Reportage Mondiaux de badminton : en couple à la ville et sur le terrain, la paire Léa Palermo et Julien Maio, une évidence qui rime avec performance

Léa Palermo et Julien Maio, en couple depuis sept ans, ont décidé de s'associer sur le terrain en double mixte, et participent aux championnats du monde qui débutent lundi.

Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 10min
Les badistes Léa Palermo et Julien Maio sont associés en double mixte depuis un an et demi. (Yohan Nonotte / Badminton photo)
Les badistes Léa Palermo et Julien Maio sont associés en double mixte depuis un an et demi. (Yohan Nonotte / Badminton photo)

Un binôme dans la vie comme sur le terrain. En couple depuis sept ans, les badistes Léa Palermo et Julien Maio sont aussi partenaires de double mixte depuis un an et demi. Ils participent aux championnats du monde, et entrent en lice, mardi 26 août, à l'Adidas Arena de Paris. "On me demande souvent si nous n'en avons pas marre d'être tout le temps ensemble. Ma réponse est non", sourit Julien Maio. Ensemble, ils partagent leur quotidien dans leur appartement à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), leur préparation physique avec le même coach, et leurs entraînements de badminton au pôle performance d'Issy.

Un équilibre entre vie personnelle et sportive

Un équilibre qui a été simple à trouver. "On a mis en place une règle de base : ce qui se passe au bad reste au bad, explique Julien Maio. On parle forcément un peu de badminton en dehors du terrain mais on a mis des limites, surtout depuis que l’on joue ensemble." Léa Palermo s'est même fixé une autre ligne blanche, celle de garder pour elle ses doutes ou ses états d'âme : "Parfois, je ne préfère rien lui dire car cela pourrait jouer sur notre performance, en le faisant douter à son tour. Mais on se connaît tellement bien que je sais quand je peux lui en parler." 

Entre deux séances d'entraînement, Léa et Julien aiment jouer aux cartes, comme ici dans leur salon, le 25 juin 2025. (APOLLINE MERLE / FRANCEINFO SPORT)
Entre deux séances d'entraînement, Léa et Julien aiment jouer aux cartes, comme ici dans leur salon, le 25 juin 2025. (APOLLINE MERLE / FRANCEINFO SPORT)

Leur harmonie impressionne, jusqu'à leur partenaire d'entraînement, Koceila Mammeri. "Je suis admiratif et surpris positivement par cette association. Ils se lancent constamment des défis aux entraînements, même sur de petits exercices, et emmènent le groupe avec eux. Personnellement, je ne pourrais pas le faire. Je joue avec ma sœur en double mixte mais je ne pourrais pas m'entraîner tout le temps avec elle", sourit le badiste franco-algérien de 26 ans. Pour que leur association fonctionne, les deux athlètes ont toutefois dû apprendre à faire la part des choses entre leurs deux vies.

"Au départ, j’avais une appréhension. Je me demandais comment nous allions gérer les moments où on se dispute par exemple. Je redoutais que cela soit trop énergivore. Mais finalement, tout s'est bien mis en place, on rigole beaucoup."

Léa Palermo, badiste, spécialiste du double

à franceinfo: sport

Le rire est même au centre de leur binôme. Installés en face-à-face sur leur table basse dans leur salon, entre deux entraînements, Léa et Julien, grands amateurs de jeux de société, en profitent pour faire une partie du jeu collaboratif "50 missions", qui prend vite des aires de compétition. "Je n’avais pas vu", rétorque Julien après une belle manœuvre de Léa. "Comment veux-tu performer avec un partenaire comme ça ?", se marre-t-elle.

