'un deux pièces de 31 m2, il a un emprunt de 1 400 euros à rembourser tous les mois. "Il y a une telle disparité d'un mois à l'autre dans mon salaire que parfois, mettre mon appartement un peu en location, ça m'allège..." Lui s'est familiarisé avec les plateformes de location il y a quelques mois : "Je me suis rendu compte que c'était de l'argent facile. C'est très loin d'être un business, de toute façon on est limité sur Airbnb quand c'est la résidence principale, c'est 90 jours maximum."
"Quand j'ai besoin de mettre un peu de beurre dans les épinards ou dès que je sens qu'il y a un mois un peu moins certain que les autres, ça m'aide un peu."
Romain, 31 ansà franceinfo
Ces semaines-là, Romain s'installe chez sa copine en échange d'une participation aux charges : "C'est des douches en plus, c'est du bazar en plus, donc c'est une façon pour moi de participer et de ne pas me goinfrer tout seul. C'est vrai que si je n'avais pas cette opportunité de pouvoir dormir autre part, ça aurait été plus compliqué."
La crise du logement dans la capitale lui permet de trouver très vite preneur : "À peine j'ouvre les créneaux que dans les 24-48 heures plus tard, j'ai déjà une demande." Romain, Lucie et Emma logent parfois d'autres actifs sans solution d'hébergement, parfois des étudiants ou des touristes.
"Le logement, c'est le premier choc désagréable d'entrée dans la vie active"
Cette économie de la débrouille s'observe dans de nombreuses grandes villes de France, assure Ronan Chastellier, sociologue et maître de conférences à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris : "Il y a un vrai problème de logement locatif, c'est le premier choc désagréable d'entrée dans la vie active. Alors ceux qui ont un logement ont compris que c'est une espèce de capital et ils le font fructifer par tous les moyens parce qu'ils n'ont pas tellement d'autre choix."
"Quand plus du tiers de votre budget, si ce n'est pas la moitié, est affecté à votre logement, ça devient une vraie préoccupation et tout tourne autour de ça, poursuit le sociologue. C'est-à-dire qu'évidement vous avez besoin d'une augmentation salariale, évidemment vous avez besoin de trouver des logements moins chers et ça tourne à l'obsession. La notion de loyers impayés ne devrait pas être dans le radar des 25-34 ans."
"C'est une réalité, il y a des gens qui ont du mal à boucler leurs fins de mois et on sait très bien que le logement est un poste exorbitant dans le budget d'un jeune salarié."
Ronan Chastellier, sociologueà franceinfo
Une problématique trop peu considérée par les politiques, estime le sociologue, mais de plus en plus prise en compte par les entreprises : "Parmi les avantages que peut proposer une entreprise pour être attractive lorsqu'elle recrute aujourd'hui, c'est incomparablement l'aide à trouver ou à financer un logement, bien au-delà d'une bonne mutuelle ou d'un véhicule de fonction." Plus d'un actif sur deux estime ainsi que c'est l'avantage le plus attractif qu'une entreprise peut proposer.
"Je comprends très bien qu'il y ait des mécaniques d'entraide et de débrouille mais quand ça devient à ce point systématique, que ça devient indispensable pour beaucoup de personnes de louer une partie de leur logement, de le partager, d'être à plusieurs ou de trouver des solutions alternatives, ce n'est pas normal." Au point de véritablement faire évoluer les modes de vie : de plus en plus d'actifs font le choix de la colocation.
* Le prénom a été modifié
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