"Un budget qui diminue, ça peut faire mal très vite" : le handball féminin français, entre réussite sportive et fragilité économique
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Après une saison très disputée tant en haut qu’en bas de classement, la Ligue Butagaz Energie redémarre, mercredi. Si l’intérêt sportif du championnat féminin de Division 1 a été loué par ses suiveurs, les coulisses sont beaucoup moins reluisantes avec une situation économique précaire pour de nombreux clubs.
A quelques jours de la reprise de leurs championnats respectifs, joueuses et dirigeants des clubs de D1 et D2 féminines de handball se sont retrouvés à la Maison du handball (Créteil) pour y dévoiler leurs ambitions à l'orée de la nouvelle saison. Mais cette fois-ci, quasiment tous les discours étaient teintés d'une grande mesure. Les mots-clés ? Structuration, stabilité, humilité, raisonnable…
Car si le budget moyen des 12 clubs de D1 est en légère hausse (2,5 millions d'euros contre 2,4 millions la saison précédente), c'est un trompe-l'œil avec un équilibre économique fragile pour la plupart d'entre eux, alors que la Ligue Butagaz Energie redémarre, mercredi 3 septembre.
Mérignac est l'une des dernières victimes après avoir pourtant obtenu son maintien sportif parmi l'élite du handball féminin. Mais cet été, la formation girondine est passée sous les fourches caudines de la Commission nationale d'aide et de contrôle de gestion (CNACG) a été relégué en Nationale 1, l'équivalent du troisième niveau national. Un destin similaire à celui de Celles-sur-Belle, rétrogradé à l'étage inférieur à l'issue de la saison 2022-2023. Un exercice que le club de Bourg-de-Péage n'avait même pas pu terminer, frappé par une liquidation judiciaire.
La baisses de budget des collectivités
Pourquoi une telle fragilité ? Une première piste d'explication peut résider dans le modèle économique des clubs avec une part importante des subventions, qu'elles viennent des municipalités, des communautés d'agglomérations ou des départements. Or, l'état actuel des finances publiques contraint les collectivités locales à se serrer la ceinture. "Malheureusement, dans ces cas-là, c'est souvent le sport féminin qui est impacté, reconnaît Nodjialem Myaro, présidente de la Ligue féminine de handball. Le sport féminin paie vraiment de manière très drastique les conséquences des baisses de budget des collectivités. Déjà, parce que ce sont des montants qui sont moins importants que dans le sport masculin. Et quand ça diminue, ça peut faire mal très vite. Pourtant, on sort des Jeux Olympiques qui auraient dû, en tout cas on l'aurait espéré, être un tremplin pour le sport de manière générale et le sport féminin en particulier."
"Mais on voit bien que malheureusement, le sport en France n'est pas considéré à la hauteur des attentes."
Nodjialem Myaro, présidente de la Ligue féminine de handballà franceinfo
Et quand un territoire compte plusieurs clubs de haut niveau, les arbitrages financiers peuvent vite tourner au casse-tête. La saison dernière, le Val-de-Marne a compté trois clubs évoluant parmi l'élite : l'US Créteil, l'US Ivry chez les hommes et la Stella Sant-Maur chez les femmes : "Oui, il y a une légère différence, confirme Noura Ben Slama, la manager de la Stella. Mais on n'est pas si loin que ça. Il y a un petit chouïa qu'on espère récupérer un jour pour pouvoir avoir l'équité sur cette subvention."
En revanche, à l'échelle de la municipalité de Saint-Maur-des-Fossés, la question ne se pose (quasiment) pas. Dans cette commune cossue de la banlieue parisienne, tout le monde connaît la Stella, une institution qui a fait la fierté de la ville. Pendant plus de deux décennies, le club val-de-marnais s'est érigé comme un monument du handball français avec sept titres de champion de France (dont six chez les hommes).
La difficile recherche de financements privés
Si la section masculine de la Stella Sant-Maur a périclité au milieu des années 80, son versant féminin a repris le flambeau avec un retour dans l'élite en 2023. Mais pas question de faire de folies et de vivre sous perfusion des aides publiques, insiste Noura Ben Slama : "Il est très important que la part sponsoring et mécénat soit supérieure à la partie subventions. Parce que les subventions, on ne sait jamais ce qui peut se passer, elles peuvent très bien diminuer ou disparaître… Aujourd'hui, on est dans un monde où tout est assez compliqué. S'il se passe quoi que ce soit, on sait que le sport sera le premier touché. Dès lors, on se bat tous les jours pour aller chercher du partenariat privé ou du mécénat pour que le club puisse perdurer dans le temps."
En sept ans, la Stella Saint-Maur est ainsi passée de 0 à 102 partenaires aujourd'hui, essentiellement locaux. L'aura de ce club historique (575 licenciés) et la richesse du tissu économique francilien n'y sont pas étrangères. Mais cela reste insuffisant pour jouer les premiers rôles : la formation francilienne, qui a sauvé de justesse sa place en D1 la saison dernière, est le 12e budget (sur 14) du championnat avec 1,473 million d'euros. Soit presque six fois moins que le Brest Bretagne Handball, qui peut s'appuyer sur la surface financière de Gérard Le Saint dont l'entreprise familiale est le leader national de la distribution de produits frais.