L'ambiance, détendue et joyeuse, se poursuit en préparation physique. Le programme de la séance du jour a été allégé, à trois jours avant leur départ pour un tournoi (Super 300) au Canada fin juin. Leur préparateur physique, Xavier Bastin, passe de l'un à l'autre et personnalise chacun des exercices, même s'ils ont une même feuille de route. Alors que Léa hésite sur quels poids utilisés pour l'exercice des triceps, Julien l'observe et en profite pour la taquiner, toujours avec tendresse. Elle décide de se challenger, comme souvent, et de monter la charge à 7,5 kg de chaque côté. "À l'entraînement de bad, Léa va me dire : 'je ne comprends pas, mes poignets me tirent'", plaisante Julien qui l'observe dans son effort. Mais son regard se veut surtout rassurant. De quoi faire oublier à Léa ses quelques doutes, réalisant son exercice sans sourciller.

Trouver son équilibre entre vie pro et perso

Tout en restant sérieux et appliqués sur les exercices, les rires sont nombreux pendant la séance, que Julien agrémente avec sa playlist et ses titres préférés comme Zeri in più (Locura) de Lazza & Laura Pausini. Entre deux soulèvements de poids, Léa ne peut s'empêcher de charrier à son tour son compagnon, avec lequel elle est pacsée depuis février. "Je n'ai pas passé une super nuit à cause de ses ronflements", plaisante-t-elle, provoquant les éclats de rire du trio. “Ils restent très professionnels, même quand ils s’embrouillent, cela ne se ressent pas lors des séances. Parfois, j'apprends plusieurs jours après qu'ils étaient fâchés. Ils se tirent mutuellement vers le haut", reconnaît Xavier Bastin. 

Léa Palermo et Julien Maio lors de leur séance de préparation physique, avec leur coach Xavier Bastin, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le 25 juin 2025. (APOLLINE MERLE / FRANCEINFO SPORT)
Léa Palermo et Julien Maio lors de leur séance de préparation physique, avec leur coach Xavier Bastin, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le 25 juin 2025. (APOLLINE MERLE / FRANCEINFO SPORT)

Si quelques signes de tendresse leur échappent en petit comité pour les séances de physique, "Lélé" et "Ju" ne laissent rien transparaître lors de l'entraînement de badminton. "On ne le cache pas mais on reste pro, avec le bad en ligne de mire", glisse Julien. En plein exercice de deux joueurs contre trois, Léa réalise une amortie parfaitement touchée. "C'est bien joué, tu as bien bloqué", l'encourage Julien, regard admiratif.

Une complémentarité dans le jeu

Tout au long de l'entraînement, la paire communique beaucoup et se répond à travers des cris d'encouragement, avec en fond sonore les crissements des chaussures sur le revêtement orange du gymnase. "Ils parlent beaucoup, peut-être même trop selon moi, mais c'est leur équilibre. Julien a besoin de beaucoup s'exprimer sur le terrain, alors que dans la vie quotidienne, c'est plutôt l'inverse", sourit Florent Riancho, coach référent du pôle performance d'Issy-les Moulineaux, qui les connaît depuis une vingtaine d'années. Sur le plan badiste, le technicien relève leur complémentarité, où Julien est un très bon observateur du jeu, quand Léa va être plus instinctive. 

"Ils se retrouvent sur les mêmes intentions dans le jeu, où Julien va plus souvent prendre le lead."

Florent Riancho, coach référent du pôle performance d'Issy-les Moulineaux

à franceinfo: sport

Le pari a été gagnant. Associés depuis seulement le printemps 2024, ils sont passés de la 356e place mondiale à la 36e, pour atteindre actuellement leur meilleur niveau. Ils ont même coché leurs deux objectifs de l'année : remporter une médaille européenne (le bronze au championnat d'Europe en avril 2025) et se qualifier pour les Mondiaux à Paris. Avec leur nouveau classement, ils vont pouvoir entrer dans des catégories de tournoi plus élevées, comme les Super 500 ou 750, et enfin les Super 1000, l'équivalent des Grands Chelems au tennis. "Remporter une médaille européenne était un objectif depuis mon retour de blessure. J'y ai toujours cru. Cette victoire vient du cœur et c'est un accomplissement", se réjouit encore Léa.

