Dix ans après le crash mortel de l'émission "Dropped", les familles attendent toujours un procès

Il y a dix ans jour pour jour, le 9 mars 2015, Florence Arthaud, Camille Muffat ou Alexis Vastine perdaient la vie dans un accident d'hélicoptère, en Argentine, en marge du tournage d'une émission de télévision.

Article rédigé par franceinfo: sport avec AFP
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4min
Florence Arthaud, Camille Muffat et Alexis Vastine, morts sur le tournage de "Dropped", en mars 2015. (AFP)
Florence Arthaud, Camille Muffat et Alexis Vastine, morts sur le tournage de "Dropped", en mars 2015. (AFP)

Dix ans, dix morts, pas de procès : les familles des victimes de l'accident, survenu lors du tournage de l'émission "Dropped" en Argentine le 9 mars 2015, espèrent bientôt une audience. Le crash d'hélicoptère avait notamment coûté la vie à Florence Arthaud, victorieuse de la Route du Rhum en 1990, Camille Muffat, championne olympique du 400 m nage libre en 2012, ou Alexis Vastine, en bronze aux JO en 2008.

Valérie Guinard, épouse de Volodia Guinard, cameraman mort sur le tournage, et présidente de l'association de victimes, raconte à l'AFP ce temps écoulé : "C'est à la fois très long, mes enfants ont désormais 16 ans et 18 ans. Mais j'ai encore l'impression que c'était hier." Alain Vastine avait dit en larmes, il y a un an, aller "sur la tombe toutes les semaines" de son fils, le boxeur Alexis Vastine.

Le 9 mars 2015, non loin des neiges éternelles du Cerro General Manuel Belgrano (6 250 m), deux hélicoptères décollaient de Villa Castelli, dans la province argentine de la Rioja, pour transporter les sportifs et l'équipe technique sur les lieux du tournage.

Les candidats de "Dropped", dont la diffusion était prévue à l'été 2015 sur TF1, devaient être largués dans des zones isolées puis avaient 72 heures pour retrouver la civilisation. Mais au départ de ce vol rapproché à basse altitude, fait dans le but que le cameraman d'un appareil filme l'autre, les deux hélicoptères "Ecureuil" sont entrés en collision avant de s'écraser.

Alain Bernard, Jeannie Longo et Philippe Candeloro spectateurs impuissants du drame

Dix personnes ont trouvé la mort : outre la navigatrice et les deux médaillés olympiques de natation et de boxe, cinq membres français de la production et deux pilotes argentins font partie des victimes. Le patineur Philippe Candeloro et le nageur Alain Bernard, autres candidats comme l'ex-cycliste Jeannie Longo, ont raconté comment ils ont assisté, impuissants, à cette tragédie, la plus meurtrière de l'histoire de la téléréalité.

Dix ans après, les familles françaises se réuniront, dimanche 9 mars, dans un café parisien pour commémorer cette tragédie. "Chaque année qui passe sans décision sur la culpabilité est une souffrance supplémentaire pour les victimes", estime Me Solenn Le Tutour, avocate de l'association de victimes. Dans l'enquête des juges parisiens du pôle accidents collectifs, sont mis en examen la société de production Adventure Line productions (ALP), poids lourd des jeux télévisés d'aventure tels que "Koh-Lanta" ou "Fort Boyard", et cinq personnes, dont des hauts dirigeants d'ALP de l'époque.

Vidéos et témoignages ont, certes, vite mis en cause une erreur de pilotage, hypothèse accréditée fin 2015 par le Jiaac, l'équivalent argentin du Bureau d'enquêtes et analyses (BEA). Mais le rapport argentin pointait aussi d'autres défaillances : "lacunes dans la planification" du vol, utilisation dans un cadre commercial d'hélicoptères publics, imprudences de pilotage pour des séquences spectaculaires...

"ALP parie sur notre lassitude"

Sollicité par l'AFP, l'avocat Me Mathias Chichportich assure qu'ALP et ses équipes "comprennent et respectent la douleur des familles" mais exclut "toute responsabilité pénale" de la société. Il incrimine "une erreur humaine", celle des pilotes, et garantit que "l'ensemble des moyens humains et matériels ont été mis à disposition" pour ce tournage.

Depuis la clôture de l'enquête en 2022, les familles attendent les réquisitions du parquet de Paris, qui n'a pas souhaité commenter, avant la décision finale des juges sur un procès éventuel. Hubert Arthaud, frère de la navigatrice, est "très satisfait du travail des juges, mais attend un procès", selon son avocat, Me Jean-Marc Delas. "Le sujet est le même depuis le départ : est-ce qu'ils ont sacrifié la sécurité pour des raisons économiques ou pas ?"

En septembre, la Cour de cassation a balayé les ultimes recours en défense. Pour Me Delas, celle-ci "ralentit le dossier, en espérant être le plus loin possible de l'émotion". "ALP parie sur notre lassitude", abonde Mme Guinard. Me Chichportich conteste, lui, tout recours "dilatoire" d'ALP, dont la condamnation au civil pour "faute inexcusable" a été validée en cassation. En 2013, déjà, un candidat de "Koh-Lanta" était mort. Mais "Dropped", insistent les familles dans une vidéo de trois minutes qui sera diffusée vendredi, est "le plus grave accident du travail de la télévision française."

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