Mais attention au tout-privé qui ne doit pas être l'alpha et l'oméga du financement des clubs. Se reposer sur un homme (ou une femme) providentiel n'est en aucun cas une garantie de pérennité. "On l'a vu à Nantes, par exemple où ça n'a été supporté que par du privé. Et quand le privé s'effondre, tout le club est embarqué" avertit Nodjialem Myaro, la patronne de la LFH, à propos des Neptunes de Nantes. Troisième à la fin du championnat 2024, le club a déposé le bilan quelques semaines plus tard compte tenu des difficultés économiques de son actionnaire (un groupe immobilier qui a pâti de la crise dans le secteur). "Il faut que les clubs arrivent à avoir un modèle économique qui leur permette d'être sur leurs deux pieds. Et il n'existe pas aujourd'hui de modèle économique unique pour les clubs. C'est assez hétérogène."
Des clubs qui se structurent par étapes
Au club d'Achenheim-Truchtersheim, la montée en D1 il y a deux saisons a coïncidé avec un rapprochement avec la ville de Strasbourg. Une évolution qui a permis au club présidé par Laurent Astier de disputer plusieurs matches dans les salles de la ville, dont le Rhénus, la grande salle omnisports de la métropole alsacienne (6 000 places). Et d'établir un record historique d'affluence en championnat avec 5 618 spectateurs contre Metz, en novembre 2024 : "Je crois qu'il était surtout indispensable de se rapprocher de la ville de Strasbourg pour attirer des partenaires, analyse Laurent Astier. Psychologiquement, ils avaient beaucoup de mal à venir voir du handball féminin dans la salle du collège de Truchtersheim, petit village de la banlieue strasbourgeoise. Le fait d'être devenu un club strasbourgeois et de commencer à jouer dans des grandes salles a permis de débloquer beaucoup de préjugés de la part de partenaires. Ils sont venus pour notre premier match au Rhénus et ils y ont pris du plaisir. Aujourd'hui, ce sont des partenaires fidèles qui s'engagent un peu plus chaque année à nos côtés et qui ramènent d'autres partenaires. C'est un cercle vertueux."
Si le président du club rebaptisé Strasbourg-Achenheim-Truchtersheim Handball ne cache pas son ambition et vise toujours plus haut (11e en 2024, 8e en 2025), il se refuse de griller les étapes : "Avant de travailler sur le sportif, on a travaillé sur la structuration, détaille Laurent Astier. C'est le modèle qui nous permet aujourd'hui d'avoir une santé financière correcte et de pouvoir envisager de continuer à développer, à grandir au fil des ans. On est passé d'un budget de 450 000 euros il y a cinq ans à un peu plus de 2 millions d'euros cette année. Le premier million, c'est 25% de subventions publiques et 25% de ressources propres liées à toutes les activités qu'on peut avoir autour de l'équipe première, la billetterie et un petit peu de merchandising. Le second million, ce sont les partenaires privés à qui on a essayé d'offrir un spectacle autour du handball féminin."
Le championnat, un "spectacle" à la hauteur
Et sur ce plan, la dernière édition du championnat a été plutôt disputée à tous les étages. Que ce soit la lutte pour le titre entre Metz et Brest, la course aux places européennes ou la lutte pour le maintien : "Si on prend le championnat dans sa globalité, sportivement, franchement, on n'a pas à rougir, souligne Nodjialem Myaro. C'est un championnat qui est très dense. Jusqu'à la fin du championnat, on ne savait pas ce qui allait se passer. Valoriser le produit, ça veut dire du suspense et pas trop d'écart entre les équipes." Mais si le championnat n'a pas trop à se plaindre quant à sa visibilité médiatique avec la diffusion d'une affiche par journée sur BeIn Sports (et de tous les matches sur la plateforme fédérale Handball TV créée il y a trois ans), les clubs ne peuvent pas vraiment s'appuyer sur une énorme manne financière avec les droits télé. En effet, le partenariat avec la chaîne qatarienne se limite à la coproduction des matches et Handball TV ne revendiquait que 110 000 comptes la saison dernière.
"Nous sommes les premiers acteurs, on ne peut pas nous sortir de l'équation", insiste Sophie Palisse, présidente de Saint-Amand Handball – Porte du Hainaut et présidente de l'Union des clubs professionnels de handball féminin (UCPHF) qui regroupe les 24 formations de D1 et de D2.
Beaucoup trop pour un si petit gâteau ? "Ce n'est pas un nombre de clubs qui va donner une santé économique viable à une Ligue mais plutôt une structuration, un accompagnement des clubs, souligne Sophie Palisse. Et un suivi au cordeau de la Commission nationale de contrôle et de gestion (CNCG) des clubs. Une instance qui devrait être complètement autonome. Or, actuellement, on a un président de CNCG qui fait partie du bureau fédéral et du conseil d'administration de la fédération. Donc, il serait bien que la future loi sport prévoie qu'un tel président soit complètement indépendant. Je ne dis pas que ça va sauver tous les clubs, mais on pourrait travailler plus sereinement, en confiance." Et éviter une situation où à une semaine de la reprise, un tiers des clubs de D2 n'on toujours pas validé administrativement leur participation au championnat.
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