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Un accomplissement rendu possible par leur duo gagnant. "C'est une force d'être ensemble, assure Julien. On a gagné du temps dans la communication, alors que parfois avec nos autres partenaires, on va prendre des pincettes. On n'a pas peur de se dire les choses."

"En double, on a besoin de bien s’entendre et de se dire les choses quand quelque chose te tracasse."

Léa Palermo, badiste, spécialiste du double

à franceinfo: sport

"Quand je jouais avec Delphine Delrue en double dames, nous étions opposées sur plusieurs points. Mais j'ai trop attendu pour lui dire les choses et ça a été énergivore", relève Léa Palermo. Il faut toutefois trouver le bon ton. "Il faut savoir se dire les choses quand ça ne va pas, mais sans être trop brutal et ils y arrivent parfaitement", souligne leur coach Florent Riancho, qui n'avait jamais entraîné une paire en couple avant eux.

"Confiance aveugle"

Les deux badistes n'y voient que des avantages. "On a le même objectif et le même investissement. Et une confiance aveugle en l'autre. Toute notre vie va dans la même direction pour une passion commune", appuie Léa. Être avec sa moitié en compétition est aussi un soutien important pour l’organisation des déplacements et lors des voyages. "Une fois, en Malaisie, j'ai été victime d'une intoxication alimentaire. Heureusement que Julien était là pour m’aider et tout gérer", se souvient-elle.

En revanche, partager sa vie quotidienne et son environnement de travail peut être plus compliqué en cas de blessure de l'un des membres de la paire. En octobre 2021, Léa Palermo est victime d'une rupture du ligament croisé et ne retrouvera les terrains qu'un an et trois mois plus tard, avant d'être à nouveau touchée au deuxième genou, avec la même blessure, lors de sa compétition de reprise. “Il a été d’une aide précieuse. Il connaissait les conséquences d'une telle blessure et de l'effort nécessaire pour revenir", se remémore-t-elle.

"Mais j'ai occulté son prisme, sans le vouloir. Je pensais que j’étais la seule victime à cause de ma blessure et je n’imaginais pas à quel point c’était dur pour lui aussi."

Léa Palermo, badiste, spécialiste du double

à franceinfo: sport

Car pendant cette période, Julien doit continuer à s'entraîner, sans sa partenaire, et ne peut donc participer à aucune compétition, se retrouvant sans projet à moyen terme. "Je me suis mis au second plan, admet-il. Tu penses moins à performer qu’au bien-être de ta partenaire, qui est en l'occurrence ta copine. Et tu veux être à ses côtés dans ce moment compliqué pour un athlète : si elle veut se marrer, on rigole, et si elle a besoin de relâcher et pleurer, tu es là aussi."

Un potentiel pas encore atteint

La situation est d'autant plus dure pour Julien, qui en 2021, est lui aussi opéré du genou, au niveau du tendon rotulien, mais les douleurs persistent après son retour. “J’étais autocentrée, poursuit Léa, car j’étais mal émotionnellement, en me sentant mise de côté. J'étais proche de la catastrophe. J'avais des œillères, et j’ai oublié que c’était dur pour lui avec ses douleurs. On a fini par en parler. Je m’en suis beaucoup voulu". 

Cette mauvaise période a renforcé leur lien et leur envie de performer ensemble. À respectivement 32 et 31 ans, Léa et Julien "ont certes atteint une certaine maturité, et sont mieux physiquement aujourd'hui qu'il y a cinq ans, mais n'ont pas encore atteint leur plein potentiel", assure Florent Riancho. "Ils ont encore des automatismes à perfectionner, pour diminuer leurs passages à vide, encore trop nombreux", précise-t-il. Mais le niveau atteint par la paire en seulement un an et demi est plus que prometteur. De quoi viser le Top 30 d'ici la fin d'année. Et pourquoi pas rêver d'un premier podium mondial, à la maison, en famille ?

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